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Le voyage en Algérie de Sandrine Charlemagne
Publié dans Le Soir Echos le 10 - 09 - 2012


« En cet instant, je crois au soleil », écrit superbement Sandrine Charlemagne tandis qu'en août 2000, elle entreprend de quitter Marseille par la mer vers Alger. C'est le pays de son père, l'Algérie, dont sont nourries toutes les pages de son récit Mon pays étranger (La Différence, 2012). Le paquebot s'appelle Tariq et c'est bien d'une voie vers soi que nous parle ce livre intense et loyal. On croirait les gens pris de panique à l'idée de rester à quai, que le bateau parte sans eux . Le lecteur est du voyage, et il ne va jamais décrocher. Mon pays étranger ou comment un regard aigu et libre, tourmenté et bravache mais surtout avide de lucidité et prompt à la tendresse, tourne en roman une méditation sur fond de rencontres et de souvenirs, pas tous heureux. Sa liberté de ne pas être mariée de force, la narratrice la dut seulement au fait de ne pas avoir été reconnue par son père qui n'avait donc pas sur elle d'autorité légale. Mais était-ce un père, celui qui avait dit à la mère : « Une fille ? C'est bon pour la poubelle ! ». Une enfant battue renait sur un bateau tardant à quitter le port. Le soir, la jeune fille dansera pendant le concert de chaâbi au bar. À Alger, accueillie par l'ami Mahmoud rencontré lors l'une fête à Montreuil, la voici s'émerveillant des lettres en arabe sur la bouteille d'eau minérale. Mahmoud est un acteur assez populaire : le douanier buvait ses paroles. Echappée du port d'Alger, Sandrine pleure et sourit. « Les larmes de l'identité qui se débarrasse de ses bandages de momie ? ». Mahmoud promet : « Tu verras, tu vas l'aimer, l'Algérie ». Elle répond : « Je l'aime déjà ». Des souvenirs douloureux l'assaillent. L'assassinat en 1993 de l'écrivain Tahar Djaout et du psychiatre, signataire d'un communiqué du « Comité vérité sur l'assassinat de Djaout » et qui fut poignardé devant l'entrée de son hôpital. Tout ce que lui avait relaté Adel, réalisateur de films exilé en France. Elle pense aussi à Nordine qui lui avait appris l'existence du code de l'indigénat, aboli vers 1944 : « … L'Arabe ne devait jamais fixer dans les yeux un policier français. Ce soi-disant outrage était passible d'une amende ». Mahmoud et Sandrine font une halte à la cinémathèque avant d'arriver au Théâtre national dont le directeur a été assassiné : « J'ai vu son corps troué de balles », dit Mahmoud qui, le visage défait, montre l'endroit du meurtre. Les deux amis se promènent, mais Mahmoud explique qu'il évite habituellement de passer devant la galerie d'art de la famille Asselah, le père et le fils ayant été assassinés. L'angoisse de dix années tragiques vécues par l'Algérie n'en finissait pas d'étreindre ceux qui en savaient l'atrocité. Sandrine ira-t-elle à Makouda, cherchant l'impossible réconciliation avec le père hostile qui y est enterré ? Pour l'heure, Mahmoud évoque les coupures d'eau : « L'eau, dit-il, est un bien plus précieux que le pétrole ». Au matin, en taxi vers Sidi-Bel-Abbès et son théâtre à l'italienne. « Je voudrais tant devenir algérienne. Aurais-je alors le sentiment de n'être plus chassée de nulle part ? Enfin consolée ». Mais la route de Chlef est dite « à risques ». Quant à Sidi Bel-Abbès « y a pas encore si longtemps, explique Mahmoud, des terros s'affichaient avec leurs kalachs... ». Les gens, souvent, sourient à la visiteuse. Les gens ? Tel « prince de la bricole » qui écoute des noubas andalouses mais se jette sur son fusil « au moindre bruit qui l'arrache de son sommeil ». À cette atmosphère lourde s'oppose l'accueil amical. Puis soudain, un rappel de la détresse : « Chez nous cent quarante mille malades mentaux ont moins de trente ans ». Et sur une page d'El Watan, ce titre : « Les hordes barbares ont à nouveau sévi. Six enfants sauvagement assassinés dans la commune de Ouled Yaich ». Heureusement, Mon pays étranger brille par de nombreux portraits de femmes cependant que la romancière décrit « le monde clos de la vie clandestine, les hommes exultant, cassant, bazardant leurs codes sociaux » tandis que Djamila « aux yeux noirs brillants » promeut bravement « son allure tapageuse ». Sandrine Charlemagne qui voulait « savoir quoi faire de la moitié de [son] sang » en a fait un beau livre. Dans ce pays où « l'âme est à nu ». Elle se souvient de sa maman cognée pour un rien par le père, et constamment elle imagine, présente à ses côtés durant son périple l'amie Nina aux yeux verts qui s'est suicidée et dont elle ne saurait effacer l'image devenue protectrice. La coalition des forces et des faiblesses de tous anime ce livre. L'auteure met en gerbe les colères et les rêves. Elle écoute Rimitti, chanteuse aveugle et rebelle. Après Sidi-Bel-Abbès, Oran et l'hospitalité d'Amina, mais le mari de celle-ci a été tué en 1994 : «Tu peux interroger n'importe qui à Oran, Kada, c'est un homme hors du commun. Oui, je parle encore de lui au présent. » En promenade avec Farah, Sandrine passe devant le théâtre où travaillait le père de celle-ci. La jeune fille accélère le pas. Plus tard dans un café, elle dira à Nawel, sa sœur adoptive, qui rêve d'émigration « Je ne veux plus entendre parler de l'autre côté de la mer aujourd'hui. Sinon tu n'es plus ma sœur. » Retour chez Amina et sur la table basse, cette coupure de presse : 22 août 2000. – QUAND L'ALGERIE SURCLASSE LE CHILI : « En quinze ans, le Chili de Pinochet, modèle universel de dictature, n'a pas connu autant de disparus que l'Algérie en huit ans. Les quatre mille cas de Chiliens enlevés traînent loin derrière les sept mille deux cent cas documentés par l'ANFD, et encore plus loin, derrière les estimations de Maître Ali Yahia Abdenour qui parle de pas loin de 20 000 disparitions ». Les horreurs de la décennie de sang hantent les amis de Sandrine, mais, ainsi qu'elle l'écrit, « ils ne sous-estiment pas la vie ». Soudain, je me souviens de Mohamed Dib, le grand écrivain natif de Tlemcen qui me disait, lors de nos entretiens pour France-Culture, son admiration pour les femmes en Algérie. Mon pays étranger, ce livre tourmenté et tendre, rend ce que l'auteur a reçu. C'est pourquoi les lecteurs seront comblés : quelqu'un lui parle envers et contre tout de la joie de ne pas sous-estimer la vie.

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