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Fawzi Karim, un poète irakien aux doigts couverts de peinture et de boue | Le Soir-echos
Publié dans Le Soir Echos le 15 - 10 - 2012

Autant que le naturel de l'aveu intime, autant que l'approche murmurée d'une vérité intérieure jamais tout à fait opaque car elle a pour limite le désir, le désaveu de la violence a le pouvoir de désencombrer la parole poétique de l'Irakien Fawzi Karim. Ce poète, dont l'œuvre est saluée par des lecteurs fervents dans tout [...]
La chronique de Salim JAY
Autant que le naturel de l'aveu intime, autant que l'approche murmurée d'une vérité intérieure jamais tout à fait opaque car elle a pour limite le désir, le désaveu de la violence a le pouvoir de désencombrer la parole poétique de l'Irakien Fawzi Karim. Ce poète, dont l'œuvre est saluée par des lecteurs fervents dans tout le monde arabe, vit à Londres depuis 1978.
C'est à Alger, à la faveur du Salon du Livre qui vient de s'y dérouler, que j'ai eu le plaisir de longues conversations avec Fawzi Karim. Le poète irakien m'a évoqué son activité d'artiste peintre et sa passion pour la musique classique. Et, en compagnie du poète marrakchi Yassine Adnan qui se souvenait de leurs rencontre marocaines, nous avons découvert Non, l'exil ne m'embrasse pas (dans la traduction de Saïd Farhan parue chez Lanskine en 2011).
Ce volume fait suite à l'autobiographie poétique de Fawzi Karim Continent de douleurs qui parut en 2003 aux éditions Empreintes en 2003, grâce, déjà, à Saïd Farhan. Le traducteur présentait Fawzi Karim comme un disciple du grand poète irakien Al-Sayâb (1927-1964). Face aux tragédies subies par l'Irak, on peut certes donner raison à la journaliste Marie de Varney qui a intitulé son témoignage Parfois le silence est une trahison (aux éditions Anne Carrière, en 2009). Continent de douleurs, nous dit Saïd Farhan, est « élégie de tout un peuple, affamé, exilé, prisonnier, jusqu'au désastre final de tout un pays ». Comment rendre compte de l'effroi individuel et collectif ? Fawzi Karim est un poète qui se défie des grandes proclamations. Il déteste toute forme d'ostentation. L'ironie pourrait-elle se glisser dans les plis de la mémoire ? Elle aurait le goût amer d'une désolation stupéfaite. Car la dévastation menace, et la dégradation du rapport à autrui, et l'implacable défiguration de la nature : « Un arbre arraché vole (...) À quelques mètres flotte un ballot de métal. L'écume se propage, et l'odeur de fumée. (...) Cela ressemble à un obus de canon ou à une bombe tombée d'un avion invisible ». Parfois, lisant Fawzi Karim, on pense tout aussi bien au poète syrien Al Maghout dont Abdellatif Laabi traduisit en 1992 La joie n'est pas mon métier dans la collection Orphée des éditions de la Différence et qui demeure une des voix les plus authentiquement désespérées de la poésie arabe contemporaine.
Si le recueil le plus récemment traduit de Fawzi Karim s'intitule bravement Non, l'exil ne m'embarrasse pas, la méditation tout la fois mélancolique et lucide était inscrite en germe dans Continent de douleurs, où s'élevait soudain un sentiment de révolte impuissante :
« Bagdad est une plainte dans le tunnel de l'éternité
Bagdad est une bannière, les cadavres oubliés en héritent.
Bagdad est un livre qu'un fantôme lit dans la nuit de l'exil
Bagdad est un miroir du masque de l'assassin. »
L'exilé raconte dérives et déceptions : « L'habitude harasse le serveur comme un rat mouillé / et je flotte entre rêve et rêveur tel un pendule. » Rien d'étonnant à ce que les traductions anglaises des vers de Fawzi Karim dont le recueil Plague lands and other poems (ed Carcanet) aient retenu l'attention. Il me semble en effet, à la lecture de Non, l'exil me m'embarrasse pas avoir décelé chez le poète irakien quelque chose de l'ordre de la « britishness », dès lors que j'ai pu songer, le lisant, à l'humeur d'un Philip Larkin ou au lyrisme d'Auden. Paul de Brancion se souvient de sa première rencontre, en France, avec Fawzi Karim, invité au festival Les Voix de la Méditerranée : «... il était là refusant toute compromission, tout discours. Il n'était le porte-parole d'aucune politique, d'aucun sensationnalisme. Aux questions oiseuses, il répondait avec une extrême politesse ferme, demandant juste que l'on écoute sa poésie ». Page de gauche : « un air de jazz parvient / d'une fenêtre lointaine » nous est-il révélé in fine, mais page de droite, un poème décrivant les passagers d'un bus commence par un confidence glaçante : « La nuit je me méfie du souvenir/ qui me traverse la tête comme la balle d'un sniper ». Le dernier poème du recueil semble malheureusement, au regard de l'affreuse actualité syrienne, écrit ces jours-ci : « Lorsque les pas de leurs botte / L'hymne éparpillé dans leurs gorges / Et l'oscillation de leurs bras / M'encombrent / Je me blottis, méfiant, épineux comme le hérisson / de mauvais augure / Sur la fenêtre se dépose, comme la boue, l'obscurité d'une longue nuit ». La poésie de Fawzi Karim s'impose au souvenir par la loyauté dont elle semble offrir un exemple radicalement libre de toute affiliation oiseuse. Un homme nous parle de ce qui le constitue et de ce qui le destitue avec une question qu'il dédie à Abul Alâ al-Ma'arri (973-1057) : « Qui m'habite, sinon moi-même ? ». Aux lecteurs d'habiter cette œuvre frémissante dont on peut accompagner la lecture d'une promenade sur le site de ce diable d'homme qui est aussi peintre et essayiste féru de musique. On ne saurait oublier sa lancinante chanson : « Je reviens vers toi, pays, et je plante mes ongles dans les tristesses, je teins ma main de ta boue / et je dis / ici me saoulent ton café amer/ et même pour une fois, une seule fois, /l'espoir ».
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