La Libye réitère son opposition à une Union maghrébine sans le Maroc    Les Accords d'Abraham montrent une résilience au milieu des tensions    Maroc-ICESCO : L'accord de siège amendé    Le projet de l'autoroute Fès-Tétouan bientôt programmé    Vers plus d'attractivité fiscale    Recensement de la population : Dans les coulisses de la formation des futurs agents du HCP    Prêt du FMI : Le Maroc reçoit une 1e tranche de 3,3 MMDH    Agriculture : Les premiers Marocains étaient plus cueilleurs que chasseurs    Les pertes économiques du séisme d'Al Haouz estimées à 3 milliards de dirhams    Espagne : interception de 18 migrants clandestins algériens, deux passeurs devant la justice    Eredivisie : Ismael Saibari et le PSV Eindhoven champions à deux journées de la fin    Insolite : La « reconversion » de Paul Pogba dans le cinéma    L'attitude de Cristiano Ronaldo fait encore mouche en Arabie Saoudite    Liga : Brahim Diaz s'exprime sur le sacre du Real Madrid    Les températures attendues ce dimanche 5 mai 2024    Sommet de Banjul: Projection d'un documentaire sur le 50è anniversaire de l'OCI et le rôle du Comité Al Qods, présidé par SM le Roi    Banjul. Le Sommet de l'OCI salue le rôle de SM le Roi Mohammed VI dans le soutien à la cause palestinienne    France : Le maire de Bourg-en-Bresse porte plainte contre des «affiches islamophobes»    Banjul : Le Sommet de l'OCI salue le rôle de SM le Roi dans le soutien à la cause palestinienne et la protection des sacralités islamiques à Al Qods    Les couleurs du ciel de ce dimanche 5 mai au Maroc    King Mohammed VI condemns Israel's aggression on the Gaza Strip    Libya reiterates its opposition to a Maghreb union that excludes Morocco    La circulation fiduciaire dépasse 400 MMDH à fin mars    L'ONMT relie Gran Canaria à Ouarzazate avec Binter    Banjul : Série d'entretiens de M. Bourita en marge du 15è sommet islamique    Afrique du Sud: l'ANC reporte l'audience disciplinaire de Zuma par crainte de violences    Tennis : Aya El Aouni, en vedette à Antalya !    Coupe du monde de futsal (Ouzbékistan-2024): Le tirage au sort prévu le 26 mai    Espagne : interception de 18 migrants clandestins algériens, deux passeurs devant la justice    Alger élargit le champ de son différend avec Rabat au domaine sportif à des desseins politiques    15è Sommet de l'OCI : SM le Roi réitère la demande d'un arrêt immédiat, durable et global de l'agression contre Gaza    Le Maroc et l'Azerbaïdjan signent un accord d'exemption mutuelle de visa    Le Burkina Faso réitère son soutien à l'Initiative royale de la Façade Atlantique    Vague de chaleur de mardi à vendredi dans plusieurs provinces du Royaume    Sidi Kacem : L'élimination de la rougeole est une priorité provinciale    Séquestration présumée de Marocains en Thaïlande : l'ambassade de Bangkok brise le silence    MAGAZINE : Abdallah El Hariri, peintre à pinceaux tirés    Cinéma : Descente d'El Maanouni à New York    Musique : A Jazzablanca, Dulfer quitte Prince pour Ennaira    WTCR Race of Morocco : Le pilote chinois Ma Qing Hua remporte la deuxième course    Agadir : Les autorités ont-elles interdit la création du comité de soutien au «peuple kabyle» ?    La Libye réaffirme son rejet d'une union maghrébine sans le Maroc    Espagne. Gros coup de filet anti-drogue à Tenerife grâce à la DGST marocaine    Tinghir et Ouarzazate: Trois accords signés pour favoriser le développement territorial    La 26e édition du festival Jazz au Chellah, du 10 au 12 mai    Près de 29 millions de dhs pour le développement territorial des provinces de Tinghir et Ouarzazate    Journée internationale du Jazz 2024: Tanger brille de mille feux avec un concert historique mondial    Nador : le beau-livre d'un Maroc gagnant    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Un Sublime homme de l'être
Publié dans La Gazette du Maroc le 19 - 07 - 2004


Saïd Saddiki
À l'occasion de l'anniversaire du décès de SaÏd Saddiki, voici un portrait au présent de notre chroniqueur qui, forgeur et arpenteur de littératures diverses, savait partager avec bonheur les ressources de l'inépuisable subtilité de son esprit.
Paul Eluard donne à voir l'amour de l'amour qu'inspirent les yeux fertiles (1). Vous, vous donnez à écouter la passion que suscite la parole bourgeonnante de l'acte intime de l'esprit. L'étreinte des mains est promesse d'un beau commerce. Invite aux noces avec le souffle de la poésie, les méandres du verbe et le ruissellement du bonheur. Avec chaleur, vous conviez à la communion du beau et du terrible et au regard rieur sur l'abject ressentiment du temps.
En " commune présence " de René Char, " nous obéissons librement au pouvoir du poème et nous l'aimons par force " pour habiter l'éclair et retrouver les ténèbres éblouissantes de l'été de la longue clarté. Grâce à votre ferveur poétique, la poésie de l'auteur du " Marteau sans maître " décline ses mystères : l'eau et le soleil exhibent leur alliance obscure. Souvent, les " amers " de Saint-John Perse sont nos repères lumineux de la complicité des voluptés et de la plénitude des délices du merveilleux "Etroits sont les vaisseaux " dont Mustapha Al Kasri a méticuleusement tissé une traduction aussi prenante que les versets originaux. À l'ombre des " fleurs du mal " et des rimes ferventes des " amours jaunes ", vous pointez les songes frappés du signe des spleens des villes. Vous quittez la demeure de Baudelaire et les rythmes de Tristan Corbière pour égrener les saisons andalouses. Ibn Zaydoun témoigne, par votre mémoire fidèle comme le chant à Ziryab et la soif à Ibnou Zohr, de sa passion pour Wallada à travers regrets consumés et disgrâce consommée. Vous évoquez la mise en musique des soupirs de
l'amant cordouan par Ahmed Al Bidaoui pour célébrer l'amitié et dénouer le célèbre paradoxe prêté à Aristote: " O amis, il n'y a point
d'amis ". Nous poursuivons notre promenade au pays de la lyre pour chanter les métaphores d'Ibn Sahl
le Sévillan, peintre de l'Aimée au charme de verger dont le grain beauté est une goutte qui émigre des yeux pour étancher sa soif dans la joue et préfère s'y fixer. Grisé par la nostalgie, vous nous invitez à migrer à Bagdad pour retrouver Ibn Roumi, un des nombreux poètes morts empoisonnés, envoûté par Wahid la chanteuse: Une gazelle qui loge et pâture dans les cœurs, une colombe qui roucoule
Sa beauté est toujours nouvelle pour les yeux et son amour est toujours jeune pour les cœurs
Quand elle chante, sa voix merveilleuse sort d'un corps si immobile qu'on devait le croire muet (2).
Artisan de jeux sur les idées et philosophe du langage, vous cheminez entre anaphore et chiasme, litote et oxymore, antiphrase et hyperbole pour tisser des réflexions sur la société et la culture. Sur le faux et l'usage de faux, le mensonge déconcertant, les rêves contredits, tout comme sur la vie qui se meurt, vous exercez votre humour qui, subversif, ne se départit jamais de la formidable exigence du bonheur du phrasé. S'il faut vous assigner un parrain, ce sera Ramon Gomez de la Serna dont l'écriture magique et la fantaisie vitriolée font songer tant à vos quatrains, à vos pièces de théâtre qu'à vos aphorismes. "Il donnait des baisers de seconde main ". Cette gregueria (criaillerie) peut bel et bien être la fille de vos pensées. En évoquant mythes grecs et fille de la vigne, vous citez ces vers à l'éclat aigu :
Seuls en boivent les dieux, les dames et nous
Les dieux debout, les dames assises et nous à genoux.
Au quidam qui vous demande si le mot genoux s'écrit avec x, la réponse fuse : " avec x sauf si vous voulez nous amputer d'un genou ". À un de vos amis qui devait quitter pour aller soigner son mal de dent, vous vous êtes affectueusement plaint : " j'ai une dent contre votre dentiste ". Un lecteur, un tant soit peu, assidu de La Serna verrait dans ces mots mêlés un esprit digne des " Greguerias ". Même plaisir de l'expression dans la fusion du rire délivrant.
Avec vous, nous nous promenons de souvenirs en désespoirs narquois, des rives de la Seine à l'âge d'or des Abbassides, du paradis deux fois perdu aux déserts d'Arabie, de poésie en poésie.
Voyant une femme passer indifférente devant un mendiant que le destin a privé de la vue, le poète Icaza clame cette demande en hommage à la capitale de l'infortuné Aboabdil :
Donne-lui aumône, femme
Car nulle peine n'égale
Celle d'être aveugle à Grenade.
Point n'est exorbitant, cher ami, de détourner ces vers. Aucune peine ne vaut celle d'être sourd près de vous.
(1)"Donner à voir "est le titre d'un recueil paru en 1939.
(2) R. Caillois et J-C. Lambert (1958) " Trésors de la poésie universelle ", Gallimard-Unesco, page 590.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.