Des neuroscientifiques allemands et japonais ont eu une idée ingénieuse pour réduire l'intensité des acouphènes chez les personnes qui en souffrent. Rappelons que les acouphènes sont des sifflements que certaines personnes entendent «dans leur tête» et qui ne correspondent à aucun son réel venant de l'extérieur. Cette méthode novatrice consiste à faire écouter au patient ses morceaux de musique préférés, en en ayant préalablement retiré certaines gammes de fréquences. Le cerveau, n'entendant plus les fréquences habituelles, procède à une reconfiguration qui rend le sifflement interne plus discret. Comment se produit une telle reconfiguration de connexions anormales entre neurones des aires auditives ? A la suite d'une perte de cellules ciliées de l'oreille interne (celles qui transforment les informations véhiculées par les sons en signaux traités par le cerveau), une petite gamme de fréquences sonores n'est plus transmise au cerveau. Les neurones du cortex qui traitent cette gamme de fréquences ne sont plus stimulés ; on dit qu'ils sont déafférentés. Dès lors, ils sont envahis par leurs plus proches voisins, qui les stimulent par des connexions excitatrices dites horizontales, au sein même du cortex et indépendamment de toute information sensorielle extérieure. L'apparition pathologique de connexions excitatrices (normalement, de telles connexions horizontales sont inhibitrices) crée ce qu'on nomme une zone d'acouphènes, composée de neurones déafférentés et de leurs voisins immédiats, qui s'autoactivent : ils émettent des sons parasites, des autoémissions qui ne correspondent à aucun son extérieur. Peut-on réduire l'activité de la zone d'acouphènes ? Oui, de deux façons : on la prive de stimulations (en ne lui faisant plus écouter les fréquences susceptibles d'exciter ni les neurones déafférentés ni leurs voisins immédiats), et en stimulant les zones corticales environnantes, les «voisines des voisines immédiates». C'est pourquoi on élimine des morceaux de musique préférés du patient les fréquences sonores qui stimulent la zone d'acouphènes. Les autres sons du morceau, toujours présents, stimulent les zones adjacentes de la zone d'acouphènes, mettant en action les connexions horizontales «saines» donc inhibitrices de l'activité des neurones de la zone d'acouphènes. Après six mois d'écoute régulière, l'intensité subjective des acouphènes avait baissé de 14 %, et au bout d'un an, de 25%. C'est ce qu'ont fait Hidehiko Okamoto et ses collègues, de l'Université de Munster, avec des résultats probants. Après six mois d'écoute régulière, l'intensité subjective des acouphènes avait baissé de 14 %, et au bout d'un an, de 25%. Cette amélioration est à comparer avec l'aggravation globale de 10 % en moyenne que connaissent les patients non traités au cours de la même période. Cette méthode, si elle devait être étendue à un grand nombre de patients, aurait l'avantage d'être peu coûteuse et agréable.