Des caméras dans les locaux de la police judiciaire. C'est la toute dernière invention du ministre de la Justice et des libertés Mustapha Ramid pour réformer la procédure pénale au Maroc. Le ministre Péjidiste veut filmer les interrogatoires préliminaires auxquels sont soumis les accusés par les policiers de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ). Mustapha Ramid a déjà en 2012 exprimé sa volonté de mettre fin aux interrogatoires à huis clos. Selon lui, cette mesure permettra d'éviter tout « dérapage » et de garantir plus de transparence aux procès verbaux de la police judiciaire. Cette année, le ministre revient à la charge et expose son projet devant les parlementaires. Répondant lundi dernier à une question orale, au Parlement, il soulignait l'importance de ces enregistrements audio-visuels des dépositions des prévenus. Nombreux sont les prévenus qui affirment devant les juges que leurs aveux contenus dans les PV de la PJ ont été extorqués sous la « contrainte ». « Le problème qui se pose avec acuité est que les prévenus nient dans la plupart des cas devant le juge les propos qui leur sont attribués dans les procès verbaux de la police judiciaire », fait-il remarquer, notant que cela suscite des questions sur la crédibilité des versions des mis en cause. Les enregistrements pourront ainsi permettre au juge de vérifier la véracité des faits. Ils permettront ainsi d'éviter « tout écart aux procédures, que commettraient les enquêteurs ». Une question s'impose : Cette mesure pourra-t-elle à elle seule garantir la transparence des interrogatoires et le respect des droits de l'Homme des présumés coupables ? « Mettre les caméras dans les locaux de la police judiciaire pour surveiller les interrogatoires des enquêteurs n'est pas la solution », rétorque Zahia Amoumou, avocate au barreau de Casablanca. Le principe de la présomption d'innocence n'est pas respecté Et de poursuivre : « On peut très bien truquer un enregistrement. Comme on peut très bien faire un interrogatoire dans une salle non équipée de caméra ou dans un autre endroit pour extorquer les aveux des présumés coupables et faire du cinéma devant la caméra ». Selon cette avocate, « la présence d'un avocat lors des interrogatoires devant la PJ ou le parquet est la première mesure à mettre en œuvre pour réformer la procédure pénale dans le pays ». « Dans les pays démocratiques qui respectent les droits de l'Homme, le prévenu a le droit de ne parler qu'en présence de son avocat. Les droits de la défense doivent être respectés dès le stade de l'enquête de police », insiste cette avocate. Parmi les droits fondamentaux de la défense figure également celui de garder le silence. « Toute déclaration du présumé coupable pourra être utilisé contre lui. C'est la raison pour laquelle, il est important qu'il y ait la présence d'un avocat lors des interrogatoires. Le problème qui se pose concerne le principe de la présomption d'innocence qui n'est pas respecté. Les enquêteurs de la PJ interrogent la personne comme si elle était coupable», poursuit-elle. Par ailleurs, maître Zahia Amoumou insiste sur la réhabilitation de la confiance des citoyens dans la justice. Le CCDH (Conseil consultatif des droits de l'Homme), devenu désormais CNDH (Conseil national des droits de l'Homme), avait présenté au Souverain un mémorandum sur la mise à niveau de la justice dans lequel il propose une série de propositions relatives à la réhabilitation de la confiance. Elles concernent l'élaboration du code de conduite à travers un texte juridique, aussi bien pour les magistrats que pour les auxiliaires de justice, notamment les avocats, les notaires, les adouls, ou les experts. Le CNDH a également suggéré la création d'instances suprêmes pour toutes les professions liées à la justice, auxquelles on confiera les missions disciplinaires et de contrôle. Cette institution des droits de l'Homme avait aussi mis l'accent sur la nécessité de la participation de la société civile et des médias dans la conscientisation des citoyens à l'effort de la réhabilitation de la confiance dans la justice.