Dans cet entretien, Salaheddine Mezouar explicite son projet pour le RNI, à la veille de la tenue d'un Conseil national qui devrait le consacrer à la tête du parti. Sauf surprise, vous serez à l'issue du Conseil national des 23 et 24 janvier le nouveau patron du RNI. Qu'est que vous entendez faire de ce parti ? Le RNI a tous les ingrédients pour devenir un grand parti moderne, ouvert, capable d'accompagner les prochaines étapes du développement du pays. Pour aspirer à ce statut, il a besoin d'être accompagné en matière d'organisation, de structuration de sa vision, de définition de cap et d'étapes, de développement de sa communication interne et externe, de travail sur son image, de constitution de relais et d'organisation en termes de réseaux. L'organisation classique, avec l'approche politique classique de la relation entre un militant et son parti, est désormais révolue. C'est un véritable chantier de modernisation et de transformation de ce grand parti que nous allons ouvrir pour accompagner le Maroc de demain. Ce parti a joué un rôle important pendant 32 ans. Il a accompagné la mutation du pays pendant une phase de la construction de l'Etat moderne et de la démocratie. Nous passons à une étape de normalisation qui nécessite des partis de nature différente et des modes nouveaux. C'est cette ambition qui m'anime et anime l'équipe qui m'entoure. Quelle est votre feuille de route ? Le travail de mobilisation continue. Notre ambition est de faire en sorte que la réunion du 23 janvier soit un succès en interne, parce qu'un tel événement doit marquer les esprits comme étant un momentum important. Et je souhaite que le maximum de RNIstes puissent y assister. Il faut que ce Conseil soit une occasion de débat autour du projet politique et organisationnel du mouvement réformateur que nous avons renforcé à travers la tournée effectuée dans l'ensemble des régions du royaume. Nous avons fait des constats sur les réalités locales et régionales. Tout cela a alimenté notre projet autour de ce programme. Nous voulons faire du 23 janvier un moment pour trancher sur l'avenir du parti et son leadership. Ce moment permettra au parti soit d'aller vers une trajectoire de reconstruction et de participation à la recomposition du champ politique, soit de reculer si les bons choix ne sont pas confirmés. A travers la tournée que j'ai effectuée, j'ai constaté qu'il existe une vraie volonté de changement et, surtout, une prise de conscience des mutations politiques, économiques et sociales que le Maroc doit connaître sur les dix prochaines années. Pourtant, l'opinion publique a l'impression d'assister à un match entre Mansouri et Mezouar… Je suis désolé qu'un débat de nature politique soit réduit à une question d'ambitions et de conflits entre deux hommes. Je regrette sincèrement que l'autre partie ait ramené le débat à ce niveau là. Je regrette également qu'elle n'ait pas su contenir le débat et accepter la différence au sein du RNI. La différence dans l'approche du management, dans la compréhension politique du présent, dans la compréhension politique de l'avenir… La société marocaine est en droit de savoir ce qui se passe au sein de ce parti. Ce que nous avons cherché à démontrer lors de la réunion du comité central, c'est de savoir où se trouve la vraie force. La seule vérité qu'on a confirmé aujourd'hui, c'est que l'écrasante majorité est contre la démarche de Mansouri, contre la façon de faire de Mansouri et contre son approche de management et de gestion du parti. Le président actuel du RNI a pris des engagements qu'il n'a pas respecté. Il doit en rendre compte et c'est au Conseil national de trancher sur ces questions-là. Le fait d'avoir eu recours à la justice en a choqué plus d'un… Ce n'est pas nous qui sommes allés les premiers en justice. Quand il y a eu cette velléité de retirer la délégation au comité exécutif, on était en droit d'aller à la justice. C'est M. Mansouri qui nous a le premier poursuivi en justice. C'est un signe de faiblesse et un manque de respect vis-à-vis de son parti. C'est la première fois dans l'histoire du RNI qu'un président de parti va vers les tribunaux pour crier : «Je suis le Président légitime et il faut me sauver». Je pense que c'est un acte très grave et comme il nous a entraîné sur le terrain judiciaire, nous devions répondre. Nous n'avons finalement fait que de nous défendre. La plainte à propos de l'audit des comptes, c'est tout de même vous… Effectivement. M. Mansouri a pris l'engagement de publier les comptes du parti sur son site Internet. Il n'en a rien fait. Nous considérons que dans cette phase-là, il y a des responsabilités à assumer, particulièrement par rapport à la partie financière. M. Mansouri est en train d'utiliser les finances du parti pour contrer le mouvement réformateur, ce que je considère comme étant scandaleux. Au lieu de dépenser ces fonds dans le fonctionnement et la structuration du parti, il le fait pour défendre ses propres intérêts. Nous sommes en droit de lui demander des comptes et des audits. Pour l'opinion publique, le RNI reste toujours un parti de l'administration… Contrairement à l'image et aux stéréotypes qu'on veut donner à cette formation, elle est en réalité le reflet de la société marocaine d'aujourd'hui. Il est vrai que c'est un parti qui compte des élites et des notables. Et il a une véritable force de frappe électorale. Ce qui lui manque, c'est l'organisation interne, la capacité de faire émerger des élites locales, de leur donner les moyens d'expression, de participation et de contribution. Le point faible du RNI, c'est l'absence d'objectifs clairement définis, de définition de moyens pour atteindre des objectifs, c'est son incapacité à clarifier ses positions et à produire des idées. Nous ne sommes pas encore une force de proposition, capable d'accompagner le projet moderniste du pays. Nous sommes un parti qui a des compétences internes, mais qui ne les utilise pas. Nous avons des sympathies externes, mais elles ne sont pas mobilisées. C'est sur ces éléments de faiblesse que nous allons agir, tout en maintenant nos points forts. Avez-vous les moyens de vos ambitions ? C'est notre capacité à irradier, à toucher le potentiel de la société marocaine, les élites, les différentes couches de la société qui nous permettra d'avoir les moyens de ces ambitions. Un parti, c'est également des contributions, du volontarisme, de l'imagination. Et je pense que nous avons une capacité d'optimisation de nos ressources financières et de nos ressources humaines pour créer un nouveau parti, avec une force d'action, de proposition et de conviction. Quid de vos alliances demain ? Après les 23 et 24 janvier, nous allons ouvrir un débat avec les différentes composantes du paysage politique national. Il faut qu'elles comprennent quel est notre projet. Ce dernier n'est pas une approche d'exclusion, mais une approche de réflexion par rapport aux mutations que connaît notre société et la meilleure manière avec laquelle les forces de progrès de ce pays peuvent s'unir pour construire véritablement une force de frappe moderne, différente, qui réconcilie le citoyen avec la politique et qui pousse les élites à adhérer à un projet de transformation sociale. Quel est finalement le positionnement politique du RNI ? Le positionnement a été toujours le centre. La question est posée dans le cadre de la plate-forme politique. Nous pensons que ce positionnement doit évoluer vers une logique de pôles, beaucoup plus cohérente, peut-être vers une logique de pôle libéral-social. Vous n'êtes donc pas un avatar du PAM ? Je pense que le PAM a crée une dynamique positive. C'est un producteur d'idées et de projets. Il n'y a pas de raison pour que nos démarches ne convergent pas vers des synergies que nous pouvons développer ensemble, que nous pouvons créer avec aussi d'autres partenaires politiques. Entretien réalisé par Abdelkhalek Zyne