Parti du Havre AC l'été dernier, Johann Louvel a rejoint l'académie Mohammed VI, au Maroc. L'ancien directeur du centre de formation du HAC dirige désormais les U19 au sein de cette pépinière prestigieuse. Il s'exprime pour la première fois depuis son départ, sur France Bleu Normandie. Après 20 ans passé au Havre AC, dont six années comme directeur du centre de formation, Johann Louvel a quitté le club normand l'été dernier. En désaccord avec sa direction et déçu par la gestion de son cas, l'homme fort de la Cavée Verte a claqué la porte et n'a pas mis longtemps à rebondir. Désormais entraîneur des U19 de la prestigieuse académie Mohamed VI à Rabat (Maroc), Johann Louvel a retrouvé du plaisir et se confie sur France Bleu Normandie. Sans amertume et sans envie d'en découdre ou de régler ses comptes, avec beaucoup de classe et de hauteur, Johann Louvel répond à Bertrand Queneutte. Bertrand Queneutte : Vous avez quitté le HAC après des tensions et des désaccords avec la direction du HAC l'été dernier. Pourquoi avoir rejoint le Maroc ? Johann Nouvel : J'ai eu cette opportunité qui s'est ouverte aussitôt derrière. Quittant Le Havre qui est et restera toujours mon club de coeur en France, j'avais du mal à m'imaginer dans un autre club français. J'étais plutôt basé sur un projet à l'étranger, et c'est le Maroc qui s'est ouvert. Le Maroc est en pleine extension sur le plan football, il y aussi énormément de français qui travaillent là-bas : Nasser Larguet est DTN, Hervé Renard est à la tête de la sélection, Luc Bruder travaille aussi à l'académie Mohammed VI. C'était une belle opportunité, sur un projet très fort : travailler à l'académie qui appartient à sa Majesté, et travailler avec les jeunes marocains pour les former au haut niveau et les préparer à partir pour les championnats européens. "Le HAC restera toujours mon club de coeur en France" BQ : Le roi marocain est-il attentif au développement du football dans son pays ? JL : Oui, et une chose est très importante : la qualification pour la Coupe du Monde. Cela faisait des années que le Maroc passait à côté, et le fait d'être qualifié crée un regain d'enthousiasme. Et puis surtout, une politique de fond a été mise en place pour lancer la formation à la marocaine, avec des centres de formation qui émergent. L'académie doit être un modèle de formation pour créer une dynamique sur tout le territoire. Johann Louvel : "Des joueurs avec des qualités naturelles" BQ : Dans quel état se trouve le football marocain ? JL : Il y a des joueurs avec des qualités naturelles, des qualités de football de rue, que l'on a perdu un peu en France. Ce qui manque, c'est la culture tactique. Ils ne l'ont pas du tout. Mais il y a un potentiel, avec une marge de progression énorme. BQ : Le but final reste de faire rayonner le football marocain partout, en envoyant des joueurs en Europe ? JL : C'est la raison pour laquelle il a fait venir des compétences françaises. Parce que le football reste une passerelle et un moyen pour les jeunes marocains d'avoir un avenir dans le championnat marocain, ou bien à l'extérieur pour ceux qui ont le plus de talents. Johann Louvel : "Le football ? Un moyen pour des jeunes marocains d'avoir un avenir" BQ : L'équipe de U19 que vous entraînez a-t-elle le niveau des U19 du HAC ? BQ : Nous allons faire une tournée au mois de mars, en Bretagne. On jouera contre Rennes et Lorient, notamment. Il y a effectivement énormément de qualité. J'ai un jeune qui est parti faire un essai 15 jours à Monaco. Et on a des recruteurs de nombreux clubs qui sont ici, qui viennent observer : Lille, Monaco, Saint-Etienne. Ce qu'il faut qu'on leur amène, c'est la culture du travail et du haut niveau. Johann Louvel : "Des recruteurs de nombreux clubs sont ici" BQ : Preuve que le roi mise beaucoup sur le football et l'académie, c'est que vous avez des conditions de travail incroyables. JL : C'est clair, on a des conditions idéales de travail. A l'époque, c'est Nasser Largué qui a établi les plans. C'est un centre très professionnel, que beaucoup de clubs de Ligue 1 pourraient nous envier aujourd'hui. "Quitter le HAC ? Un déchirement (...) la plus grosse fierté, c'est l'héritage qu'on a laissé" BQ : Vous avez quitté le HAC en juin. Cette séparation a-t-elle été un déchirement ? JL : Cela a été compliqué, bien sûr. On ne tourne pas la page sur 20 ans de sa vie comme ça. Moi je suis pratiquement né dans ce club, c'est donc forcément un déchirement. Maintenant, c'était peut-être le moment. La plus grosse fierté, c'est de constater l'héritage qu'on a pu laisser. Que ce soit sur le plan financier, avec les retombées qu'on a aujourd'hui avec tout le travail fait sur la formation. Egalement de voir les jeunes qui jouent aujourd'hui dans notre équipe première. C'est une vraie satisfaction de laisser un héritage tel que celui-ci à son club de coeur auquel on avait tout donné. Johann Louvel : "des conditions de travail incroyables" BQ : Rafik Guitane, qui vient d'être vendu à Rennes, fait-il partie de votre héritage ? JL : Oui, Rafik est un garçon qu'on avait recruté à Evreux. On l'avait récupéré à l'âge de 14 ans. Il a évolué et il a bien travaillé. C'est vrai que quand on est formateur, on a toujours un petit pincement au coeur, on aimerait le voir faire carrière ou évoluer plus longtemps dans notre équipe première. Malheureusement, le football actuel voit les choses différemment. Mais je lui souhaite énormément de belles choses. Parce que c'est un bon gamin et qu'il est très talentueux. Je lui souhaite le meilleur pour la suite de sa carrière. Johann Louvel sur Rafik Guitane "un petit pincement au coeur" BQ : Quel regard vous portez sur son départ ? Est-ce qu'il vous choque, est-ce qu'il vous surprend ? JL : Je porte un regard lointain, donc je ne vais pas rentrer dans le débat. Je ne connais pas la discussion qu'il a pu y avoir, je ne sais pas comment cela s'est passé. Je ne vais pas porter de jugement. On peut tout de même le regretter, car quand on a un jeune comme ça, on a envie de le voir évoluer dans son club formateur. Mais encore une fois, le football actuel est plus complexe et je ne sais pas comment les démarches se sont faites pour qu'il fasse ce choix là à l'arrivée. BQ : Avez-vous constaté ces vingt dernières années un changement dans le comportement des jeunes ? Qu'il était beaucoup plus difficile de retenir les meilleurs dans les clubs formateurs ? JL : C'est le fonctionnement du football qui a changé. Cela a été marqué par un tournant dans les années 2000, avec l'arrêt Bosman. Je l'ai souvent dénoncé, j'en ai souvent parlé. Avant l'arrêt Bosman, c'était Le Havre des années 90, où les jeunes faisaient carrière dans leur club professionnel, parce qu'ils étaient dans l'obligation d'aller jusqu'au contrat professionnel et de signer quatre ans dans leur club. Ils allaient donc jusqu'à 20 ans en formation et après ils signaient, ce qui les emmenaient jusqu'à 24 voire 25 ans. Très souvent, les joueurs faisaient toute leur carrière dans leur club. L'arrêt Bosman a dit qu'un joueur en fin de contrat était libre. A 18 ans, voire même à 16 ans donc, le jeune est susceptible de partir. Cela a bouleversé la donne et l'esprit des jeunes. Ils ont, quelque part, pris le pouvoir vis à vis de l'institution. Cela est un aspect très négatif. L'autre, c'est qu'il est très difficile de garder les jeunes. BQ : Est-ce que vous resterez longtemps au Maroc, Johann ? JL : Pour l'heure, je suis en contrat ici. Et cela se passe très bien. On ne sait pas de quoi demain sera fait. Aujourd'hui, j'y suis bien. Il s'exprime pour la première fois depuis son départ, sur France Bleu Normandie. Après 20 ans passé au Havre AC, dont six années comme directeur du centre de formation, Johann Louvel a quitté le club normand l'été dernier. En désaccord avec sa direction et déçu par la gestion de son cas, l'homme fort de la Cavée Verte a claqué la porte et n'a pas mis longtemps à rebondir. Désormais entraîneur des U19 de la prestigieuse académie Mohamed VI à Rabat (Maroc), Johann Louvel a retrouvé du plaisir et se confie sur France Bleu Normandie. Sans amertume et sans envie d'en découdre ou de régler ses comptes, avec beaucoup de classe et de hauteur, Johann Louvel répond à Bertrand Queneutte. Bertrand Queneutte : Vous avez quitté le HAC après des tensions et des désaccords avec la direction du HAC l'été dernier. Pourquoi avoir rejoint le Maroc ? Johann Nouvel : J'ai eu cette opportunité qui s'est ouverte aussitôt derrière. Quittant Le Havre qui est et restera toujours mon club de coeur en France, j'avais du mal à m'imaginer dans un autre club français. J'étais plutôt basé sur un projet à l'étranger, et c'est le Maroc qui s'est ouvert. Le Maroc est en pleine extension sur le plan football, il y aussi énormément de français qui travaillent là-bas : Nasser Larguet est DTN, Hervé Renard est à la tête de la sélection, Luc Bruder travaille aussi à l'académie Mohammed VI. C'était une belle opportunité, sur un projet très fort : travailler à l'académie qui appartient à sa Majesté, et travailler avec les jeunes marocains pour les former au haut niveau et les préparer à partir pour les championnats européens. "Le HAC restera toujours mon club de coeur en France" BQ : Le roi marocain est-il attentif au développement du football dans son pays ? JL : Oui, et une chose est très importante : la qualification pour la Coupe du Monde. Cela faisait des années que le Maroc passait à côté, et le fait d'être qualifié crée un regain d'enthousiasme. Et puis surtout, une politique de fond a été mise en place pour lancer la formation à la marocaine, avec des centres de formation qui émergent. L'académie doit être un modèle de formation pour créer une dynamique sur tout le territoire. Johann Louvel : "Des joueurs avec des qualités naturelles" BQ : Dans quel état se trouve le football marocain ? JL : Il y a des joueurs avec des qualités naturelles, des qualités de football de rue, que l'on a perdu un peu en France. Ce qui manque, c'est la culture tactique. Ils ne l'ont pas du tout. Mais il y a un potentiel, avec une marge de progression énorme. BQ : Le but final reste de faire rayonner le football marocain partout, en envoyant des joueurs en Europe ? JL : C'est la raison pour laquelle il a fait venir des compétences françaises. Parce que le football reste une passerelle et un moyen pour les jeunes marocains d'avoir un avenir dans le championnat marocain, ou bien à l'extérieur pour ceux qui ont le plus de talents. Johann Louvel : "Le football ? Un moyen pour des jeunes marocains d'avoir un avenir" BQ : L'équipe de U19 que vous entraînez a-t-elle le niveau des U19 du HAC ? BQ : Nous allons faire une tournée au mois de mars, en Bretagne. On jouera contre Rennes et Lorient, notamment. Il y a effectivement énormément de qualité. J'ai un jeune qui est parti faire un essai 15 jours à Monaco. Et on a des recruteurs de nombreux clubs qui sont ici, qui viennent observer : Lille, Monaco, Saint-Etienne. Ce qu'il faut qu'on leur amène, c'est la culture du travail et du haut niveau. Johann Louvel : "Des recruteurs de nombreux clubs sont ici" BQ : Preuve que le roi mise beaucoup sur le football et l'académie, c'est que vous avez des conditions de travail incroyables. JL : C'est clair, on a des conditions idéales de travail. A l'époque, c'est Nasser Largué qui a établi les plans. C'est un centre très professionnel, que beaucoup de clubs de Ligue 1 pourraient nous envier aujourd'hui. "Quitter le HAC ? Un déchirement (...) la plus grosse fierté, c'est l'héritage qu'on a laissé" BQ : Vous avez quitté le HAC en juin. Cette séparation a-t-elle été un déchirement ? JL : Cela a été compliqué, bien sûr. On ne tourne pas la page sur 20 ans de sa vie comme ça. Moi je suis pratiquement né dans ce club, c'est donc forcément un déchirement. Maintenant, c'était peut-être le moment. La plus grosse fierté, c'est de constater l'héritage qu'on a pu laisser. Que ce soit sur le plan financier, avec les retombées qu'on a aujourd'hui avec tout le travail fait sur la formation. Egalement de voir les jeunes qui jouent aujourd'hui dans notre équipe première. C'est une vraie satisfaction de laisser un héritage tel que celui-ci à son club de coeur auquel on avait tout donné. Johann Louvel : "des conditions de travail incroyables" BQ : Rafik Guitane, qui vient d'être vendu à Rennes, fait-il partie de votre héritage ? JL : Oui, Rafik est un garçon qu'on avait recruté à Evreux. On l'avait récupéré à l'âge de 14 ans. Il a évolué et il a bien travaillé. C'est vrai que quand on est formateur, on a toujours un petit pincement au coeur, on aimerait le voir faire carrière ou évoluer plus longtemps dans notre équipe première. Malheureusement, le football actuel voit les choses différemment. Mais je lui souhaite énormément de belles choses. Parce que c'est un bon gamin et qu'il est très talentueux. Je lui souhaite le meilleur pour la suite de sa carrière. Johann Louvel sur Rafik Guitane "un petit pincement au coeur" BQ : Quel regard vous portez sur son départ ? Est-ce qu'il vous choque, est-ce qu'il vous surprend ? JL : Je porte un regard lointain, donc je ne vais pas rentrer dans le débat. Je ne connais pas la discussion qu'il a pu y avoir, je ne sais pas comment cela s'est passé. Je ne vais pas porter de jugement. On peut tout de même le regretter, car quand on a un jeune comme ça, on a envie de le voir évoluer dans son club formateur. Mais encore une fois, le football actuel est plus complexe et je ne sais pas comment les démarches se sont faites pour qu'il fasse ce choix là à l'arrivée. BQ : Avez-vous constaté ces vingt dernières années un changement dans le comportement des jeunes ? Qu'il était beaucoup plus difficile de retenir les meilleurs dans les clubs formateurs ? JL : C'est le fonctionnement du football qui a changé. Cela a été marqué par un tournant dans les années 2000, avec l'arrêt Bosman. Je l'ai souvent dénoncé, j'en ai souvent parlé. Avant l'arrêt Bosman, c'était Le Havre des années 90, où les jeunes faisaient carrière dans leur club professionnel, parce qu'ils étaient dans l'obligation d'aller jusqu'au contrat professionnel et de signer quatre ans dans leur club. Ils allaient donc jusqu'à 20 ans en formation et après ils signaient, ce qui les emmenaient jusqu'à 24 voire 25 ans. Très souvent, les joueurs faisaient toute leur carrière dans leur club. L'arrêt Bosman a dit qu'un joueur en fin de contrat était libre. A 18 ans, voire même à 16 ans donc, le jeune est susceptible de partir. Cela a bouleversé la donne et l'esprit des jeunes. Ils ont, quelque part, pris le pouvoir vis à vis de l'institution. Cela est un aspect très négatif. L'autre, c'est qu'il est très difficile de garder les jeunes. BQ : Est-ce que vous resterez longtemps au Maroc, Johann ? JL : Pour l'heure, je suis en contrat ici. Et cela se passe très bien. On ne sait pas de quoi demain sera fait. Aujourd'hui, j'y suis bien.