Fondée au XVIe siècle par le saint soufi Sidi Bouabid Charki, la médina de Bejaâd retrouve toute sa gloire d'antan dans cet ouvrage, qui dévoile le rôle important que cette ville a joué dans le développement du Maroc, tant sur le plan spirituel qu'architectural. Abdelghani Khaldoun, ingénieur en génie civil et natif de Bejaâd, soutient que son initiative répond à un double impératif : réparer l'oubli dans lequel est tombé l'héritage bâti de la ville et proposer un modèle de référence pour la sauvegarde des médinas marocaines. Ainsi, l'auteur observe que les travaux académiques se sont longtemps focalisés sur la dimension spirituelle de Bejaâd, au détriment de sa trame urbaine et de ses monuments. Il affirme avoir voulu conjuguer sa sensibilité d'ingénieur et son attachement filial pour révéler la cohérence d'un tissu urbain façonné, il y a cinq siècles, selon des normes qui préfigurent celles de l'urbanisme moderne. Selon lui, la médina offre un cas d'école où chaque quartier, fondé par un descendant du saint patron, disposait d'une zaouïa, d'une mosquée, d'une école, d'un hammam et d'un four collectif : une "grille d'équipements" garantissant l'autosuffisance et l'équilibre entre espaces cultuels, résidentiels et économiques. L'ouvrage, précise-t-il, s'ouvre par une mise en contexte historique retraçant la fondation de 1536 et l'essor spirituel, culturel et économique qui a suivi. Il s'attarde ensuite sur l'évolution du réseau viaire, la hiérarchisation des rues et la logique d'extension par successions familiales. La dernière partie dresse l'inventaire détaillé de plus de cinquante monuments (zaouias, mosquées, écoles coraniques, mausolées, hammams et fours), en soulignant leur valeur architecturale et leur état de conservation. L'auteur estime que cette lecture croisée de l'histoire et de l'urbanisme démontre la maîtrise, dès l'origine, d'un savoir-faire proche des préceptes contemporains de l'ingénierie urbaine. Conscient de la fragilité de ce patrimoine, il plaide pour une mobilisation collective, rappelant que Bejaâd est déjà classée monument historique national, une protection qu'il juge insuffisante face aux pressions démographiques et aux altérations du bâti ancien. Son objectif est de fédérer habitants, autorités locales et associations, à travers notamment la future organisation "Mémoire de Bejaâd", afin de constituer un dossier solide en vue d'une inscription sur la Liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Une telle reconnaissance, relève-t-il, ouvrirait l'accès à des financements dédiés, renforcerait les programmes de restauration et garantirait la transmission du "trésor architectural et spirituel" aux générations futures. Lauréat de l'Ecole Mohammadia d'ingénieurs et diplômé en gestion du développement à Washington, Abdelghani Khaldoun (62 ans) a dirigé plusieurs grands projets d'infrastructures avant d'occuper les fonctions de directeur régional de l'Equipement, puis de consul honoraire du Danemark. Il consacre désormais son énergie à la valorisation du patrimoine de sa ville natale, convaincu que la mémoire urbaine est un levier essentiel de développement territorial durable. Outre les recherches urbanistiques et architecturales de l'auteur, cet ouvrage est serti de photographies de l'artiste Jamal Elmorsli Cherkaoui, également président de l'Association afro-maghrébine de l'art photographique. Paru en juin 2024, ce livre de 216 pages, format 24x30 est disponible en arabe, français et anglais. (Avec MAP)