Durant le Deep tech Summit 2025, plusieurs conventions ont été signées. Pouvez-vous nous en dire plus sur les enjeux et les objectifs de ces partenariats ? Nous avons conclu plusieurs protocoles d'accord avec des institutions académiques et industrielles majeures. Ces partenariats visent à favoriser la recherche appliquée, le co-développement technologique, l'incubation de startups et la formation de talents. Un accord structurant a été signé avec H&S, portant sur la mise en œuvre conjointe de projets dans les domaines de l'innovation, de la recherche appliquée, de l'entrepreneuriat et du développement territorial. Il prévoit notamment l'ouverture d'une antenne H&S sur le campus de Benguerir, facilitant ainsi les synergies entre chercheurs, étudiants et professionnels. Des programmes de R&D verront le jour dans des secteurs à fort impact, tels que la santé, les biotechnologies, la chimie verte ou encore l'intelligence artificielle, avec une orientation vers les besoins spécifiques des marchés africains. L'accord inclut aussi des volets relatifs au transfert technologique, à l'accompagnement des startups, au développement immobilier intégré, ainsi qu'à la formation et au recrutement. Dans le même esprit, une collaboration stratégique a été formalisée entre Attijariwafa bank et l'écosystème Startgate de l'UM6P. Elle repose sur une intégration opérationnelle entre le Lab Innovation de la banque et l'incubateur universitaire, afin de connecter les jeunes pousses aux enjeux stratégiques du secteur financier. Les startups bénéficieront de dispositifs de co-développement, d'espaces dédiés, et pourront tester des cas d'usage réels aux côtés des experts métiers de la banque. En retour, Attijariwafa bank s'impliquera activement dans les programmes d'innovation, notamment à travers les jurys, les appels à projets et le partage de défis à destination de fintechs partenaires, dans le cadre de l'Open Innovation Hub. Enfin, un troisième partenariat a été conclu avec Africorp Consortium, dans une logique de convergence entre expertise industrielle et capacités scientifiques. Cette collaboration couvre des secteurs clés comme l'industrie, l'agriculture, les mines et l'éducation, et s'appuie sur une approche intégrée mêlant structuration de projets intrapreneuriaux, montée en compétences technologiques, soutien à l'émergence de talents techniques et ouverture d'écosystèmes d'innovation à l'échelle du continent. Où en est la Deep tech aujourd'hui au Maroc ? Et pourquoi ce secteur peine t-il à décoller ? La Deep tech, on en parle sérieusement depuis seulement quelques années. Certes, nos universités développent de la propriété intellectuelle de qualité, mais cela ne suffit pas. Il faut des fonds VC, des business angels expérimentés, des collaborations avec des laboratoires internationaux, et des talents bien formés. C'est un écosystème complexe, même aux Etats-Unis où la rentabilité d'une startup deep tech peut prendre 12 à 15 ans. Nous devons être patients, humbles, et continuer à poser les fondations. Nous avons franchi des étapes importantes ces dernières années. Nous devons néanmoins accepter que cela prendra du temps. Cela dit, il est impératif d'accélérer le mouvement. Le Deep Tech Summit n'est pas un simple « show », c'est une plateforme d'engagements réels. Nous avons réuni 45 fonds et 980 startups. Si seulement 3 ou 4 % aboutissent, cela représente déjà des centaines de millions de dollars injectés dans l'innovation africaine. Qu'en est-il du financement Venture capital ? L'Afrique capte moins de 1 % du capital-risque mondial. Mais il y a une dynamique. Le Maroc est passé de moins de 20 millions de dollars levés il y a quelques années à 70 à 90 millions aujourd'hui. Ce n'est pas suffisant, mais cela montre que les investisseurs croient en notre potentiel. Nos infrastructures sont solides, notre capital humain est qualifié. Il s'agit désormais de coordonner l'effort, avec une vision claire et une volonté affirmée. L'intelligence artificielle est au cœur de cette édition. Comment peut-elle accélérer l'innovation et le processus de développement de la deeptech au Maroc ? L'IA est une opportunité exceptionnelle pour les pays émergents et pour accélérer le développement de la deeptech au Maroc. Elle peut jouer un rôle clé en réduisant certains des obstacles traditionnels que nous rencontrons. L'IA est en mesure de rendre des processus de recherche plus efficaces, d'analyser de grandes quantités de données rapidement, et de permettre aux chercheurs de se concentrer sur des problématiques plus complexes. C'est donc une voie d'accélération pour les startups marocaines. Au lieu de devoir attendre une dizaine d'années pour que certaines technologies deviennent viables, l'IA permet d'aller plus vite. Cette édition du Deep Tech Summit a d'ailleurs mis l'accent sur la convergence IA–deep tech, avec des thématiques comme la cybersécurité. Mais à côté de ses avantages, l'intelligence artificielle représente-t-elle aussi une menace, notamment en matière de cybersécurité ? L'IA, en cybersécurité, peut être vue sous deux angles : celui de la menace et celui de l'opportunité. Si des hackers mal intentionnés utilisent l'IA pour créer des attaques plus sophistiquées, cela constitue une menace sérieuse. Mais si les institutions et entreprises utilisent l'IA de manière proactive pour renforcer leurs systèmes de sécurité, elle devient une véritable opportunité. Aujourd'hui, la cybersécurité est une priorité mondiale, et il est essentiel que nous soyons vigilants. Le Maroc, tout comme l'Afrique, doit prendre des mesures pour se protéger contre les cybermenaces. L'IA peut vraiment renforcer notre défense contre ces attaques en nous permettant de mieux détecter et de réagir plus rapidement aux incidents. L'UM6P Ventures joue un rôle crucial dans l'accompagnement des startups. Comment aidez-vous les entrepreneurs à franchir la fameuse "vallée de la mort" ? La « vallée de la mort » entre la recherche et le marché est redoutable. Moins de 10 % des startups y survivent, même dans la Silicon Valley. Notre rôle est d'offrir aux entrepreneurs les bons outils pour traverser cette étape : mentors, accès au réseau UM6P, tickets d'investissement, mais aussi un cadre d'expérimentation unique sur notre campus. Nous les aidons à chercher le bon « product-market fit », à pivoter si nécessaire, à lever des fonds intelligents, c'est-à-dire apportant à la fois du capital et du savoir-faire. Comment sélectionnez-vous les startups à fort potentiel dans un contexte encore émergent ? Nous nous appuyons sur trois leviers. Le premier, ce sont les partenariats avec des laboratoires de rang mondial. On ne veut pas réinventer la roue : on veut apprendre des meilleurs. Le second, c'est notre diaspora. De nombreux chercheurs marocains et africains, présents dans les plus grands centres de recherche, veulent contribuer à cet élan. Le troisième, c'est évidemment l'intelligence artificielle. Elle peut démultiplier notre capacité à identifier, tester, et faire grandir les projets les plus prometteurs. Le Maroc a-t-il les moyens de produire des licornes ? Pour les licornes, nous devons adopter une approche à long terme. Ce n'est pas un objectif immédiat, mais un processus graduel. Le terme "licorne" désigne une startup valorisée à plus d'un milliard de dollars, mais ce n'est pas nécessairement la mesure de succès la plus pertinente. Ce que nous devons viser, ce sont des startups solides, capables de pénétrer le marché, de créer des emplois, de développer des technologies exportables et de promouvoir le "Made in Morocco". Si nous parvenons à créer des entreprises qui remplissent ces critères, alors, bien sûr, une licorne peut émerger. Si c'est le cas, ce sera une belle réussite. Mais si nous faisons émerger des dizaines de « gazelles », ce sera tout aussi significatif pour le pays et pour le continent Quelles sont les ambitions de l'UM6P Ventures d'ici 2030 ? Notre ambition est de continuer à accompagner l'écosystème entrepreneurial émergent du Maroc. Nous souhaitons soutenir les meilleures startups marocaines, ainsi que celles qui souhaitent s'implanter au Maroc, pour contribuer à la scène deeptech marocaine et africaine. Nous avons vu une belle évolution depuis 2020, mais il reste encore beaucoup à faire. D'ici 2030, nous visons une évolution exponentielle, avec un soutien de qualité exceptionnel, non seulement en termes d'investissement, mais aussi en fournissant un accès à notre réseau académique, aux mentors et aux infrastructures de l'UM6P. L'objectif est de contribuer à l'émergence d'un écosystème de deeptech solide, capable de rivaliser avec les meilleurs à l'échelle internationale.