Le projet de tunnel sous-marin entre l'Espagne et le Maroc, longtemps resté à l'état d'ambition géopolitique, avance à pas mesurés. Le ministère espagnol des Transports a revu à la baisse le budget alloué aux études de faisabilité, réduisant l'enveloppe initiale de 2,4 millions à 1,63 million d'euros. Officiellement, cette réduction s'explique par la suppression de certaines analyses techniques, notamment les tracés alternatifs et les études de parcours exploratoires. Le contrat conclu avec la société publique Ineco a été amendé en conséquence, tout comme le périmètre d'intervention de l'allemand Herrenknecht, chargé de l'exploration des fonds marins au niveau du seuil de Camarinal. Ce réajustement intervient dans un contexte de rationalisation des dépenses publiques, mais aussi de relance ciblée des projets à fort impact stratégique. Car malgré la coupe budgétaire, les objectifs initiaux restent inchangés : évaluer la faisabilité physique, fonctionnelle et économique d'un tunnel ferroviaire intercontinental entre Algésiras (ou Tarifa) et Tanger. Financé par le programme européen NextGenerationEU, le projet s'inscrit dans une logique d'intégration euro-africaine accrue, à l'heure où les chaînes logistiques mondiales se redéfinissent. Le tracé envisagé, long de 38,5 km dont 27,7 km sous la mer, doit permettre la circulation de trains mixtes (passagers et fret). Mais il pose de sérieux défis techniques et géologiques, la zone étant soumise à une activité sismique non négligeable. La complexité des opérations de forage sous-marin en fait un projet lourd en investissement et sensible aux risques. Impacts économiques À l'horizon, les enjeux économiques sont considérables. Une telle infrastructure transformerait l'axe Algésiras-Tanger en hub logistique majeur, renforçant l'attractivité portuaire des deux rives et stimulant les échanges commerciaux entre l'Europe et l'Afrique. Elle s'inscrirait dans la stratégie de double rattachement du Maroc à ses partenaires européens et africains, et dans la volonté espagnole de consolider son rôle de passerelle géoéconomique. Le retour du projet sur l'agenda coïncide également avec la candidature conjointe Maroc-Espagne-Portugal pour la Coupe du Monde 2030. Un effet d'opportunité que Madrid semble vouloir exploiter pour justifier une relance partielle d'un chantier symbolique, bien que les estimations initiales fassent état de plusieurs milliards d'euros d'investissement. En définitive, la baisse du budget d'étude n'est pas un recul stratégique. Elle traduit plutôt une volonté de cadrer rigoureusement les dépenses en amont d'un projet à très long terme. Le rapport final sur la faisabilité du tunnel est attendu d'ici l'été 2025.