« Durant des années, nos journées commençaient par des pleurs, des cris et des crises de rage et de panique... à la maison puis devant l'entrée de l'école et parfois même en classe lorsque je le forçais à y entrer. Amine, à peine intégrant le primaire, a commencé à refuser d'aller à l'école. Au début, en prétextant des maux au ventre ou à la tête, puis en disant franchement qu'il n'aime pas l'école tout simplement. C'était un véritable cauchemar pour moi, pour son père et pour sa petite sœur », raconte Fadwa. A, employée et mère de famille. Une épreuve qui a duré des années, marquée par un fort absentéisme, aussi bien de l'enfant que de sa mère et de son père, désemparés face à son rejet incompréhensible de l'école. Peur irrationnelle mais réelle « La phobie scolaire également appelée refus scolaire anxieux (RSA) ne relève pas de la paresse ou d'un simple caprice», note Nadia Mouâtassim, psychologue clinicienne. « C'est une peur intense, irrationnelle, qui paralyse l'enfant à l'idée de se rendre à l'école. Elle se manifeste par des symptômes physiques, émotionnels et comportementaux qu'il est essentiel de savoir reconnaître », explique la spécialiste. Maux de ventre, de tête, nausées, vertiges, troubles du sommeil ou fatigue excessive figurent parmi les signes les plus fréquents. « À cela s'ajoutent une peur panique, des pleurs, une tristesse profonde, des crises d'angoisse ou encore une irritabilité soudaine. Le tout disparaît comme par enchantement pendant les vacances ou les week-ends, pour réapparaître dès le dimanche soir », détaille Nadia Mouâtassim. Des causes multiples Mais qu'est ce qui provoque un tel rejet et une telle anxiété vis-à-vis de l'école chez ces élèves ? « La phobie scolaire apparaît souvent lors de périodes de transition : entrée en maternelle, passage au collège ou déménagement. La peur de la séparation avec les parents est alors amplifiée par l'incertitude du nouvel environnement », explique la clinicienne. Mais ce n'est pas la seule cause. Le phénomène peut aussi être déclenché par des traumatismes vécus à l'école : humiliations, moqueries, intimidations ou harcèlement comme le note la psychologue. « Par conséquent le cerveau associe l'école au danger ou à la douleur. Cela peut suffire à installer une peur durable, qui parfois mène jusqu'à la déscolarisation », explique Mouâtassim. Souffrance familiale Un mal dont les répercussions dépassent largement le cadre scolaire. Si les notes chutent, le processus d'apprentissage est affecté, le quotidien des parents est également bouleversé. Réorganisations professionnelles, problèmes familiaux, isolement, dépenses en soins, sentiment de culpabilité... « La phobie scolaire est une épreuve collective. L'enfant souffre, mais les parents aussi. Ils se sentent souvent démunis, incompris et développent un profond sentiment de culpabilité », souligne la psychologue. Comment alors aider un enfant souffrant de cette phobie ? Selon Nadia Mouâtassim, « la première étape est de reconnaître la souffrance de l'enfant et la prendre au sérieux sans banaliser ni culpabiliser. Minimiser ou forcer ne fait qu'aggraver le problème ». Invitant les parents à ouvrir le dialogue avec l'enfant, la psychologue insiste sur l'importance d'écouter ses peurs et ses angoisses sans jugement. Pour l'enfant, l'école est associée au danger et à la souffrance Elle recommande également de rester attentifs aux symptômes récurrents, de maintenir un lien étroit avec l'école et d'instaurer une routine rassurante et régulière. « Il ne faut pas hésiter à solliciter rapidement une aide spécialisée (psychologue, pédopsychiatre) pour éviter la chronicisation du trouble », indique la spécialiste. Le retour en classe doit être également progressif et adapté. « On peut commencer par quelques heures, des matières choisies, ou un emploi du temps allégé. Encourager aussi les activités sociales et extra-scolaires pour éviter l'isolement. L'essentiel est de redonner confiance et sécurité à l'enfant », préconise-t-elle. Une campagne pour briser le silence Conscient de l'ampleur du phénomène, l'Observatoire National des Droits de l'Enfant (ONDE) vient de lancer une vaste campagne digitale de sensibilisation contre l'anxiété scolaire. Déployée sur les réseaux sociaux et les plateformes digitales, la campagne repose sur une capsule vidéo pédagogique accessible au grand public. Ce contenu explique de façon simple les causes, les symptômes et les conséquences de l'anxiété scolaire tout en proposant des conseils concrets aux élèves, aux parents et aux enseignants pour accompagner les enfants concernés. Des témoignages viennent illustrer la réalité de ce vécu, appelant à une meilleure détection et à une prise en charge rapide.