C'est une année exceptionnelle qui s'achève pour les oléiculteurs de la commune rurale de Dkhissa. Les conditions étaient certes réunies, avec des précipitations certes tardives mais salvatrices, qui ont irrigué les sols pile au moment crucial de l'initiation florale, couplées à des températures idéalement basses. Mais pour Ayoub Maalem, Coordinateur régional de l'initiative Al Moutmir dans la province de Meknès, s'en remettre au seul climat ne suffit plus pour garantir la performance. Ce qui se joue dans les vergers de Dkhissa dépasse la simple météo : c'est le triomphe d'un itinéraire technique rigoureux sur les pratiques traditionnelles. Le coordinateur régional de l'Initiative lancée par le groupe OCP en septembre 2018 décrit un dispositif de proximité impressionnant, où chaque ingénieur agronome accompagne plus de 200 agriculteurs tout au long de l'année. Ce maillage serré a permis l'installation de plus de 24 plateformes de démonstration (PFD) à travers la province de Meknès dont relève Dkhissa. Ces plateformes sont autant de « laboratoires à ciel ouvert » destinés à convaincre par la preuve. Les résultats, tels qu'exposés par Ayoub Maalem, sont sans appel et constituent sans doute les déclarations les plus marquantes de cette campagne. Là où les parcelles témoins, conduites selon les habitudes ancestrales de l'agriculteur, peinent à dépasser les 6 tonnes par hectare, les plateformes de démonstration d'Al Moutmir affichent fièrement une moyenne de 8 tonnes. Ce différentiel de deux tonnes représente une augmentation de rendement de 33 %, un bond spectaculaire pour le revenu des petits agriculteurs bénéficiaires. Dans certains cas, précise le coordinateur régional, l'écart se creuse encore davantage, avec des gains de productivité dépassant les 50 % dans la plaine du Saïss. Cette performance a créé un effet d'entraînement immédiat : forts de la confiance accumulée lors des campagnes précédentes, de nombreux agriculteurs n'attendent même plus la récolte pour copier les techniques. L'adoption du programme de culture intégré (Integrated Crop Program) se fait désormais de manière simultanée, signe que la barrière de la méfiance est définitivement tombée. Sur le plan purement agronomique, Jaouad Ourbaa, ingénieur représentant Al Moutmir dans la province de Meknès, décortique la mécanique de cette réussite. Pour lui, le secret réside dans une prise en charge globale de l'arbre, qui débute bien avant l'apparition des fruits. Tout commence par une taille raisonnée, suivie d'une stratégie de fertilisation chirurgicale. L'ingénieur insiste : « ici, on ne nourrit pas la terre au hasard. La fertilisation de fond est prescrite sur la base d'analyses de sol précises, permettant d'élaborer une formule sur mesure pour chaque parcelle ». Et l'expert d'ajouter : « ce régime est ensuite complété par une fertilisation de couverture et des apports foliaires en oligo-éléments, essentiels pour soutenir l'arbre durant son cycle ». Ourbaa confirme, sur sa plateforme de suivi, la différence de rendement relevée par son collègue Maalem et comme ce dernier, il attire surtout l'attention sur un aspect souvent négligé : la qualité. Au-delà du tonnage, c'est en effet la valorisation du produit final qui est visée. Les chevilles ouvrières locales de l'Initiative Al Moutmir soulignent l'importance capitale du choix de la date de récolte, préconisant le stade de « véraison », ce moment précis où l'olive vire du vert au mauve. C'est à cet instant fugace que se joue l'équilibre parfait entre un taux d'huile optimal et une concentration maximale en polyphénols. Ces antioxydants ne sont pas qu'un argument marketing ; ils garantissent la stabilité de l'huile dans le temps et offrent des vertus nutritionnelles supérieures pour le consommateur. À Dkhissa, l'Initiative Al Moutmir ne se contente donc pas de remplir les sacs ; elle éduque le regard du fellah, transformant une culture de subsistance en une filière d'excellence, où la science de l'ingénieur et le savoir-faire paysan finissent par ne faire qu'un.