L'un des piliers du transport urbain et interurbain, le secteur des taxis donne aujourd'hui des signes d'essoufflement. Organisation hétérogène, pratiques contestées, sanctions en hausse, concurrence accrue des services de transport non autorisés via applications numériques... Le modèle montre ses limites. C'est dans ce contexte que le ministre de l'Intérieur, Abdelouafi Laftit, a annoncé le lancement d'une étude stratégique d'envergure, appelée à poser les bases d'une réforme structurelle attendue. Un fonctionnement fragilisé Le transport par taxis représente un poids considérable dans le paysage socio-économique national. Le Maroc compte près de 77.200 taxis, répartis entre 44.650 taxis de première catégorie et 32.550 taxis de deuxième catégorie, pour un effectif estimé à environ 180.000 chauffeurs. Un secteur de masse, essentiel à la mobilité quotidienne, mais confronté à des dysfonctionnements persistants. Sur le terrain, les plaintes des usagers se multiplient : non-respect des tarifs, qualité de service inégale, refus de courses, comportements professionnels défaillants. À ces problèmes s'ajoutent un cadre juridique jugé encore perfectible, la multiplicité des intervenants et une gouvernance éclatée, sources de tensions récurrentes. Rappel à l'ordre Face à ces dérives, les autorités ont durci le ton. En 2025, près de 5.000 infractions ont été relevées à l'encontre de chauffeurs de taxis, toutes catégories confondues. Ces manquements ont conduit au retrait temporaire ou définitif de plus de 1.500 permis de confiance. Pour le ministre de l'Intérieur, ces mesures ne s'inscrivent pas dans une logique purement répressive, mais traduisent un principe clair : la protection de l'usager passe par le respect strict des règles et des obligations professionnelles. La qualité du service public ne peut, selon lui, être dissociée de l'autorité de la norme. Concurrence hors cadre Autre facteur de déséquilibre : l'essor du transport non autorisé via des applications numériques. Cette concurrence informelle, en dehors de tout cadre réglementaire, alimente les tensions avec les professionnels du secteur et complique davantage la régulation du transport urbain. Un phénomène que les autorités considèrent comme un défi majeur pour toute réforme à venir. C'est dans ce contexte tendu que, le lundi 22 décembre 2025, devant la Chambre des représentants, Abdelouafi Laftit a annoncé l'ouverture d'une étude stratégique approfondie sur le transport par taxis. Le message est clair : pas de réforme improvisée, mais une refonte fondée sur le diagnostic, l'analyse comparée et la concertation. Le ministre a tenu à cadrer le débat : il s'agit de corriger les déséquilibres structurels du secteur sans en fragiliser les fondements sociaux. Une méthode assumée, destinée à éviter toute rupture brutale dans un domaine à forte sensibilité sociale. Etat d'avancement Engagée dès le début de l'année 2025, l'étude stratégique a franchi plusieurs étapes clés. Les phases de diagnostic approfondi et d'analyse des expériences internationales sont désormais achevées. Le chantier est entré dans une phase plus délicate : celle de l'élaboration de scénarios de réforme. Ces propositions, a insisté le ministre, seront soumises aux différents intervenants du secteur avant toute mise en œuvre, dans une logique de concertation élargie. Objectif affiché : construire des solutions partagées et limiter les résistances au changement. En parallèle, des actions ont déjà été menées sur le terrain. Avec la coordination des autorités provinciales et des services centraux du ministère de l'Intérieur, plusieurs mesures ont permis d'actualiser les décisions réglementaires, de renforcer l'encadrement des autorisations et de consolider les mécanismes de contrôle. L'exploitation des taxis a également été recentrée sur les chauffeurs professionnels, afin de limiter les dérives liées aux délégations mal encadrées et de rétablir une chaîne de responsabilité plus lisible. Modernisation du parc Parmi les avancées les plus notables figure la modernisation du parc. Grâce au programme de soutien au renouvellement, près de 80 % de la flotte nationale a été renouvelée, faisant passer l'âge moyen des véhicules de 25 ans à 8 ans. Une dynamique positive, aujourd'hui à l'arrêt depuis la fin de l'année 2021, dans l'attente de nouvelles orientations qui devront découler de l'étude stratégique en cours. Pour Abdelouafi Laftit, l'amélioration du service ne peut se limiter au contrôle et à la sanction. Elle passe aussi par le respect effectif des tarifs, un effort soutenu de formation des chauffeurs et la modernisation des outils de gestion et d'information. Des guichets et plateformes numériques ont été déployés progressivement, même si leur appropriation reste inégale. Un chantier appelé à s'intensifier dans les prochaines étapes de la réforme. Avec des centaines de milliers de personnes directement concernées, la réforme du transport par taxis exige prudence et méthode. Le ministre de l'Intérieur l'a d'ailleurs rappelé : il s'agit d'accompagner l'évolution du secteur, de l'adapter aux mutations du transport et des services, sans ignorer ses implications humaines et territoriales. Faute de quoi, a-t-il averti, le statu quo ne ferait qu'aggraver les tensions existantes et fragiliser davantage un service de proximité essentiel.