TICAD 9: Le Japon réitère une troisième fois sa non reconnaissance du polisario    Communication et RP : Le Maroc et la Mauritanie approfondissent leur collaboration militaire    ATIDI convie le Japon à accroître ses placements en Afrique lors de la TICAD-9 à Yokohama    Les provinces du sud marocain s'affirment comme un pôle pour le Sahel et l'Afrique de l'Ouest, écrit New African Magazine    El Hajoui dévoile le bilan du SGG : un taux d'acceptation des lois limité à 9,2 %    Innovation marocaine : médaille d'argent pour l'Université Mohammed V au SVIIF 2025    Agadir: L'ONEE lance les travaux pour sécuriser l'eau potable à partir du barrage Moulay Abdellah    Conflits d'intérêts : Des élus attribuent des marchés à leurs proches, la Cour des comptes enquête    Le Maroc devance tous ses concurrents et devient premier fournisseur de myrtilles du Royaume-Uni avec 19 000 tonnes    Le prix du poulet s'envole dans plusieurs villes marocaines alors que la viande rouge demeure élevée    Le Maroc associe largement les communautés locales à ses projets énergétiques, dévoile un rapport de la fondation RES4Africa    Banques. Liquidité en léger recul et taux d'intérêt en baisse    Aide humanitaire à Gaza: L'ONU salue la générosité du Roi Mohammed VI    Jacob Zuma félicite le Ghana pour son soutien à la souveraineté marocaine sur le Sahara : «L'Afrique ne doit plus être divisée pour le confort des étrangers, l'ère de la balkanisation du continent est terminée», a-t-il affirmé    Air Canada met fin à la grève de son personnel navigant    CHAN 2024 : la phase de groupes livre ses verdicts    Imane Khelif met sa carrière entre parenthèses, selon son ancien manager    Fiorentina : Amir Richardson sur le départ ?    Kénitra: un mineur interpellé pouvoir tenté de voler en menaçant d'un "colis explosif"    Interpellation à Fès d'un faussaire présumé au cœur d'un réseau d'immigration clandestine    Le Maroc prend part à la clôture du cours des observateurs militaires des Nations unies au Kenya    Le Maroc consolide sa position comme puissance régionale au cœur de la rivalité internationale au Sahara et au Sahel    Aide humanitaire à Gaza : SM le Roi, par Son influence personnelle et la place particulière qu'Il occupe, est le seul à pouvoir mener de pareilles actions (Christophe Boutin)    Bournemouth signe l'international marocain Amine Adli    Foot africain : Hakimi bientôt en tête d'un prestigieux Top 3 !    Abdellah Ouazane dispute ses premières minutes en tant que professionnel    Afro basket U16 Kigali 2025 : Les Lionceaux repêchés    SM le Roi met à profit Son leadership pour sauver des vies à Gaza (Jean Marie Heydt)    Kénitra : Arrestation d'un mineur pour tentative de vol avec un faux colis explosif    Port de Dakhla : les débarquements de pêche chutent à fin juillet 2025    Un Danois recherché par Interpol interpellé à Tanger    Les prévisions du mercredi 20 août 2025    Marruecos: Gracia real a favor de 881 personas    La police espagnole saisit 1,5 tonne de haschisch caché dans de fausses oranges du Maroc    «Atoman», le film marocain de super-héros arrive sur Amazon Prime Video    Moroccan women's futsal team prepares for World Cup with Xanxerê tournament in Brazil    Maroc : Grâce royale au profit de 881 personnes    Arrest made in connection with the rape of a minor at the Moulay Abdellah Amghar festival    Laayoune : La délégation américaine a examiné la réduction des effectifs de la MINURSO    Maroc : Une arrestation après le viol d'un mineur au moussem Moulay Abdellah Amghar    Le Maroc forme un pourvoi en cassation dans l'affaire Pegasus devant la Cour fédérale allemande de justice, audience le 11 novembre    Boualem Sansal, un homme libre    Interview avec Dr Aziz El Kobaiti : « Le soufisme invite chacun à agir avec justice et à servir la société »    Aziz Chikh, cet ambassadeur de la cuisine meknassie qui a fait élever sa cuisine au rang de gastronomie    « Les élèves du toit du monde » – teaser    Festival des Plages Maroc Telecom. Concerts et animations à Martil, Nador et Saïdia    La 21e édition de la FIL Panama, consacrant le Maroc comme invité d'honneur, a enregistré une affluence historique de plus de 108 000 visiteurs selon les organisateurs    El Jadida : Clap de fin des festivités du Moussem Moulay Abdallah Amghar    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Yasmina Khadra « L'Humanité n'a jamais pardonné aux faibles »
Publié dans L'observateur du Maroc le 18 - 03 - 2016

Yasmina Khadra porte un nom d'emprunt féminin : une façon radicale de se mettre dans la peau d'un autre. Algérien, ancien officier de l'armée qu'il a quittée en 2000, il se consacre aujourd'hui à sa passion: l'écriture. On connaît de lui de nombreux romans dont la célèbre trilogie: « Les hirondelles de Kaboul », « L'attentat » et « Les sirènes de Bagdad ». Son livre « La dernière nuit du Raïs » est un succès mondial. Comment naissent, pensent et s'imposent les tyrans ? Pour le comprendre, il s'est mis dans la tête de Kadhafi. Un vrai défi pour un romancier.
L'observateur du Maroc et d'Afrique: Quelle était votre ambition en écrivant « La dernière nuit du Raïs » ?
Yasmina Khadra : Je ne cherche pas à le juger, mais simplement à le comprendre. Je suis revenu sur son enfance, sur ses amours ratées, sur ses colères, ses envies de rébellion, ce sentiment de vouloir aller vers le monde. C est un enfant qui a vécu marginalisé, instable, pieds nus dans le sable, ne mangeant pas toujours à sa faim. En écrivant à la première personne, j'ai cherché à épouser intimement ce personnage, de ses premières humiliations de bédouin pauvre jusqu'à sa mégalomanie de dictateur. C'est un personnage parfois cruel, odieux par moments, possessif, narcissique mais c'était aussi un être humain. Je ne le vois pas comme fou, je le vois comme quelqu'un de suicidaire. Il cohabitait avec la mort toutes les nuits.
Votre lyrisme, le rend parfois sympathique. N'est-ce pas un écueil du livre ?
Ce style est dû à la langue française, c'est un véritable tapis volant pour un roman. Mais Kadhafi a représenté beaucoup de choses. Lorsque le roi Idriss est renversé, il est jeune capitaine, il a 27 ans. Il s'est imposé dans le débat maghrébin et arabe. Il a été emblématique pour toute une jeunesse, il a incarné le commencement d'une ère saine, belle, l'élan vers l'épanouissement. Il avait une vraie ambition pour le peuple, il incarnait, la justice, la liberté, le droit à l'éducation, c'était une voix pour le monde arabe face à l'Occident. Nous étions enfin autre chose qu'un cheptel. Il voulait reconstruire les nations arabes et l'Afrique. C'était une légitimité pour les opprimés. Puis avec le temps, il est devenu un roitelet à son tour. Il pensait que sa main pouvait freiner les bourrasques. Son sceptre est devenu sanglant. Il a plongé dans la dictature, la répression et la folie lorsqu'il n'a plus trouvé de projet politique pour son peule ou pour le monde arabe. Un tyran c'est le fruit hallucinogène de nos petites et grandes lâchetés. Les Allemands sont les enfants de Mozart, de Nietzsche pourtant a un moment, ils ont eu peur et ont accepté l'inacceptable.
Que pensez-vous de la situation en Libye depuis la chute de Kadhafi ?
Elle est catastrophique et elle était prévisible. Un mois avant l'agression de la Libye, j'avais accordé une interview à Der Spiegel et je disais que c'était ouvrir la boîte de Pandore. Cette région est tellement vulnérable et tellement fragile qu'il était évident que le chaos s'installerait. Il ne fallait pas l'attaquer. Personne n'avait une solution de remplacement crédible. Un tyran a été renversé, puis on a regardé avec indifférence un cataclysme s'abattre sur un pays, une région et peut-être un continent. C'est une décadence. Un déni de soi au niveau d'une civilisation. Les dernières heures de Kadhafi sont shakespeariennes, c'est un roi Lear, mais qui me permet de décrire la montée d'une autre barbarie : celle que nous vivons maintenant. Où sont nos phares ? Qu'est-ce qui nous éclaire dans les abysses et les ténèbres où nous végétons ?
Comment voyez-vous l'avenir du monde arabe et de l'Afrique ?
Je suis un romancier, je ne suis pas un analyste. Je suis assez pessimiste. Les criminels d'aujourd'hui sont à présent aussi criminels que leurs bourreaux de jadis. Ils se projettent dans la douleur de l'autre. C'est terrifiant. Je ne sais pas si nous nous relèverons de nos décombres. Cette mondialisation nous rend de moins en moins humain. C'est une ruée éperdue vers le provisoire, l'éphémère. La noblesse est dans l'âme, pas dans le matériel. Rousseau définissait l'animal comme une créature dont la douleur se limite à sa propre souffrance. Quand je vois que nos ambitions se limitent à de petits et violents appétits, je me dis que nous ne sommes pas loin de l'animalité. L'empathie rétrécit de jour en jour.
Croyez-vous au « choc des civilisations » ?
Non, je crois à leur rencontre. Je ne crois ni à leur mélange, ni à leur assimilation, ni à leur mise en esclavage. Je suis un Berbère algérien dont la famille a lutté contre la colonisation française, mais la langue française dans laquelle je m'exprime dans mes romans est notre plus précieux butin de guerre. Camus est paradoxalement le plus grand écrivain algérien, il avait une approche opiacée de l'Algérie, presque mystique. A sa place, j'aurais aussi peut-être tout fait pour garder « mon » Algérie. J'écris mes recueils de poèmes dans la langue des Arabes qui nous ont jadis submergés car c'est la plus évocatrice au monde. Les poètes fatimides sont les plus grands. Je suis musulman pratiquant pourtant j'ai lutté pendant six ans contre les islamistes dans l'armée algérienne. Pour moi, le Coran est un conte de « faits ». Toute une poésie en découle, une certaine élévation de l'esprit et du coeur aussi. C'est une générosité, pas une limitation.
Quelle solution prônez-vous ?
L'Humanité n'a jamais pardonné aux faibles. Il faut se tenir debout. Ne céder ni à la facilité, ni aux mirages de la fortune matérielle, ni à l'abandon. Fortifier son âme. Avoir des ambitions élevées pour soi, pour sa famille, pour son pays. Lire, apprendre, toujours. « Suivre sa pente en montant » comme disait Gide. En Algérie quand tout était interdit sauf le foot, j'ai découvert le monde par les yeux de Steinbeck, de Naguib Mahfouz, de Camus ou de Gogol. Accédons à ce qu'il y a de meilleur en nous, comme individus ou comme pays. Il faut se révolter, ne pas rester dans un stoïcisme piteux. Ne pas se comporter comme un cheptel, prendre conscience de sa singularité, de ses possibilités, recouvrer son honneur. Montrer que nous voulons vivre autrement qu'un mouton sacrificiel. Toute vie est une oeuvre. C'est une élégance d'aller vers les autres avec un maximum de travail sur soi ✱


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.