Tindouf : des ONG dénoncent des "prisons collectives" et interpellent l'Algérie    Revue de presse de ce mercredi 10 septembre 2025    Visa organise son premier Data & AI Summit au Maroc pour explorer les nouvelles frontières de de la transformation numérique    Bourses de formation professionnelle : fini les retards, place à Minha    La Bourse de Casablanca finit sur une note positive    Disparition forcée d'Ahmed El Khalil : le CIRAC interpelle le Conseil des droits de l'homme à Genève    France : Sébastien Lecornu promet des « ruptures » pour sortir de l'impasse politique    Netanyahu demande au Qatar d'expulser ou de juger les "terroristes" sur son sol    Le Maroc prépare une rencontre amicale face à l'Ouzbékistan en octobre à Tanger    El Jadida se prépare à accueillir la 16e édition du Salon du Cheval    Cristiano Ronaldo égale un record historique lors de la victoire du Portugal face à la Hongrie    Recherche et innovation : le Maroc renforce sa participation dans le Partenariat PRIMA    Activité industrielle : agroalimentaire et métallurgie, les locomotives de la reprise    Mohamed Mitali : "Les contrôles douaniers retardent les transporteurs à Tanger Med"    Industrie Pharmaceutique : Pfizer confie la direction du Cluster Afrique du Nord à Ouardia Djoudjai    Plaques d'immatriculation bilingues : les sources d'une polémique… Ce qu'il faut savoir    Fès-Meknès : accélération du déploiement des "Ecoles pionnières"    Sécurité régionale : Barrow et Embaló resserrent les liens    Numérique. Un pont entre Abuja et Praia    Athlétisme. 30 marocains à Tokyo    Mawuto Tossa, premier Africain lauréat du prestigieux Prix J.B. Scott 2025    GERD : L'Ethiopie inaugure le plus grand barrage d'Afrique    INRA. La fertilité des sols révélée à haute résolution    France : Sébastien Lecornu nommé Premier ministre    Les prévisions du mercredi 10 septembre 2025    Maroc : Le PJD et Al Adl wal Ihsane condamnent la frappe israélienne sur le Qatar    Après la TICAD9, le Polisario se prépare à participer au 7e sommet UA-UE    UE : Dimiter Tzantchev prend ses fonctions à Rabat    Fès-Meknès : Amine Tahraoui s'enquiert de l'avancement de projets sanitaires    Plus de 1200 artistes boycottent les productions israéliennes impliquées dans le génocide en Palestine    La Fondation Dr Leila Mezian inaugure l'« Espace Amazigh » au cœur de l'Alhambra de Grenade    Nasser Bourita s'entretient avec Sergueï Lavrov en pleine préparation de la 8ème Commission Mixte    Retraite de haut niveau sur l'avenir des relations euro-méditerranéennes »    Le Maroc condamne vivement l'agression israélienne odieuse et la violation de la souveraineté de l'Etat frère du Qatar    Partenariat: L'Institut Amadeus signe un MoU avec l'Emirates Center for Strategic Studies and Research    De Lorient à Lusaka : Igamane enchaîne les coups d'éclat    Météo : Averses orageuses avec chutes de grêle et rafales de vent prévues ce mardi    Omar El Hilali, débuts discrets mais inoubliables avec les Lions de l'Atlas    Côme et Fàbregas relancent la piste Hakim Ziyech    Musique : décès du maître gnaoua Mustapha Baqbou    Après avoir affronté les Lions de l'Atlas, Badou Zaki hospitalisé au Maroc    Países Bajos: Un testigo clave en el juicio de Ridouan Taghi será liberado próximamente    Un marroquí muere en un accidente de coche en el norte de Italia    Un élève rend hommage à son professeur après 22 ans : une Omra en guise de gratitude    Le Maâlem Mustapha Baqbou n'est plus    L'Alhambra de Grenade accueille un nouvel espace amazigh en l'honneur de la Dr Leila Mezian    Moroccan Gnaoua master Maalem Mustapha Bakbou passes away at 72    Erick Baert, l'homme aux 100 voix, de retour au Maroc avec son spectacle "Illusions vocales"    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Abdelfattah Kilito, portrait de l'écrivain en «singe calligraphe»
Publié dans L'opinion le 23 - 06 - 2021

Abdelfattah Kilito est aussi pertinent pour l'écriture qu'une paire de ciseaux pour une étoffe : il peut lui donner la forme qu'il veut. Grand lecteur des textes anciens de la littérature arabe, des mille et une nuits, cette passion, il la partage avec Borges, dont il est une sorte de double dans « Le cheval de Nietzsche ». Auteur, il ne se réclame ni de l'essai ni du roman, mais de l'écriture.
De l'essai au récit, le chemin est pavé de signes et le passage de la lecture à l'écriture relève d'une alchimie qui peut être faite d'oubli. Rachid Boudjedra ne disait-il pas qu' «En fait, écrire, c'est se souvenir, comme disait Proust. Se souvenir non seulement de soi-même mais aussi des autres textes. Nous retrouvons là la tautologie de l'intertextualité où finalement nous disons toujours la même chose, où toute littérature est la répétition d'une autre littérature et ainsi de suite ».
Abdelfattah Kilito a donné une sorte de dimension métaphysique à travers le commandement du maître d'Abous Nouwas qui avait exigé d'apprendre 1000 poèmes, ensuite de les oublier avant d'être autorisé à écrire de la poésie.
Comment oublier ce qui est mémorisé ? Cet effacement est-il instantané ou s'inscrit-il dans la durée et selon quelle logique tel poème doit-il être oublié avant un autre ?
Le palimpseste dit qu'en fait une inscription ne s'efface pas, elle disparait partiellement ou entièrement derrière la graphie qui lui succède sur le même support...La psychanalyse s'est érigée en science en montrant justement que l'oubli n'existe pas à proprement parler et que la mémoire ne s'efface pas : l'inconscient participe d'une économie du subterfuge derrière lequel il faut retrouver la trace originelle !
L'importance du palimpseste n'est pas dans le dernier message écrit mais dans ceux qui l'ont précédé, devenus illisibles par « superposition ».
Lire un palimpseste est une oeuvre de géologue qui ne lit plus dans les couches sédimentaires mais dans les interstices des lignes qui donnent à voir des signes...Abdelfattah Kilito qui déclare « Comme j'ai publié peu de textes de fiction, l'essai est relativement mieux représenté dans mes écrits, mais en ce qui me concerne, je ne vois guère de différence entre les deux genres : en passant de « L'oeil et l'aiguille », par exemple au « Cheval de Nietzsche », je n'ai pas l'impression d'avoir changé essentiellement de registre » a bien retenu la leçon de Roland Barthes selon laquelle « la littérature pure n'existe pas » et que « l'analyse d'un texte littéraire nécessite la connaissance de recherches récentes dans d'autres domaines. La littérature est le confluent de l'ensemble des savoirs ». L'apprentissage au sens de mémorisation et l'oubli ont fait l'objet d'une analyse fine dans « L'auteur et ses doubles ».
L'oubli, la copie
Dans « Le Cheval de Nietzsche », la perspective n'est plus l'oubli pour faire oeuvre de poète, d'écriture même mais la copie, une autre façon aussi de lire. « Le singe calligraphe » n'en est pas la caricature mais le symbole même où la punition scolaire de copier un texte devient un palier nécessaire pour accéder à la création au sens d'écriture. La transcription, la copie en somme, par rapport à l'oeuvre de création, est un « monde magique où n'existe ni originalité, ni plagiat, ni forgerie, où tout texte est l'exacte reproduction d'un autre et où la marque personnelle se limite à la forme des caractères et aux inévitables fautes d'orthographe ».
Dans cette perspective, ce n'est pas l'auteur original qui a un double à travers son « copieur », mais le texte copié, jamais partiellement mais dans son intégralité ! La graphie n'est plus celle de l'imprimerie mais manuelle, aussi régulière que peut l'être la main assurée du copieur. Dans « Le singe calligraphe », celui-ci est la métaphore assumée d'un conte des mille et une nuits qui raconte l'histoire d'un prince transformé en singe, ayant gardé ses aptitudes humaines d'écriture, « fort recherché pour la beauté de sa calligraphie », et d'intelligence en redoutable joueur d'échec.
L'idée de la copie a été soufflée par le philosophe Alain au candidat à l'écriture, le jeune André Maurois, une autre façon pour apprendre à écrire, la copie devant passer par le stade initiale de la lecture. La copie suit la lecture, elle ne la précède pas, qu'elle se fasse par signe qui fait sens, mot ou phrase entière, le livre en étant une sorte de juxtapositions à remonter strate par strate, non pas en commençant par la surface mais par ses profondeurs, le premier signe en étant le support. Devenir écrivain n'est plus apprendre pour ensuite oublier mais recopier des oeuvres sans oblitérer ni la graphie ni le sens comme il ne s'agit pas de faire disparaître le nom de l'auteur au prétexte de la copie.
Dans ses écrits, Abdelfattah Kilito est en dialogue avec les mille et une nuits, les auteurs arabes classiques, les chefs d'oeuvre de la littérature mondiale... et Borges qui semble le fasciner autant qu'il a pu fasciner un Abdelkébir Khatibi. Se référer dans cette économie de l'oubli et de la copie, n'est-ce pas s'identifier, se créer un double ? Un livre de Abdelfattah Kilito porte le titre emblématique de « L'auteur et ses doubles ». Sur ce modèle, il est possible de citer encore « Le scribe et son double » de Abdelkébir Khatibi, « L'ombre du poète » de Mahi Binebine et « L'ombre du chroniqueur » de Noureddine Sail. Mais l'ombre mène-t-elle à la proie, la copie à l'original, l'oubli à la mémoire ? Là n'est pas la question et nullement l'hypothèse épistémologique de Abdelfattah Kilito.
Abdallah BENSMAIN


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.