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Bande dessinée marocaine : Un art qui peine à développer son marché [INTEGRAL]
Publié dans L'opinion le 18 - 02 - 2025

Longtemps perçue comme un divertissement pour enfants, la bande dessinée marocaine peine à trouver son public et ses financements. Pourtant, une nouvelle génération d'auteurs engagés émerge, portée par le numérique et des récits ancrés dans les réalités du pays. De la résistance ou une renaissance du 9ème art au Maroc ? Reportage.
La bande dessinée au Maroc est-elle moribonde ? Peu de lecteurs, peu d'auteurs et l'idée répandue que cet art s'adresse aux enfants sembleraient le confirmer. Mais à y regarder de près, voilà plusieurs décennies que le monde des bulles s'est fait une place dans le cœur de (certains) Marocains.

Au tournant du siècle, plusieurs auteurs du Royaume ont posé les bases de la BD estampillée rouge-étoile-verte, avec des planches essentiellement dédiées au patrimoine - Histoire du Maroc en bandes dessinées (1993, Ahmed Nouaiti, Wajdi et Mohamed Maazouzi) et Tagellitnaytufella traduit par La reine des hauteurs (2004, Institut Royal de la Culture Amazighe) - ou à la situation politique -, On affame bien les rats ! (2000, Abdelaziz Mouride) et Les sarcophages du complexe : disparitions forcées (2005, Mohammed Nadrani).

Aujourd'hui, en dépit d'un contexte économique peu favorable (production mince, ventes en berne, subventions rares), une nouvelle génération émerge, qui se sert des outils numériques pour créer, divertir et diffuser des idées engagées au sein de la société.

Formation, langues et identités

Yassine Hejjamy (39 ans) se souvient d'avoir eu des bandes dessinées « dans les mains avant même de savoir lire ». Auteur de Drôle de Révolutions (Le Fennec, mars 2023), qui se penche sur le sujet des Printemps arabes en langue française, il a grandi à Rabat, fréquenté le lycée Descartes et la médiathèque de l'Institut français. C'est à l'adolescence que sa vocation s'affirme, en découvrant le personnage du lieutenant Blueberry de Jean Giraud (1938-2012). Au point de s'imaginer parfois «comme l'une des réincarnations» de ce géant du 9ème art.

Quelques années plus tard, Aniss El Hamouri (36 ans) suit une trajectoire similaire, à la différence que ce sont les mangas japonais qui ont fait éclore en lui l'appel du croquis. Pour se lancer dans le monde des planches et des vignettes, Yassine et Aniss se tournent vers l'un des pays-temples de la bulle, la Belgique. Les deux futurs dessinateurs atterrissent sur les bancs de l'Ecole Supérieure des Arts Saint-Luc à Liège. «A mon époque, il y avait trop peu d'options au Maroc pour étudier la BD», regrette Aniss, auteur de Comme un frisson (Vide cocagne, 2017). Depuis, la situation a (un peu) évolué.

«Enfant, je n'ai jamais vu de bande dessinée», se souvient Oumaima El Gamraoui (25 ans). Née à M'diq dans une famille traditionnelle, loin des milieux cosmopolites de la capitale, elle est aujourd'hui diplômée de la filière BD de l'Institut National des Beaux-Arts de Tétouan (INBA). Hasard ou destin ? Après le lycée, elle hésitait à s'orienter vers l'art contemporain ou le design, et le choix de la BD s'est fait au dernier moment «par curiosité, pour donner une chance». Une décision qu'il a fallu assumer quelles que soient les compétences à développer, car dans la BD «il faut à la fois être bon dessinateur et savoir raconter une histoire», énonce Oumaima.

Elle persiste, obtient sa licence, et décroche même un Prix du ministère de la Culture pour publier sa première bande dessinée à 500 exemplaires : Ce que la mer doit à la terre (publiée à compte d'auteur, 2024) s'adresse aux Marocains en darija chamalia pour parler du Hrig et de ses dangers. «Travailler sur l'immigration est fondamental» pour elle, car, dans sa ville natale, beaucoup de gens voudraient s'échapper pour «le pays des rêves», quitte à mettre leur vie en jeu. La preuve que la BD ne raconte pas que des histoires pour enfants.

Définir la BD marocaine

Présentes dans les livres scolaires depuis des décennies - qui se rappelle de Myzoul et Safa ? - les bandes dessinées les plus populaires au Maroc étaient d'abord des œuvres traduites en langue arabe (Goldorak, Tarzan) ou des illustrés en français (Pif, Marvel). «Depuis Abdelaziz Mouride (1949-2013), considéré comme un pionnier, jusqu'au collectif Skefkef dans les années 2010, il y a eu plusieurs expériences éclatées dans le temps», explique Amine Hamma, initiateur du programme Khaliya de la Fondation Hiba. Un éclatement parfois ressenti comme une absence par la génération actuelle, en manque de repères, «de références ou de modèles desquels s'inspirer», affirme Oumaima. Il y a l'école franco-belge, les mangas japonais, les comics américains, les fumetti italiens... mais existe-t-il un style nord-africain, voire marocain ?

Pour Aniss, la BD marocaine «c'est un diamant brut un peu mystérieux etil semble essentiel de développer une façon de faire singulière ». Plutôt de culture occidentale, il a déjà eu entre les mains des BDs marocaines difficiles à appréhender «sans les explications d'une amie qui vient d'un autre milieu social que le mien ». Le signe qu'un langage unique est en train d'émerger ? En tout cas, les ateliers de BDs, le nombre croissant d'auteurs, les conférences au SIEL ou encore de belles initiatives comme Al'khariqun contribuent à promouvoir le 9ème art dans le Royaume.

La désignation de Rabat comme capitale mondiale du livre en 2026 sera-t-elle déterminante ? C'est du moins ce qu'espèrent les auteurs : «Le dessin peut aider dans la lutte contre l'analphabétisme, pour habituer les gens à lire... Aujourd'hui, le Maroc a besoin d'une communauté de bédéistes fiers !», ambitionne Yassine.

Vivre de sa passion

Story-boards, illustrations de livres (enfants ou adultes), manuels scolaires, affiches de tous types, animation d'ateliers, création de décors ou de personnages pour des films d'animation... Pour Yassine, le travail ne manque pas à Rabat. Mais s'il assure une certaine rentrée d'argent, il ne peut pas faire exactement ce qu'il voudrait : «Être libre de créer et de me consacrer à 100% à la BD».

Un problème récurrent dans son domaine. Trouver un système pour exercer son art tout en continuant de vivre (dépenser de l'argent) est une gymnastique continue. «Une BD ça me prend trois ans de travail et je ne touche que quelques milliers d'euros », confirme Aniss depuis Bruxelles, où il s'est positionné comme auteur de maison d'édition indépendante. Si sortir un livre ne sécurise donc pas sur le plan financier, cela peut constituer un tremplin pour son auteur.

Mais comment décoller au Maroc, quand dépasser quelques milliers d'exemplaires vendus est déjà un «succès énorme» ? Sa première bande dessinée, qui parle d'un sujet d'intérêt public, Oumaima l'a mise en vente à deux cents dirhams. Elle s'est vue dire que « ça ne les méritait pas ».

Comme alternative de financement, verra-t-on se développer les webtoons ? Publiés en ligne sous forme de feuilleton, avec les économies de papier, d'encre et de logistique que cela représente, ils s'adressent aux publics jeunes et connectés et reposent sur un modèle économique freemium (combinant gratuité et abonnement premium).

Autre option pour Yassine, «se faire éditer par plusieurs maisons d'édition dans différents pays». Et peut-être aussi nouer des partenariats auteur-dessinateur, pour diffuser des messages engagés, comme l'ont fait Leïla Slimani et Laetitia Coryn (2024, Paroles d'honneur), ainsi que Fedwa Misk et Aude Massot (2024, Des femmes guettant l'annonce).


3 questions à Amine Hamma : "Avec la volonté nationale de soutenir le secteur des jeux vidéo, certains bédéistes sont encouragés à s'orienter vers d'autres débouchés professionnels"
* Comment la Fondation Hiba soutient-elle la création de BD ?
- En 2019, nous avons lancé le programme Khaliya (la ruche) pour encourager la production nationale. Chaque édition propose à des artistes émergents un espace de création, un accompagnement et de la visibilité. Et on choisit collectivement un thème : la première fois c'était la rue, la seconde c'était la mort (Khatar L'mawt) et cette année on a travaillé sur l'ouverture au monde, en conviant des artistes MRE. En cinq ans, c'est une trentaine d'artistes qui ont pu partager leur passion. Et du partage il y en a ! Pendant les résidences, on assiste à des discussions interminables, il y a une soif énorme de rencontres. D'ailleurs, la Fondation Hiba a développé un fonds de mobilité local pour permettre à des artistes d'assister à des événements culturels loin de chez eux. Il est primordial de connecter la bulle de l'Institut national des Beaux-Arts de Tétouan avec la scène de la contre-culture sur l'axe Casa-Rabat.

* Qu'est-ce qui distingue la BD marocaine ?
Il y a eu plusieurs expériences éclatées dans le temps, depuis Abdelaziz Mouride (1949-2013) qui est considéré comme un pionnier, jusqu'au collectif Skefkef très actif dans les années 2010 et dont les numéros imprimés à 3000 exemplaires se vendaient comme des petits pains. Aujourd'hui, nous en sommes encore à l'étape embryonnaire. C'est loin d'être évident de développer une filière. Côté contenu, je sens cette passion d'insuffler quelque chose de nouveau et dans le même temps une sorte de tiraillement vers des codes plus traditionnels, avec des tarbouches disséminés ici ou là. Pour faire émerger une identité propre, il nous faut des maisons d'édition spécialisées - comme Al'Khariqun - qui vont se concurrencer l'une l'autre et installer une concurrence saine. Il faudrait aussi connaître un peu mieux le marché national, organiser davantage de Salons, etc...

* Quelles perspectives d'avenir ?
On tourne souvent autour de la question de la structuration du secteur. Il existe des fonds pour soutenir la création en général, mais ils ne sont pas toujours bien identifiés par les artistes, ou ces derniers ne vont pas au bout des dossiers de financement. Pour tout projet culturel, il y a un travail administratif non négligeable. Il y aussi la question de l'indépendance et des lignes rouges parfois imposées par les éditeurs. Et bien sûr la dimension linguistique ! Dans les réseaux culturels liés à la diplomatie belge ou française, ça n'est pas évident de soutenir des projets 100% en darija comme Skefkef. Au Festival international de cinéma d'animation de Meknès, j'ai remarqué que beaucoup de bédéistes étaient invités à des formations sur les métiers d'animation, la 3D ou la technique du stop motion. Si l'industrie de la BD est balbutiante, les agences de pub sont demandeuses de profils formés à l'INBA. Et avec la volonté nationale de soutenir le secteur des jeux vidéo, certains bédéistes sont encouragés à s'orienter vers d'autres débouchés professionnels.
Fossiles et dinosaures du Maroc : Quand la BD rencontre la science
La bande dessinée peut être un moyen de lecture et de distraction, mais peut aussi s'avérer un véhicule utile pour l'éducation et pour aborder des thèmes scientifiques. C'est le défi de « Fossiles et dinosaures du Maroc », une œuvre collective qui plonge les lecteurs dans le passé préhistorique du pays.
Elle est le fruit de la collaboration entre l'écrivaine Camille Castaigna, l'illustrateur Mohamed Haïti et le professeur Moussa Masrour, paléontologue à l'Université Ibn Zohr d'Agadir. Publié par les éditions Bouillon de Culture, cet ouvrage vise à rendre la science accessible au grand public en combinant narration et illustrations.
Le récit suit le parcours du professeur Masrour, accompagné de "Nit", une ammonite animée, à travers les sites paléontologiques emblématiques du Maroc. Les lecteurs découvrent des créatures telles que l'Atlasaurusimelakei, surnommé "le géant de l'Atlas", et le Carcharodontosaurus, souvent comparé au T-Rex. L'ouvrage aborde également des disciplines connexes comme la biologie, la géologie et la chimie, offrant une perspective complète sur l'évolution de la vie et des paysages marocains.
L'initiative de cette bande dessinée s'inscrit dans une démarche de vulgarisation scientifique, visant à sensibiliser un large public à la richesse du patrimoine paléontologique marocain. Elle inaugure une collection dédiée à la diffusion de la culture scientifique, avec l'ambition de rendre des sujets complexes accessibles et attrayants pour tous.

UNESCO : Rabat, capitale du livre 2026
L'UNESCO a désigné, en octobre 2024, Rabat comme «Capitale mondiale du livre 2026», reconnaissant son engagement envers la promotion de la lecture, de l'éducation et de la culture. Cette distinction souligne le rôle de Rabat en tant que carrefour culturel, où le livre est essentiel pour la transmission des savoirs et des arts. Avec 54 maisons d'édition, l'un des plus grands Salons du livre en Afrique et un réseau de bibliothèques en expansion, la ville contribue activement à la démocratisation du savoir. Elle met également l'accent sur l'autonomisation des femmes et des jeunes par la lecture, tout en luttant contre l'analphabétisme dans les communautés défavorisées.
À partir du 23 avril 2026, Journée mondiale du livre et du droit d'auteur, Rabat lancera un programme d'initiatives pour promouvoir l'accès à la lecture et soutenir l'industrie locale du livre. Cette nomination place Rabat aux côtés de villes comme Madrid, Montréal et Rio de Janeiro, renforçant ainsi son rayonnement culturel international.


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