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Rétro-Verso : Immersion dans l'héritage artistique du moussem d'Assilah
Publié dans L'opinion le 12 - 06 - 2025

À l'approche du moussem estival d'Assilah, un flashback s'impose sur l'Histoire de cette ville aux multiples facettes.
Au gré du temps qui passe, Assilah offre un témoignage précieux de la richesse du patrimoine immatériel qui s'est constitué au fil des siècles. Depuis le Moyen Âge, notamment dès le XIIIème siècle, jusqu'à l'époque contemporaine sous la dynastie alaouite, la ville incarne une mémoire collective vibrante, traversée par les influences culturelles, linguistiques et sociales propres à cette région du Maghreb.

L'on peut lire dans l'historiographie que depuis le XIIIème siècle, sous la dynastie mérinide (1244-1465), Assilah occupe une position stratégique sur la route maritime reliant l'Europe à l'Afrique subsaharienne. Cette période fut marquée par le règne de sultans tels qu'Abou Yahya Abu Bakr (1244-1258) et Abou Inan Faris (1348-1358), qui ont contribué au développement des infrastructures portuaires et à la consolidation du pouvoir mérinide dans le Nord du Maroc. Ce carrefour commercial ne favorise pas uniquement les échanges matériels. Il est aussi un creuset d'interactions culturelles profondes. Les traditions orales, les pratiques rituelles, ainsi que les savoir-faire liés à la mer et à la navigation, se transmettent de génération en génération, tissant un réseau de connaissances intangibles au sein de la communauté locale.

Des traditions séculaires

Selon le professeur et historien Ahmed Wanaimi, «au XVIème siècle, Assilah passe sous l'influence de la dynastie saâdienne (1554-1659), fondée par Mohammed Ach-cheikh, qui affermit la souveraineté marocaine face aux puissances portugaises et ottomanes. Cette période est également marquée par le règne d'Ahmad al-Mansur (1578-1603), connu pour sa politique de centralisation et de développement économique ».

Ainsi, sous la domination saâdienne, Assilah a réussi à renforcer ses institutions locales et consolider le contrôle des échanges maritimes. Ces évolutions politiques favorisent la stabilisation des pratiques culturelles et la pérennisation du patrimoine immatériel, notamment les fêtes religieuses, les récits historiques et les chants populaires.

C'est véritablement à partir de l'avènement de la dynastie alaouite au XVIIème siècle, sous le règne du sultan Moulay Rashid (1666-1672) puis Moulay Ismaïl (1672-1727), que la ville s'inscrit dans un cadre politique stabilisé. Cette dynastie, toujours régnante aujourd'hui, a mis en place un système administratif renforcé qui a favorisé la continuité des traditions immatérielles. La régulation des pratiques sociales, notamment autour des fêtes religieuses comme la moussem (fête de saints locaux) et les rassemblements communautaires, témoigne de cette pérennité. Ces événements jouent un rôle central dans la cohésion sociale et la transmission des valeurs partagées.

Une identité plurielle

Multiples sources historiques concordantes indiquent qu'Assilah a été un point d'ancrage pour les Arabes et les Amazighs et, à partir de la Reconquista au XVème siècle, pour les réfugiés andalous. Chacune de ces populations a contribué à l'élaboration d'une identité locale singulière. Cette diversité se manifeste dans la richesse des langues parlées, mêlant l'arabe marocain dialectal, des influences amazighes, et parfois des traces andalouses. Les formes d'expression orale comme les chants populaires (malhoun, aïta), les récits épiques, et les savoir-faire liés à la mer, reflètent cette histoire complexe.

Les rituels liés à la mer comme les bénédictions des bateaux, ou profanes, comme les techniques de pêche traditionnelles, traduisent l'importance accordée à l'environnement naturel dans la construction culturelle locale. Ce patrimoine immatériel, bien que fragile face aux mutations économiques, sociales et technologiques actuelles, reste un vecteur essentiel du sentiment d'appartenance à Assilah.

Somme toute, l'étude de ces dimensions historiques et culturelles révèle combien cette ville du Nord du Royaume, au-delà de son image touristique actuelle, demeure un lieu où le patrimoine immatériel constitue une continuité vivante entre le passé et le présent, laquelle continuité offre une clé de compréhension des dynamiques culturelles à l'œuvre dans la région et souligne la nécessité d'une attention renouvelée à la préservation de ces savoirs immatériels, souvent invisibles mais fondamentaux.

Patrimoine immatériel : Le moussem d'Assilah, pilotis d'une culture en mouvement
Assilah est reconnue pour son patrimoine culturel vivant. Derrière ses remparts portugais et ses ruelles aux murs blanchis à la chaux, cette cité historique incarne un équilibre entre tradition et expression artistique contemporaine.

Depuis la fin des années 1970, le Festival culturel international d'Assilah transforme la Médina chaque été en une galerie à ciel ouvert. Des artistes du monde entier viennent y peindre des fresques murales, animer des conférences, ou encore présenter des spectacles musicaux. Ce rendez-vous culturel annuel est devenu un moteur de rayonnement artistique pour la ville.

Toutefois, la vie culturelle de la Cité aux multiples atouts ne se limite pas à ce festival. Assilah reste, en sus, ancrée dans des traditions séculaires, et son moussem, événement religieux et festif organisé chaque année, rassemble les habitants autour de célébrations mêlant rituels, musique et gastronomie locale.

L'artisanat occupe également une place importante dans la vie économique et culturelle de la médina. Potier, brodeuse ou vannier, chaque artisan perpétue un savoir-faire transmis de génération en génération. La céramique, la broderie et la tapisserie sont à la fois témoins du passé et sources de revenus pour de nombreuses familles.

Ce patrimoine, en grande partie immatériel, se manifeste aussi dans les pratiques culinaires, les musiques traditionnelles ou les récits oraux transmis au sein des familles. Il contribue à l'identité d'Assilah et à son attractivité touristique, tout en posant les bases d'une culture vivante en constante évolution.
Radioscopie : Une ville aux multiples atouts naturels

Dans les écrits du romancier espagnol Juan Goytisolo, la richesse culturelle et la lumière particulière du Nord marocain, dont Assilah fait partie intégrante, est souvent évoquée, soulignant l'harmonie entre tradition et modernité qui s'y dégage.

Si Assilah est souvent associée à son célèbre festival culturel, cette perle de l'Atlantique ne vit pas uniquement d'art et de culture. Loin des projecteurs, "la ville s'appuie sur une dynamique locale diversifiée à travers laquelle l'art et les traditions populaires, telles que les contes, la musique andalouse, les cérémonies religieuses et les savoir-faire artisanaux transmis de génération en génération, occupent une place essentielle dans le quotidien des habitants. Ces expressions culturelles irriguent la vie locale, marquant les saisons et les célébrations", écrivait Juan Goytisolo, en 2011, dans la revue maroco-espagnole Kantara.

En effet, les activités artistiques permanentes, comme les fresques murales, galeries d'art, ateliers de création, contribuent également à l'identité de la ville, bien au-delà du cadre de son festival estival, car elles nourrissent une scène culturelle vivante qui attire des visiteurs curieux tout au long de l'année et favorisent les échanges entre artistes locaux et internationaux.

Le tourisme balnéaire complète cette mosaïque économique, car les plages de la ville attirent chaque année des visiteurs en quête de tranquillité et de paysages pittoresques. L'artisanat, quant à lui, soutient un commerce florissant, avec des ateliers de tapis, de céramique, et de produits en osier qui perpétuent un savoir-faire ancestral.

Pour leur part, les remparts portugais qui ceinturent la vieille ville tranchent avec la blancheur des maisons. Assilah ne conserve aucun des vestiges de la Kasbah construite par Al-Qasim Ibn Idris et Mousa Ibn Abi Al-Afiya aux IXème et Xème siècles. En outre, elle se caractérise par un gigantesque travail de fortification initié sous la direction de Diogo Boitaca, principal architecte militaire de la couronne portugaise au XVIème siècle. Un imposant rempart en forme de parallélogramme enserre la médina et s'étend sur 7 hectares. Il est percé de cinq portes datant de différentes époques, dont deux sont d'origine portugaise, à savoir Bab al-Homer (Porta da Vila) et Bab al-Bahr (Porta da Ribeira).

Ainsi, Assilah, loin d'être uniquement une cité des arts, est un carrefour de traditions et de pratiques économiques diverses qui assurent sa vitalité au quotidien.

Flashback : Les souks, une institution pluri-centenaire
Au fil des siècles, Assilah a su préserver une relation profonde et intime avec son Histoire, notamment à travers ses souks, piliers de son identité culturelle et sociale.

Au Moyen Âge, Assilah était déjà un carrefour commercial important sur la côte Atlantique, fréquenté par des marchands amazighs, arabes et andalous. Sous la domination des différentes dynasties marocaines, dont les Mérinides, la ville s'est développée autour de ses souks, qui jouaient un rôle central dans la vie économique et sociale. Les échanges commerciaux ne se limitaient pas aux produits locaux, mais intégraient aussi des marchandises méditerranéennes et africaines, témoignant du dynamisme de la cité.

Sous le règne des Sultans Alaouites, notamment du XVIIème au XIXème siècle, la Cité a connu un renforcement de ses infrastructures urbaines. Les souks permanents se sont structurés davantage, abritant artisans et commerçants spécialisés dans des savoir-faire traditionnels (céramique, tannerie, boiserie, etc.) qui se transmettaient de génération en génération. Ces métiers formaient le cœur vivant de la médina, où chaque ruelle et échoppe racontaient une histoire.

Avec l'instauration du Protectorat espagnol au début du XXème siècle, la ville a connu de profonds bouleversements. Les souks ont dû s'adapter à une nouvelle administration et à des influences culturelles étrangères. Bien que les marchés traditionnels aient conservé leur activité, on a observé une certaine modernisation des échanges et un élargissement des produits proposés, intégrant parfois des biens importés d'Europe.

Depuis l'Indépendance du Royaume et particulièrement ces dernières décennies, Assilah est entrée dans une dynamique nouvelle. Tout en préservant ses souks traditionnels et son artisanat, la ville s'est ouverte à la culture contemporaine. Chaque été, son festival culturel international transforme la médina en un véritable lieu d'expression artistique, où se mêlent patrimoine et création moderne. Ce renouveau contribue à faire d'Assilah un carrefour où se rencontrent traditions anciennes et influences globales.
Archives : Assilah dans les écrits d'Outre-mer
Henri Cartier-Bresson, célèbre artiste français, exprimait souvent son admiration pour Assilah, qu'il décrivait comme « un endroit où la lumière révèle chaque détail, où chaque instant peut devenir une image forte sans artifice ». Cette phrase illustre bien son concept du « moment décisif », qu'il retrouvait dans les ruelles et les pentes étroites de cette cité du Nord du Maroc.

Pour Cartier-Bresson, la beauté d'Assilah ne tenait pas à des paysages grandioses, mais à la simplicité du quotidien. Ses lettres et correspondances témoignent, jusqu'à nos jours, de son plaisir à photographier les ruelles blanches de cette ville, ses pêcheurs au travail, et ses habitants dans leur routine. Il disait volontiers : « Ce qui m'intéresse, c'est le naturel, la vie qui ne cherche pas à se montrer, qui existe en silence. Assilah est un miroir de cette vérité ». Cette déclaration reflète, encore une fois, son attachement à capturer l'authenticité de la Cité du Nord, loin de toute mise en scène.

En quittant Assilah, il conservait une image nette de ce lieu pétri de beaux souvenirs. Pour lui, le temps semblait s'y suspendre, offrant un cadre idéal à la photographie. «Assilah m'a appris que la beauté n'est pas toujours spectaculaire, elle peut être discrète, cachée dans un coin de rue et accessible seulement à ceux qui savent regarder». Des mots qui résument avec justesse l'essence de son œuvre et son regard sur cette ville marocaine.

Tout comme Henri Cartier-Bresson, l'écrivain américain Paul Bowles, qui a longtemps vécu au Maroc, s'est laissé inspirer par les atmosphères silencieuses et mystérieuses des villes côtières telles qu'Assilah. Lui aussi a su capter, à travers ses écrits, cette ambiance particulière où le temps semble ralenti, et où chaque détail, même le plus discret, participe à une poésie subtile et profonde.


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