Dans une déclaration conjointe entre le ministre marocain des Affaires Etrangères, Nasser Bourita, et son homologue portugais, Paulo Rangel, la République du Portugal affirme soutenir l'initiative marocaine d'autonomie comme solution crédible au conflit du Sahara. Une initiative qui ouvre de nouvelles perspectives économiques, diplomatiques et géopolitiques. À l'invitation de Paulo Rangel, ministre d'Etat et des Affaires Etrangères de la République portugaise, Nasser Bourita, ministre des Affaires Etrangères, de la Coopération africaine et des Marocains Résidant à l'Etranger, s'est rendu ce mardi au Portugal. Cette visite a permis non seulement de renforcer les liens historiques et stratégiques unissant les deux pays, mais aussi de réaffirmer avec clarté la position du Maroc sur la question du Sahara. Laquelle position bénéficie d'un soutien croissant sur la scène internationale.
Dans une déclaration conjointe, la République du Portugal a exprimé son appui à l'initiative marocaine d'autonomie, considérée comme une solution crédible au conflit du Sahara. «Le Portugal reconnaît l'importance de cette question pour le Maroc, ainsi que les efforts sérieux et crédibles déployés par le Royaume dans le cadre des Nations Unies pour parvenir à une solution politique, juste, durable et mutuellement acceptable pour les parties», souligne la déclaration.
Les deux ministres ont également réaffirmé leur soutien à la Résolution 2756 du Conseil de Sécurité de l'ONU, qui souligne le rôle et la responsabilité des parties dans la recherche d'une solution politique réaliste, pragmatique, durable et fondée sur le compromis, précise le document.
Cette prise de position, qui intervient peu après le soutien exprimé par la Macédoine du Nord au plan d'autonomie marocain, marque un tournant diplomatique notable à Lisbonne. Le pays est désormais dirigé par le Premier ministre Luís Montenegro, leader du Parti social-démocrate (PPD/PSD), formation politique classée au centre-droit. Sur le plan européen, le PPD/PSD est membre du Groupe du Parti populaire européen (PPE), la principale force politique au Parlement européen, avec 26% des sièges. Ce contexte témoigne du poids croissant de la cause marocaine au sein du Vieux Continent, à l'approche d'une nouvelle Résolution des Nations Unies, annoncée comme décisive. «Ce soutien portugais prend un relief particulier dans le contexte des enjeux géopolitiques actuels de l'Union Européenne. Dans un espace politique où toute décision de politique étrangère doit être unanime, chaque soutien est stratégique», commente Yassine El Yattioui, SG et chercheur associé à NejMaroc (Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation). Il note que le Portugal peut agir comme un facilitateur en faveur d'un consensus européen, grâce à son image d'acteur équilibré et pragmatique. La reconnaissance du plan marocain d'autonomie par le Portugal pourrait, selon l'expert, ouvrir la voie à des soutiens similaires dans l'espace lusophone, en particulier de la part du Brésil, de l'Angola et du Mozambique. (Voir 3 questions à...)
Politique oui, mais business first !
Lors de leur rencontre, les deux responsables ont salué l'excellence et la continuité des relations bilatérales qui se sont renforcées ces dernières années. L'année 2024 avait déjà été marquée par les célébrations conjointes du 250ème anniversaire du Traité de Paix de 1774 et du 30ème anniversaire du Traité d'Amitié, de Bon Voisinage et de Coopération signé en 1994 à Rabat. Des jalons historiques qui illustrent la profondeur des liens entre le Royaume du Maroc et la République portugaise. Au cœur des discussions : la mise en œuvre concrète du partenariat stratégique convenu lors de la 14ème Réunion de Haut Niveau (RHN), tenue à Lisbonne en mai 2023. Les deux ministres ont insisté sur l'importance d'organiser dans les meilleurs délais une nouvelle session de cette RHN afin de dynamiser les engagements pris et d'ouvrir de nouveaux chantiers de coopération.
Le volume d'échanges bilatéraux est estimé à 1,4 milliard d'euros pour l'ensemble de l'année 2024, soit une hausse de 5% par rapport à 2023. Les exportations portugaises vers le Maroc ont porté sur des produits chimiques, des machines industrielles et des équipements de transport, alors que les importations depuis le Maroc ont été dominées par les phosphates, les produits agricoles et le textile. Les IDE portugais ont également progressé, soutenus par des opérations dans les secteurs de l'énergie renouvelable et des technologies de l'information.
Les deux responsables ont aussi valorisé les synergies possibles dans des domaines stratégiques, en particulier les énergies renouvelables. L'hydrogène vert, la connectivité électrique et les liaisons maritimes figurent parmi les priorités bilatérales pour les années à venir. Une ambition qui traduit une volonté commune d'agir concrètement pour une transition énergétique inclusive, durable et mutuellement bénéfique. Paulo Rangel a exprimé le soutien du Portugal aux diverses initiatives atlantiques lancées par le Souverain, telles que le «Processus des Etats Africains Atlantiques», l'initiative d'ouverture de l'accès des pays du Sahel à l'Atlantique, et le projet stratégique du gazoduc Nigeria-Maroc. Dans ce sillage, Yattioui estime qu'une perspective de corridor logistique atlantique, qui relierait Tanger Med à Lisbonne, pourrait devenir un axe majeur de commerce transcontinental. «Par cette dynamique, les deux Etats ancrent leur alliance dans une stratégie de codéveloppement atlantique, bénéfique à l'ensemble de la région ouest-africaine», ajoute notre universitaire. Cette diplomatie par les projets, fondée sur des intérêts mutuels, contribue à renforcer la paix, à stabiliser les régions frontalières et à répondre aux défis communs comme le changement climatique et les migrations irrégulières. «Le partenariat maroco-portugais apparaît ainsi comme le pilier essentiel d'une architecture géopolitique atlantique inclusive, solidaire et tournée vers l'avenir», poursuit notre interlocuteur.
Maroc-UE sur une base win-win
Par ailleurs, le ministre portugais a réaffirmé l'importance du partenariat Maroc–Union Européenne, notamment dans les secteurs agricole et halieutique, soulignant la nécessité d'enraciner cette coopération sur des bases solides, équitables et respectueuses des intérêts des deux parties. Les deux ministres ont ainsi convenu de renforcer le dialogue autour d'un partenariat stratégique Maroc–UE modernisé. Bourita et Rangel ont exprimé leur volonté partagée de maintenir un dialogue constant au sein des forums internationaux et multilatéraux. Convaincus que leurs convergences diplomatiques peuvent contribuer à la stabilité, à la prospérité et à la paix dans leurs régions respectives, ils se sont engagés à approfondir les consultations régulières sur les grandes questions d'intérêt commun. Cette visite, marquée par une convergence stratégique sur de nombreux dossiers, témoigne néanmoins d'une certaine vitalité du partenariat maroco-portugais et ouvre de nouvelles perspectives pour une coopération encore plus dense, diversifiée et tournée vers l'avenir.
Mohammed ELKORRI
3 questions à Yassine El Yattioui : « La reconnaissance portugaise pourrait ouvrir la voie à des soutiens similaires dans l'espace lusophone » * Comment évaluer le soutien portugais à l'initiative marocaine d'autonomie pour le Sahara dans le contexte des équilibres au sein de l'Union Européenne ?
Le Maroc et le Portugal partagent une proximité géographique, culturelle et stratégique depuis des siècles, marquée par un passé d'échanges, de rivalités médiévales, puis de partenariats multiformes. Depuis les années 1990, les relations bilatérales se sont renforcées par des accords économiques, culturels et de coopération sécuritaire. Sur la question du Sahara marocain, la reconnaissance portugaise s'inscrit dans une dynamique européenne plus large. Le Portugal, par alignement stratégique avec ses partenaires ibériques et européens, suit donc une tendance de normalisation avec la position marocaine. Pour le Maroc, cette convergence est un levier précieux. Elle permet de consolider une base européenne autour de la reconnaissance de la souveraineté du Royaume sur ses Provinces du Sud.
* Quel est l'impact réel du partenariat stratégique entre le Maroc et le Portugal sur la stabilité géopolitique de la façade atlantique, notamment en Afrique de l'Ouest ?
Le partenariat stratégique entre le Maroc et le Portugal est un catalyseur de stabilité et de développement pour la façade atlantique, avec des implications directes sur l'Afrique de l'Ouest. Le Maroc, grâce à son ancrage africain, agit comme un pont entre l'Europe et l'Afrique subsaharienne. Il s'impose comme un leader régional à travers son retour actif au sein de l'Union Africaine, son réseau diplomatique étendu sur le continent, et ses investissements massifs dans les infrastructures, les télécoms et l'énergie en Afrique de l'Ouest. Le Portugal, quant à lui, possède une expertise précieuse en matière de gouvernance maritime, de diplomatie culturelle et de coopération avec les anciennes colonies africaines. Les intérêts stratégiques des deux pays convergent notamment sur les enjeux de sécurité maritime et de lutte contre les réseaux criminels transnationaux opérant dans le Golfe de Guinée. Ils participent ensemble à des exercices de coordination navale et soutiennent les initiatives européennes et africaines en matière de sécurisation des routes maritimes.
* Quelles sont les voies que pourraient ouvrir la reconnaissance par le Portugal de l'initiative marocaine d'autonomie au Sahara ?
La reconnaissance du plan marocain d'autonomie par le Portugal pourrait ouvrir la voie à des soutiens similaires dans l'espace lusophone, en particulier de la part du Brésil, de l'Angola et du Mozambique. Cette possibilité repose sur des liens historiques, linguistiques et politiques tissés au sein de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), organisation à laquelle le Maroc est observateur depuis 2008. Le Royaume a progressivement renforcé ses relations diplomatiques avec ces pays à travers des accords dans les domaines de l'agriculture, de l'énergie, de l'éducation et de la défense. Le Maroc a notamment signé des mémorandums de coopération avec le Mozambique dans les secteurs de la pêche, de l'agriculture et de la formation technique, tandis que ses relations économiques avec l'Angola s'intensifient depuis l'ouverture de nouvelles représentations commerciales. Dans le contexte de la recomposition de l'Ordre international, le Brésil pourrait juger opportune une reconnaissance du plan marocain comme un moyen de s'inscrire dans une dynamique de partenariat Sud-Sud. Cette légitimité internationale pourrait convaincre d'autres capitales lusophones d'adopter une position similaire. Mondial 2030 : Plus qu'un événement sportif Un point d'honneur a été mis sur l'organisation commune de la Coupe du Monde de football 2030, fruit d'une alliance entre le Maroc, le Portugal et l'Espagne. Un projet qui dépasse le cadre sportif et qui, selon les deux ministres, portera des retombées significatives en termes de développement économique, de rapprochement culturel et de rayonnement diplomatique. La Coupe du Monde sert en effet de cadre à une coopération structurée qui dépasse le simple événement sportif. «Elle est l'occasion de moderniser les infrastructures, de promouvoir le tourisme durable et de lancer des projets logistiques régionaux», explique Yassine El Yattioui, SG et chercheur associé à NejMaroc (Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation).
Le partenariat stratégique trilatéral entre le Maroc, l'Espagne et le Portugal a des implications géopolitiques profondes : il incarne une coopération euro-africaine inédite, consolide les liens institutionnels entre les Etats et légitime davantage le rôle régional du Maroc. Le soutien portugais va au-delà de la simple posture politique : il s'inscrit dans une stratégie régionale et continentale qui légitime le Maroc comme acteur central de la stabilité et du développement euro-africain, note l'expert. Le Royaume veut également profiter de cet événement mondial pour consolider les liens culturels entre les deux pays. Bourita a salué d'ailleurs l'initiative du Portugal d'avoir accueilli la 10ème édition du Forum mondial de l'Alliance des civilisations des Nations Unies, poursuivant ainsi l'élan amorcé par la 9ème édition organisée à Fès en 2022. Ces forums constituent, selon le chef de la diplomatie marocaine, des espaces privilégiés de promotion des valeurs de tolérance, de diversité et de paix universelle.
