En dépit de plus de quatre décennies d'expérience, les services bancaires et de la finance islamiques ont leurs détracteurs, aussi bien musulmans que non musulmans. Il existe encore des débats concernant les questions fondamentales, notamment et – non des moindres – le point de savoir si les intérêts perçus par les banques modernes constituent effectivement riba. En outre, d'aucuns soutiennent que l'interdiction de riba était pertinente pour les sociétés traditionnelles où les prêteurs sur gage prélevaient souvent des intérêts exorbitants, mais ne s'applique pas aux réalités modernes, avance la BAD. Pour nombre de personnes, les taux d'intérêt ne constituent pas une forme d'exploitation lorsqu'ils sont modérés et maintenus à de faibles niveaux par la concurrence. Par ailleurs, les coûts de financement imposés par les banques islamiques sont souvent plus élevés que ceux des banques classiques, ce qui favorise le sentiment que la finance islamique est onéreuse. Il existe, naturellement, le coût du respect de la Charia, auquel s'ajoutent les honoraires d'avocat liés à la structuration des produits qui augmentent les frais généraux. En outre, étant donné que le marché de la finance islamique est un segment différent du marché financier global, il existe moins de concurrence, le marché étant dominé souvent par une ou deux banques, tandis que dans le financement classique, il existe de nombreuses institutions qui sont en concurrence. Les coûts liés à la réglementation sont souvent plus élevés pour les banques islamiques, car si elles sont tenues d'émettre des bons du Trésor classiques au titre des exigences de liquidité de la banque centrale, elles doivent soit renoncer aux intérêts soit les accepter, mais les « purifier » en les reversant sous forme de don à des œuvres caritatives. Critiques sur le respect de la Chariâ Il existe également une critique concernant les processus de respect de la Charia et une remise en question de l'indépendance et de l'intégrité des érudits qui siègent au sein des conseils de la Charia. Étant donné que ces experts de la Charia sont rémunérés par les banques pour lesquelles ils travaillent, il existe des risques de conflit d'intérêts, car d'aucuns estiment qu'il est peu probable qu'ils rejettent les produits financiers proposés dans ces conditions. Étant donné que certains experts de la Charia siègent au conseil d'administration de nombreuses banques, ils sont soupçonnés de ne pas consacrer suffisamment de temps à l'étude des questions et l'on craint que la confidentialité puisse être brisée lorsque ces experts siègent au conseil d'administration d'institutions concurrentes. En Malaisie, ces questions ont été résolues, les érudits de la Charia n'étant autorisés à siéger qu'au sein d'un seul conseil. En outre, un système d'accréditation est mis en place en vertu duquel ils doivent obtenir l'approbation de la banque centrale avant d'être nommés au sein du conseil de la Charia. Il n'existe aucun système comparable à celui-ci dans le monde arabe et en Afrique du Nord. Le Conseil des services financiers islamiques (IFSB), qui prodigue des conseils sur la réglementation des banques islamiques, a élaboré des directives sur le respect de la Charia, mais celles-ci ne sont pas obligatoires. Les premiers défenseurs de la finance islamique, notamment Mohammad Nejatullah Siddiqi, se déclarent souvent déçus par le fait que les banques islamiques apportent très peu de financement de type moudaraba, mettant l'accent plutôt sur le financement du commerce à court terme (mourabaha) qui n'est qu'une simple reproduction des activités des banques classiques. En outre, le schéma de la propriété des banques islamiques et classiques est souvent identique, l'objectif de la direction étant d'optimiser la valeur de l'action plutôt que de se concentrer sur d'autres parties prenantes, en particulier les déposants qui sont parties à un moudaraba d'investissement.Tel qu'indiqué plus haut, les premières institutions financières islamiques modernes étaient des coopératives d'épargne et de crédit à but non lucratif plutôt que des sociétés cotées en bourse. Cependant, les banques commerciales qui desservent les entreprises et les clients de détail peuvent cohabiter avec les coopératives et d'autres institutions qui desservent les pauvres. Il existe des solutions de rechange similaires pour la structuration des institutions financières islamiques. Les critiques récurrentes concernent, notamment le manque de normalisation des produits en matière de financement islamique et un désaccord concernant le respect de la Charia, qui sèment la confusion dans l'esprit de nombreux clients potentiels. L'orientation n'est pas assurée par une seule autorité, en partie parce que l'Islam lui-même est une religion décentralisée qui compte plusieurs écoles de jurisprudence. Cependant, ces différences favorisent le débat et le développement, tandis que la normalisation et l'imposition de règles universelles inappropriées pourraient constituer un frein au progrès. Des institutions internationales ont été créées afin d'assurer une certaine cohérence, en particulier l'Organisation de comptabilité et d'audit des institutions financières islamiques (AAOIFI), un organisme d'élaboration de normes pour l'établissement des rapports financiers vers lequel la plupart des banques islamiques se tournent pour obtenir des orientations. Tel qu'indiqué plus haut, l'IFSB assure l'orientation en ce qui concerne la réglementation des banques islamiques qui est suivie dans la plupart des juridictions, tant dans le monde islamique que dans les pays à minorité musulmane. Concernant la Charia, les avis de l'Académie internationale du Fiqh sont très suivis, car celle-ci est affiliée à l'Organisation de la conférence islamique (OCI) qui regroupe cinquante-six pays musulmans et assure l'orientation de la Banque islamique de développement en matière de Charia.