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Marocains du monde : Une poigne de fer dans un gant de velours
Soumia Idrissi, profession bouchère: «Changer de métier est une quête de soi»
Publié dans L'opinion le 03 - 04 - 2013

On aura tout vu: des femmes camelots, chauffeurs, opératrices de chariots lourds, éboueuses, peintres de bâtiments, plombières... Au Canada, il n'y a plus de métiers d'hommes. La révolution féministe, couplée à la culture nord américaine, a aboli les préjugés sociaux qui collaient un genre aux métiers. Dernièrement, un autre métier dominé par la gent masculine trouve de la concurrence : la boucherie. Et la concurrente est une Marocaine qui a troqué sa longue expérience bancaire contre un tablier et des couteaux pour offrir viandes, charcuteries, repas cuisinés et produits d'épicerie marocaine. Parcours atypique d'une femme qui est allée au bout de son rêve...
Une femme à la tête de “La Médina"
La Médina, une boucherie ayant pignon sur rue à Laval, à une douzaine de kilomètres du centre-ville de Montréal, nargue d'autres petits commerces en proposant des curiosités exotiques encore mal connues du consommateur québécois mais surtout en étant gérée savamment par une femme qui, de surcroit, est fraichement débarquée dans le métier. La curiosité de voir la femme à l'œuvre nous a poussé à faire une visite des lieux.
Il est 10h30mns, la boucherie vient d'ouvrir sa porte. Soumia, la femme bouchère, est déjà affublée de son tablier de travail et papillonne, discrète mais efficace, entre les rayons bien garnis de toutes sortes de viandes et la machine à découper la viande. Expliquant son parcours professionnel et son nouveau métier, elle confectionne des saucisses d'une dextérité telle qu'on la croirait en train d'égrener un chapelet. Pourtant, Mme Soumia n'a pas été bouchère toute sa vie...
Un parcours professionnel
exemplaire
Ancienne lauréate de l'ISCAE (Institut Supérieur de Commerce et d'administration des Entreprises), majorante de sa promotion svp, Mme Soumia Idrissi a intégré une banque où elle a gravit les échelons pour devenir chef d'agence bancaire jusqu'aux débuts des années 90. Elle décide alors, avec son mari, Hamid, et ses enfants, d'aller voir si l'herbe est encore plus verte ailleurs. Au fait, elle opte pour l'immigration au Canada où elle décroche rapidement un travail à Bell Canada, une compagnie de télécommunications, où elle fait vite ses preuves pour devenir formatrice. Dix ans plus tard, la célèbre compagnie, traversant une crise financière pénible, licencie un nombre de ses employés, dont Mme Soumia.
Munie de sa solide expérience professionnelle, Mme Soumia ne tarde pas à retrouver du travail dans une banque. Mais la perspective de repartir du bas des échelons dans l'entreprise la décide à démarrer sa propre entreprise et à réaliser ainsi un vieux rêve : devenir traiteur gastronomique, activité qu'elle a couplée avec le métier de la boucherie. Un métier moins physique depuis l'introduction de machines qui découpent toute sorte de viande possible.
Notre apprentie bouchère commence par s'initier aux rudiments du métier auprès d'un boucher puis s'est lancée toute seule dans l'aventure, assistée en cela par son mari, journaliste à Radio Canada, pendant ses heures libres.
Au bout de 6 mois d'exercice, La Médina gagne en popularité pas seulement auprès de la communauté arabe mais aussi auprès de Québécois pour qui couscous, tajines, pastillas, savamment dosés et respectant le goût de chacun, sont une véritable découverte. Les services de Mme Soumia sont effectivement de plus en plus sollicités lors de banquets, baptêmes, funérailles et repas de groupes. Et Son expérience au sein de l'entreprise Bell l'a beaucoup aidée dans ce sens : «J'ai beaucoup appris sur les goûts multi-ethniques, explique-elle. Cela m'a aidée à élaborer une technique pour faire accepter nos mets et y habituer les différents palais. Dans la pastilla, par exemple, je mets un soupçon de cannelle et moins de sucre pour ne pas heurter des goûts peu ou pas habitués à ce genre d'épice ou à leur mariage. Par ailleurs je mélange avec subtilité le sucré et le salé et j'ai la main légère avec certaines épices afin de respecter les préférences gustatives de chacun. Il est pathétique de voir des traiteurs marocains cuisiner comme pour eux-mêmes et oublier qu'ils cuisinent pour les autres».
El les traiteurs marocains ne sont pas les seuls professionnels gastronomiques qui doivent redorer leur image comme ajoute notre bouchère : « Les bouchers ont intérêt à changer leur façon de voir et d'offrir leurs produits. Ils doivent veiller à la propreté de leur commerce et de leur viande, à offrir un lieu chaleureux et à être plus courtois envers leur clientèle. Nous devons représenter notre culture et symboliser dignement notre pays. C'est toute l'image du Maroc qui est en jeu. Nous sommes les ambassadeurs de la cuisine marocaine et sa réputation dépend de la manière dont nous l'offrons au monde. Le consulat marocain est aussi, sinon plus, concerné par cette promotion et doit faire connaitre plus notre richesse culinaire et notre gastronomie.
Une réussite avec peu de moyens
Notre bouchère sait s'y prendre en satisfaisant tous les goûts : «Il faut s'accommoder aux goûts des autres et répondre à leurs attentes, des attentes qui sont d'autant plus exigeantes vis-à-vis d'immigrants arrivés avec une culture et des coutumes différents». Des efforts, Le couple en a fourni et en fourni encore beaucoup pour une reconnaissance difficile: « Nous nous sommes heurtés à un obstacle de taille pour démarrer notre entreprise : l'absence de subvention qui relève du domaine de la chasse gardée. Quand nous nous sommes informés sur le moyen de bénéficier d'une subvention de l'Etat nous avons appris qu'il faut être au chômage ou sur l'aide sociale pour pouvoir en bénéficier. C'est aberrant car c'est une incitation à l'oisiveté alors que moi je voulais reconquérir le marché de l'emploi et non bénéficier des prestations sociales. Rien que pour accéder à l'information sur le site web concerné il faut payer une cotisation annuelle de 500$. On fait miroiter le paradis financier aux immigrants. Nous avons compté sur nos propres moyens pour pouvoir démarrer l'entreprise et non sur l'aide du gouvernement. Le soutien financier est très rare».
En racontant le laborieux acheminement de sa carrière professionnelle qui a connu un bon dénouement malgré l'absence de subvention, notre bouchère s'attèle aux nombreuses tâches qu'exige son métier sans répit, le sourire aux lèvres et le regard alerte. Elle aime son métier et ses clients: «Mon entreprise est plus qu'un commerce, renchérit-elle. C'est un lieu interactif où j'offre conseils et soutien. Au-delà du bénéfice je privilégie les relations humaines et m'implique émotionnellement auprès du client. La satisfaction du client est mon meilleur gain et j'ai développé au fil des mois des liens fraternels avec les clients que je commence à connaitre au gré des évènements qui sollicitent mon savoir culinaire».
Mme Soumia n'a pas pour autant réalisé tous ses rêves : «J'aimerai créer un partenariat avec un traiteur marocain et entreprendre des études en hôtellerie afin de perfectionner mon savoir culinaire et élargir mes horizons gastronomiques».
Son mari, de son côté, nous a fait faire le tour du propriétaire et nous a éclairci un point litigieux concernant la cherté du produit halal: «Ce n'est pas vrai que la viande halal coûte plus cher. Le jarret de veau frais, par exemple, coûte environ 10$ le kilo toutes taxes comprises. Le prix du même morceau, non halal, est compris entre 20 et 30$ et est offert sous vide (congelé). Les gens viennent chez nous pour la qualité, le goût et la fraicheur». Comment garantissent-ils la fraicheur de leur viande ? : «En achetant de petites quantités pour vendre le maximum, explique-il, au risque de ne pas faire de grands bénéfices, mais assurer ainsi le roulement de la marchandise». Les viandes procurées chez le couple étaient effectivement de grande fraicheur. Les saucisses ont régalé même les petits, récalcitrants pourtant à ce genre de charcuterie, le jarret tendre, le poulet ferme et non gras et le tehan farci (rate ) un vrai régal pour le palais.
Changer de métier :
Un véritable défi
Chef d'agence, formatrice au sein de Bell, puis bouchère : ascension professionnelle ou alternative de secours ? « Changer de métier n'est rien, disait l'un des héros d'Albert Camus Mais renoncer à ce qu'on sait, à sa propre maîtrise n'est pas facile.» (L'exil et le royaume, Paris, Gallimard, 1957, p.64). Il n'y a pas de sot métier comme on dit ; il y a : « la croyance en ce qu'on fait, avance Mme Soumia. Qu'importe le métier qu'on exerce ou celui qu'on abandonne pour un autre, surtout dans un pays où exercer un travail manuel n'est pas dégradant, voire valorisant. L'essentiel est d'y croire et de l'aimer. Si on est épanoui on passe facilement d'un métier à l'autre. Le problème c'est le manque de reconnaissance. Avec plus d'aide on ira loin. Les immigrants font le Québec de demain. Mais qu'on nous permette d'y participer. Nous vivons malheureusement dans une société élitiste mais nous ne baisseront pas les bras. Nous donnons le meilleur de nous même alors nous exigeons de bénéficier des privilèges sociaux et économiques au même titre que les Québécois de souche».


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