Le chef du gouvernement intérimaire de Thaïlande a exclu lundi de démissionner en dépit de la pression des contestataires qui ne se satisfont pas de l'éviction de Yingluck Shinawatra. L'ex-Première ministre et neuf de ses ministres, jugés coupables d'abus de pouvoir, ont été renvoyés de leurs fonctions le 7 mai. Niwatthamrong Boonsongphaisan, jusque là ministre du Commerce, a été nommé à la tête d'un gouvernement provisoire mais le mouvement de contestation en cours depuis novembre estime que la nouvelle équipe en place n'a aucune légitimité et exige son départ. Et la capitale, Bangkok, est désormais le théâtre d'un face à face tendu entre les contestataires, les «chemises jaunes» qui recrutent principalement parmi les classes moyennes et les élites royalistes, et les «chemises rouges», les partisans de Yingluck et de son frère, Thaksin Shinawatra, ex-Premier ministre renversé par un coup d'Etat militaire en 2006 et condamné pour corruption, aujourd'hui en exil. «Le gouvernement actuel est en tout point légal. Il doit rester en place jusqu'à ce qu'un nouveau cabinet soit élu. Nous ne pouvons pas installer un autre Premier ministre alors que nous en avons déjà un chargé des affaires courantes», a dit Niwatthamrong Boonsongphaisan à l'issue d'une réunion d'urgence avec des sénateurs. Après la dissolution de la chambre basse du Parlement, en décembre, le Sénat reste la seule enceinte législative encore opérationnelle en Thaïlande. Il a laissé entendre qu'il pourrait nommer un nouveau Premier ministre par intérim mais voulait d'abord consulter le gouvernement en place. L'initiative sénatoriale était également rejetée par Suthep Thaugsuban, le chef de file de la contestation. «Nous allons prendre le pouvoir démocratique et le rendre au peuple», a-t-il promis tard dimanche soir à ses partisans. «Dès lundi, nous chasserons les vestiges du régime Thaksin. Ministres, démissionnez ! Vous bloquez les progrès de la Thaïlande», a-t-il lancé. MISE EN GARDE DE L'ARMÉE La journée de lundi est d'autant plus sensible qu'elle marque le quatrième anniversaire de la sanglante répression des «chemises rouges» ordonnée par un gouvernement dont Suthep faisait partie. Les partisans de Thaksin réclamaient alors des élections anticipées. La répression avait fait plus de 90 morts, principalement dans leurs rangs. «Nous protégerons le pouvoir du peuple jusqu'à notre dernier souffle», a annoncé lundi le chef de file des pro-Thaksin, Jatuporn Prompan. Dans ce contexte d'incertitude politique, l'économie thaïlandaise s'est contractée de 2,1% sur le premier trimestre par rapport au dernier trimestre 2013, selon des chiffres diffusés lundi par l'agence de planification économique qui a également réduit ses prévisions de croissance sur l'ensemble de l'année. Elle table désormais sur une croissance comprise entre 1,5 et 2,5% contre 3 à 4% jusque là. Le gouvernement et ses partisans veulent sortir de la crise par la tenue de nouvelles élections, autour du 20 juillet. Les chefs de file de la contestation jugent pour leur part qu'aucun scrutin ne réglera les problèmes si le système n'est pas profondément réformé au préalable. A défaut, argumentent-ils, le Puea Thai, le parti de ce qu'ils nomment le «système Thaksin», est assuré de se maintenir au pouvoir. Pour l'heure, l'armée, qui a souvent joué les arbitres depuis l'instauration de la monarchie constitutionnelle, en 1932, tente de préserver sa neutralité. Mais le chef d'état-major a prévenu la semaine dernière que l'armée n'aurait d'autre choix que de recourir à la force si le face à face entre partisans et adversaires du gouvernement dégénèrent. «L'armée pourrait devoir envoyer les soldats pour calmer les choses si un groupe s'en prend au peuple», a dit Prayuth Chan-ocha jeudi dernier à la presse.