A ce niveau là, on ne peut plus parler de spectateurs. Pour ce 117ème derby entre les deux géants casablancais, toutes les normes d'affluence ont explosé. Tenez, parlons chiffres, le complexe sportif Mohammed V pouvait accueillir officiellement 62 000 spectateurs, cela va jusqu'à 66 000 quand on serre les gens dans les tribunes. Et là, on parle de places assises et les standards internationaux accordent 55 centimètres par siège. Depuis, qu'on a garni les gradins par les strapontins, la capacité initiale de 66.000 bien é évidemment diminué Elle est aux environs (on reste dans le vague parce que rien n'est précis dans ce domaine) de 50.000 personnes. Et dans ce chiffre, bien sûr, on enlève toutes les voies et passages de secours qui doivent rester dégagés. C'est pour cela qu'en Allemagne, Italie, France ou Espagne, on voit dans les tribunes, ses larges rangés d'escaliers qui sont laissées vides pour les spectateurs. Pour ce WAC-Raja de dimanche dernier, on s'est assis, on s'est bousculé même sur ces voies d'accès. Dans les tribunes on était serré comme des sardines, ou plus encore, car les sardines ont leur nombre conditionné par la boite ou on les place. Lâ, le stade est ouvert à tous vents, on arrive, on s'assoit comme on peut et quand c'est trop serré on se met debout. A partir de là, on n'est plus dans les standards internationaux (55 cm, voies de secours dégagées) on est dans le trop plein, dans l'affluence énorme qui a mis le terrain en état de siège. Les autorités, à coups d'efforts considérables, gèrent comme ils peuvent, mais là, ça dépasse tout ce qu'on a appris en matière de sécurité, on est au delà de l'entendement. Comme on se targue d'être pro et que l'on joue sous les règlements de la FIFA, disons le plus gentiment du monde que le match WAC-Raja n'obéissait à aucune règle admise par la FIFA. Le match n'aurait jamais du être joué, car toutes les règles de sécurité devaient exploser. C'est un miracle que tout se soit bien passé. Salama, ya rabi. Qui sont les spectateurs des tribunes du derby ? Ils sont de plusieurs sortes. Quelques milliers viennent en auto, après un bon déjeuner, chaudement habillés et à l'aise dans leurs godasses. Il y a une autre catégorie, qui viennent à pied qui prennent leur casse croute à Derb Ghallef ou ailleurs et qui la gorge excitée par les cuillères de sauce piquante à la tomate qui ont arrosé leur sandwich, vont suivre le match sur un petit tapis de prière qui leur tiendra chaud sous les fesses. Et enfin, il y a l'immense majorité, les milliers d'enfants venus de partout, entassés dans des bus, ou des camionnettes Honda, à trois ou quatre sur une moto, qui ont économisé jusqu'au dernier sou quand ils n'ont pas mendié les pièces manquantes. Ceux là, ils s'en foutent du déjeuner, ils n'ont rien à faire du confort, ils veulent juste entrer au stade y avoir une petite place où ils se dresseront en dansant et chantant. Prêts à tout, même à dénuder leur torse, supporter le ciment mouillé des tribunes, ils sont prêts aussi à faire le coup de poing, à jeter les fumigènes, et même à se retrouver au commissariat ou pire encore en taule. Mais pas question de rater le match ils perdraient la face devant leurs copains de quartier, car en ces temps où toutes les valeurs se désagrègent il ne reste pour certains jeunes que l'espoir d'exister en se proclamant Wydadi ou Rajaoui. Et advienne que pourra.