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L'urgence d'un sursaut national concernant 5 millions de citoyens (Fin)
Publié dans L'opinion le 23 - 06 - 2016

Précisons tout d'abord que le Forum des jeunes MRE, qui s'est tenu à Marrakech du 11 au 15 mai 2016, à l'Université Cadi Ayyad, n'est pas le premier du genre comme les organisateurs s'en sont largement prévalu au niveau médiatique, mais le second, le premier ayant eu lieu à I'Université Al Akhawayn à Ifrane les 27 et 28 juillet 2010, co-organisé par le ministère chargé des MRE du temps de Mohammed Ameur et le CCME.
XVIII - 20 questions et remarques inspirées des discours ministériels de Marrakech et de Rabat
Avec les discours de Marrakech, on n'est plus dans les "rumeurs fuitées", les "ballons d'essai" ou les informations dont la source n'est pas contrôlée, comme pour les décisions prises par le Conseil de gouvernement du 15 avril 2016 concernant la place des citoyens MRE dans le dispositif législatif prévu à propos des élections législatives du 6 octobre 2016 .
Cette fois, les discours ministériels prononcés en séance d'ouverture, avec l'intervention de Anis
Birou, ministre chargé des Marocains résidant à l'étranger et des affaires de la migration, ainsi que celle présentée au nom de la ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, M'barka Bouaïda, l'ont été au grand jour. Ils nous inspirent vingt questions et / ou remarques de fond.
1 - Si l'objectif du Forum de Marrakech est, s'agissant des jeunes MRE, "de les encourager à s'impliquer davantage dans l'effort de développement de leur pays d'origine", pourquoi n'envisager qu'une conception étroite du développement, en particulier la dimension économique et financière, alors que la participation des jeunes MRE aux dimensions politique et démocratique du développement est ignorée pour cette catégorie de citoyens ?
2 - Pour mémoire, il est important de rappeler aux responsables du département chargé des MRE, quelques unes des recommandations du Forum d'Ifrane de juillet 2010, qui sont allées diamétralement à l'opposé de celles qu'on voulait leur "inculquer" , à savoir l'inexistence ou la perte de tout lien politique des nouvelles générations nées ou grandies à l'étranger avec le Maroc. En effet, les conclusions de l'atelier "s'engager en politique : enjeux et perspectives", ont relevé le constat qu'"il y a à la fois la volonté d'engagement politique dans les pays de résidence", mais aussi de "renforcer l'engagement politique au Maroc" avec ce que cela implique, notamment la représentation à la Chambre des députés. Une autre recommandation consiste en la "représentation des MRE à la seconde Chambre, qui nécessiterait une réforme constitutionnelle ". Les dernières propositions consistent à "avoir des MRE dans toutes les instances travaillant (au Maroc) sur le sujet" et à organiser sur les précédentes thématiques une université d'automne.
3 - Entre temps, la révision constitutionnelle a bien eu lieu en juillet 2011, mais la représentation des MRE n'a pas été instituée au niveau de la Chambre des conseillers. De même, comme on l'a déjà vu, l'article 17 concernant notamment le droit à la représentation des MRE à la Chambre des députés, est soumis à une lecture antidémocratique. Enfin , lors du Forum de Marrakech, le gouvernement qui a cherché, dit-on, à "sonder les attentes des jeunes MRE, à être à l'écoute de leurs préoccupations et besoins ", n' a absolument pas tenu compte des attentes politiques et citoyennes exprimées à nouveau par les jeunes MRE en juillet 2010, mais a cherché en fait à véhiculer et à faire accepter l'idée de "l'impossibilité" de traduire dans la réalité politique et institutionnelle marocaine les droits politiques qui sont légitimement revendiqués de longue date par les citoyens MRE.
4 - A l'occasion de l'ouverture du Forum des jeunes MRE tenu à Marrakech et s'agissant notamment de la participation politique, le ministre Birou a exhorté les participants à se départir de la posture victimaire : "Il faut se positionner en tant qu'acteur au lieu de sombrer dans l'auto victimisation". Mais comment peuvent-ils être des acteurs au sens plein du terme, alors qu'on les prive de participer réellement à la gestion de la chose publique, qu'on leur refuse la citoyenneté intégrale et que leur marocanité pleine et entière n'est pas reconnue dans les faits !? Comment leur demander de ne pas "jouer à la victime", alors qu'ils s'estiment lésés dans leurs droits les plus essentiels, qu'on les ampute de leurs droits politiques, qu'ils sont objectivement victimes d'un déni de droit à leur détriment, un déni de justice et d'égalité devant la citoyenneté et la marocanité !? Dès lors, l'égalité de tous les citoyens marocains devant la citoyenneté, n'est-elle pas un principe sur lequel on ne peut nullement transiger ?
5 - Cet appel ministériel ne montre-t-il pas clairement que le gouvernement compte et mise sur la résignation des citoyens MRE ? Son objectif n'est-il pas de demander aux MRE de subir sans réagir, de ne pas exiger notamment leur droit de vote et d'éligibilité parlementaire sous prétexte "d'impossibilité", alors que les responsables du dossier migratoire n'ont jamais démontré et donné la preuve de cette impossibilité décrétée par eux !? Depuis qu'ils invoquent les difficultés techniques, organisationnelles et logistiques, depuis que la démarche dite évolutive ou graduelle a été décidée arbitrairement le 16 juin 2006, ont-ils au moins entrepris l'effort nécessaire pour que l'on puisse dire : ils ont au moins essayé, mais ces problèmes auxquels ils ont été objectivement confrontés, sont insurmontables et ces difficultés sont indépassables !?
Si c'est une question d'absence de "savoir - faire", ont-ils cherché à bénéficier des bonnes pratiques d'autres pays, y compris de la région, qui ont réussi à organiser la participation politique et la représentation parlementaire de leur communauté expatriée ? Mais n'est-ce pas plutôt une absence de volonté politique de le faire !? En fait, dans l'argumentaire gouvernemental, qui ressemble étrangement à celui véhiculé à grande échelle par les responsables du CCME, rien ne plaide en sa faveur. C'est une pure supercherie intellectuelle et une dérobade.
6 - Si, selon le discours à Marrakech du ministre chargé des MRE, ces derniers "sont tous en droit d'être fiers de leur appartenance à la Mère - Patrie, le Maroc" et si "le Maroc habite le cœur de chaque MRE", pourquoi les droits liés à cette appartenance nationale et les attributs de la citoyenneté qui sont le corollaire de nationalité (en termes notamment de droit de vote et d'éligibilité), ne sont pas reconnus dans la réalité concrète ?
7 - Si, selon le directeur des Affaires européennes au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération au nom de sa ministre déléguée, "on peut résumer la relation entre le royaume et les Marocains en deux mots : respect et responsabilité", pourquoi les responsables marocains ne respectent pas les droits des citoyens marocains à l'étranger et traitent ces derniers en termes de sous-citoyenneté ? Et en quoi cette "tutelle" prend réellement en compte ses responsabilités à l'égard des citoyens MRE ?
8 - Comment peut-on encore porter le titre de ministre chargé notamment des Marocains résidant à l'étranger, alors que le titulaire du département ne parle même plus de "démarche progressive" et dénie à Marrakech de manière quasi définitive et irrémédiable le droit légitime à la participation aux législatives des membres de la diaspora marocaine en tant que citoyens marocains à part entière ?
9 - En les déclarant officiellement" personnae non gratta" , en les évinçant, en les excluant et en les privant "constitutionnellement" (selon l'interprétation antidémocratique de l'article 17) de la représentation au parlement et de la participation directe à la gestion des affaires du pays d'origine, cherche-t-on à pousser les Marocains de l'extérieur à faire le deuil de ce qui leur reste comme citoyenneté marocaine et à tourner le dos au Maroc, comme celui-ci leur tourne déjà politiquement le dos ?
10 - En définitive, loin d'être une source de menace, l'inclusion par le Maroc de sa diaspora dans les affaires qui la concernent en particulier et intéressent plus généralement la chose publique, ne permet-elle pas au contraire d'accroître sa mobilisation pour sa contribution non seulement au développement humain, social et économique, mais également politique et démocratique du pays ? Encore une fois et encore, face à la confiscation d'un droit constitutionnel depuis 1992, il s'agit de mettre fin aux frustrations profondes provoquées par des années interminables d'attente des citoyens MRE aux portes de la citoyenneté intégrale et par les reculades, les marche-arrières, les renoncements et les reniements des gouvernements qui se sont succédé et des majorités parlementaires successives sur les engagements les plus solennels pris.
L'annulation pure et simple d'un droit aussi essentiel est inacceptable pour les citoyens MRE et les démocrates du Maroc. Il s'agit d'accéder à une citoyenneté de dignité et de promotion, non de se plier à une citoyenneté de soumission et de relégation. Ce scénario catastrophe pour 2016 est à éviter à tout prix. On ne peut accepter pour la citoyenneté des MRE, ce mortel statu quo !
11 - Or, à Marrakech, le ministre chargé des MRE et des affaires de la migration, n'était nullement dans une disposition d'esprit d'apaisement. Il était au contraire à l'offensive avec un message agressif, faisant le "job" avec excès de zèle, avec l'objectif de pousser les citoyens marocains à l'étranger à la résignation. Au même moment, tout se passait comme s'il anticipait le vote au parlement, comptant et misant sur la majorité numérique pour faire passer le projet de loi organique concernant la Chambre des Représentants comme une lettre à la poste. Voilà pourquoi, à la fin mai 2016, face à l'attaque frontale lancée par le gouvernement contre les acquis constitutionnels de la Jaliya, la mobilisation citoyenne et responsable des MRE, s'impose plus que jamais, en liaison étroite avec la société civile à l'intérieur du Maroc.
12 - Le ministre chargé des MRE et des affaires de la migration, ainsi d'ailleurs que la ministre déléguée qui appartiennent au même parti, ne sont plus à une contradiction criante près. En effet, à peine un mois auparavant, le 3 avril 2016 dans le cadre de l'émission de Médi1 TV "90 minutes pour convaincre ", Anis Birou rappelait que son parti, le Rassemblement National des Indépendants (RNI), défendait la députation des citoyens MRE, en lisant même le passage qui lui était consacré dans le document envoyé par le président de son parti, Salaheddine Mézouar (qui est en même temps ministre des Affaires étrangères et de la Coopération), au chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane.
En effet, dans son mémorandum du 30 mars 2016, le RNI proposait de régler la question des listes électorales spécifiques aux MRE, en conformité notamment avec la Constitution de 2011, et de faciliter aux citoyens marocains à l'étranger l'exercice de leur devoir national. Le RNI préconisait ensuite clairement la représentation des MRE à la Chambre des Représentants, dès les législatives du 7 octobre 2016. Or, en rendant hommage à cette position du RNI à l'échelle nationale, nous avions dans un article, en date du 15 avril 2016, tenu à préciser qu'"il reste bien entendu à certains dirigeants du RNI, qui ont par ailleurs de hautes fonctions au sein de l'exécutif ou de l'instance parlementaire, d'être cohérents avec cette ligne claire de leur parti et d'adopter une démarche dénuée d'ambiguïté...".
L'évolution des faits ne nous donne-t-elle pas raison quand on constate le double langage pratiqué par certains en la matière !?
13 - Nous sommes face à un paradoxe. Au Maroc, le taux de participation électoral est très faible. En 2015, plus de 46% des électeurs inscrits sur les listes électorales ont boudé les élections communales et régionales et lors du scrutin législatif du 25 novembre 2011, ce taux a dépassé 54%. Pour augmenter le taux de participation, certains veulent même rendre le vote obligatoire. Mais au même moment et alors que les citoyens MRE veulent participer en réclamant le vote direct dans les pays d'immigration dans le cadre de circonscriptions électorales législatives de l'étranger, le gouvernement ne veut pas leur reconnaître ce droit.
14 - Quelques mots sur l'argument utilisé par le ministre pour justifier la non élection de députés à partir de l'extérieur. L'exemple pris est celui du Texas aux États Unis d'Amérique : l'élu ne peut, au même moment, se maintenir à son travail, garder un contact de proximité avec les électeurs de sa circonscription et être présent avec assiduité au parlement à Rabat pour légiférer, contrôler le gouvernement, etc... Or, pourquoi le ministre reste-t-il dans un cas abstrait et ne prend-il pas des exemples concrets, faisables et réussis comme la représentation parlementaire des Italiens de l'étranger, des Portugais, des Tunisiens de l'extérieur, des Français de l'étranger, des Italiens de l'étranger, des Croates, des Mozambicains, des Algériens de l'extérieur, etc.
En effet, le traitement fait en droit comparé à d'autres communautés nationales expatriées, ne plaide nullement en faveur de l'argumentaire du gouvernement. Par ailleurs, les exemples à eux seuls qui vienne d'être cités, la non consistance d'une autre raison invoquée pour la non députation des MRE, à savoir que les pays de séjour interdisent ce genre de vote chez eux.
15 - Attachons nous d'abord au cas tunisien. Pourquoi le ministère chargé des MRE et des affaires de la migration n'entreprend-il pas une étude pour bénéficier des bonnes pratiques concernant l'expérience tunisienne en matière de participation politique et de représentation parlementaire des citoyens tunisiens à l'étranger ? Les responsables du département peuvent-ils entre temps réfléchir à l'analyse formulée en la matière par Kamal Jendoubi, ministre tunisien chargé des Relations avec les Instances constitutionnelles et la Société civile dans une interview parue le 18 mai 2016 dans "Le Matin du Sahara et du Maghreb" ? Sur certains éléments des fondements de cette politique, qui aideraient à susciter la volonté politique du gouvernement marocain, le responsable tunisien déclare notamment :
" Les migrants n'ont plus les mêmes relations avec les pays d'origine. Les diasporas maghrébines comme africaines se retrouvent alors face au défi d'intégrer ces changements, mais aussi de modifier notre vision que nous avons dans les pays d'origine vis à vis de ces émigrés qui sont à la fois des binationaux et la prolongation de nous-mêmes ailleurs. En tant que pays d'origine, nous devons comprendre la complexité de ces phénomènes et intégrer cette diaspora comme facteur de cohésion nationale, même si sa vie est ailleurs (...) Aujourd'hui, les migrants tunisiens ont de nouveaux acquis. Ils peuvent, par exemple, participer aux élections présidentielles et législatives où qu'ils soient (....) La constitution les protège en tant que citoyens. Les émigrés ne doivent plus être considérés comme un bonus Certes, ils ne vivent pas en Tunisie, parfois ils ont des nationalités différentes, ils sont de troisième ou de quatrième génération, mais ils sont tellement attachés au pays qu'il faut trouver des espaces qui leur permettent de contribuer au choix démocratique."
16 - Prenons maintenant l'exemple de la France. Les Français du Maroc sont représentés à l'Assemblée Nationale à Paris par le député ex-PS (un des "frondeurs"), Pouria Amirsahi, député de la 9ème circonscription des Français établis hors de France. C'est une large circonscription qui couvre 16 pays africains, dont le Maroc. En suivant les émissions de la chaîne LCP, on peut constater que le député Amirsahi est très présent, intervenant sur des aspects multidimensionnels, comme il porte les attentes et les problèmes des Français de l'étranger et particulièrement ceux de sa circonscription au parlement lui-même (questions orales ou écrites, interventions en commissions et en séance plénière), mais également dans un cadre parallèle (contacts avec plusieurs administrations, etc..).
Dans cet esprit, il édite une lettre d'information qui est à son 74ème numéro et tient au niveau de chacun des 16 pays concernés des réunions régulières avec les "expats". A titre d'exemple, au Maroc : du 20 au 25 mai 2016, avec l'organisation de permanences parlementaires et des réunions publiques à Rabat et à Casablanca. Pour l'Algérie, c'est de la période du 2 au 5 juin 2016...
A ce propos, on espère que les responsables du ministère chargé des MRE et des affaires de la migration , ainsi que les responsables au Maroc du dossier électoral, ont bien profité du tout dernier passage à Rabat du député Amirsahi pour savoir comment cela fonctionne et non pas rester avec des préjugés et des idées préconçus. Il est fort regrettable par ailleurs que lors du Forum de Marrakech, ni le département chargé des MRE, ni les responsables de l'Université Cadi Ayyad, n'aient cherché à créer les conditions d'un débat ouvert et pluriel, en inscrivant au programme des exposés qui ne soient pas à sens unique, et en permettant notamment sur la question de la participation et de la représentation politique des émigrés dans leur pays d'origine , que des exposés soient faits sur un certain nombre d'expériences réussies dans la région . Encore fallait-il, là aussi, que la volonté politique y soit !
17 - Cette attitude du gouvernement marocain avec ses tergiversations en matière de droits politiques des MRE par rapport au Maroc, son déni de droits pourtant inscrits dans le marbre de la Constitution, est celle qui démontre avec le plus d'urgence l'absence cruelle de stratégie nationale en matière de communauté marocaine résidant à l'étranger. Certes des plans d'action existent au niveau de certaines dimensions, notamment culturelle avec une certaine vision concédons-le, mais la stratégie nationale dont a besoin l'ensemble du secteur de la communauté marocaine résidant à l'étranger, ne peut se ramener à une stratégie culturelle !
18 - La question des droits politiques des citoyens MRE peut paraître très limitée, catégorielle, alors qu'elle s'inscrit dans le cadre d'un projet sociétal moderniste et émancipateur. Si le gouvernement ne se ressaisit pas au plus vite, les dégâts à long terme pour la nation marocaine dans son ensemble, ne seront que plus ravageurs. Ces enjeux d'avenir nous concernent tous. Il s'agit notamment de rétablir la confiance avec la communauté marocaine résidant à l'étranger , redonner à la Constitution la crédibilité qui lui sied , être fidèle aux engagements forts qui ont été pris depuis bien longtemps en direction des citoyens MRE, de mener d'urgence une action de réparation, car avec les décisions gouvernementales prises (ou plutôt avec l'immobilisme constaté), depuis au moins dix ans , au lieu de combler le déficit de citoyenneté, on creuse encore plus l'écart, d'autant plus qu'il n y a aucune lisibilité encourageante et la notion de temps n'a aucune signification pour les décideurs.
19 - Si au départ, les décisions prises par le Roi le 6 novembre 2005 concernant la députation des citoyens MRE devaient s'inscrire dans un projet à court terme (élections législatives 2007), avec la "démarche progressive" (communiqué du ministère de l'Intérieur du 16 juin 2006), on a mis en avant l'échéance moyen terme qui n'a nullement été respectée le 25 novembre 2011, et maintenant avec l'échéance du 7 octobre 2016, tout est remis aux calendes grecques, c'est à dire renvoyé à une date qui n'existe pas et donc qui n'arrivera jamais, enlevant ainsi la crédibilité d'un État de droit ...
20 - Ceci n'empêche pas que sur le dossier des droits politiques des MRE par rapport au Maroc, Anis Birou, ministre chargé des MRE et des affaires de la migration, tienne un autre langage comme il l'a fait dans l'interview parue dans "Les Echos" du 30 mai 2016 : " Il va falloir arriver à un consensus. La question de porter une voix nécessite un débat, une discussion, un consensus qu'il va falloir mener. Il faut continuer le débat et l'élargir davantage ".
Mais avant de poursuivre le débat et de l'élargir, encore faut-il l'ouvrir officiellement ! Qu'est-ce qui empêcherait effectivement qu'un débat soit organisé formellement par le département chargé des MRE avec l'implication de tous les milieux concernés, en premier lieu la société civile MRE !? Par ailleurs, la recherche du consensus est une très bonne chose bien entendu. Mais encore faut-il que le ministère propose au débat une plateforme crédible pour engager ce dialogue, et que le gouvernement respecte par ailleurs le fonctionnement institutionnel, consistant par exemple à reprendre le débat à la Commission de l'Intérieur à la Chambre des Représentants sur les trois propositions de loi organique (USFP, Istiqlal, PJD), relatives à la députation des citoyens MRE !?
XIX - En guise de conclusion générale
En guise de conclusion générale à cette contribution citoyenne au débat public pour l'action, s'agissant des droits politiques des citoyens MRE à l'occasion des élections législatives du 7 octobre 2016, il y a de notre point de vue, urgence à organiser un réel dialogue national, comme nous l'avions suggéré depuis bien longtemps, mais attention ! Ce dialogue ou débat national est sur la forme, sur les modalités techniques, les mécanismes et les procédures de concrétisation des droits politiques des MRE par rapport au Maroc. Le débat ne doit nullement porter sur le principe même de ces droits, qui est un acquis non négociable, déjà inscrit dans le marbre de la loi suprême du pays. Prenons au mot le ministre Birou, qui vient de réitérer sa déclaration en faveur d'un dialogue en la matière. Chiche ! Nous attendons qu'il passe à l'acte de manière urgente et qu'il ne reste pas au stade de la pure consommation médiatique, comme il l'a fait en ce domaine jusqu'à présent.
Face à la colère citoyenne contre l'instauration et la justification d'une discrimination insupportable et intolérable, l'essentiel est en effet d'écouter attentivement les citoyens MRE pour corriger de manière substantielle et concrète, réajuster en profondeur, débloquer la situation et non pas s'entêter dans un statuquo inacceptable depuis longtemps. Il s'agit par conséquent de se concentrer aujourd'hui sur tout ce qui est pragmatique et fonctionnelle pour concrétiser des principes et des droits énoncés et reconnus depuis bien longtemps, mais jamais appliqués sous des prétextes fallacieux. La comparaison avec les méthodes utilisées par d'autres pays qui ont ouvert leur parlement à leurs expatriés, pourrait être riche d'enseignements. Le débat pourrait être généralisé aussi à l'opérationnalisation optimale des dispositions de la Constitution concernant les citoyens MRE.
De même, face à la négligence extrême du gouvernement Benkirane et à l'incurie des partis politiques marocains qui ont décidé, à de très rares cas, d'être "impuissants" et comme "tétanisés" par un puissant lobby, il serait hautement souhaitable d'avoir un arbitrage royal en la matière. Cet arbitrage (un de plus, diront certains) serait le bienvenu non pas pour contourner les prérogatives et le fonctionnement normal des institutions (gouvernement, parlement, partis politiques, institutions nationales consultatives, etc...), mais parce que les responsables pratiquement de toutes les institutions qui ont à intervenir pour régler le problème en question , ne prennent pas leurs responsabilités, ou bien agissent en contradiction avec l'esprit de la Constitution, mettant en cause certains droits essentiels des citoyens MRE qui sont livrés à eux- mêmes, n'étant défendus par aucune des institutions précitées.
Cela fait trop d'années que les choses durent, sans aucune avancée. La méthode dite progressive est suivie en fait à reculons, en sens inverse. Au lieu de lui donner du contenu et de l'épaisseur, on régresse en pratique et on procède même à une véritable déchéance de citoyenneté marocaine des MRE, comme l'a opéré le Conseil de gouvernement du 15 avril 2016, avec l'adoption du projet de loi organique 20 -16.
En somme, le recours à l'article 42 de la Constitution se justifie pleinement. Dans cet esprit, le Roi veille notamment au respect de la Constitution, à la protection du choix démocratique et des droits et libertés des citoyennes et des citoyens. N'est-ce pas là, au vu de la pratique, la série de garanties dont ont besoin les citoyens MRE pour la mise en œuvre de leurs doits constitutionnels ?
De notre point de vue, Il est encore temps de sauver les droits politiques pleins et entiers des citoyens marocains à l'étranger par rapport au Maroc et que leur marocanité, avec tous ses attributs, ses devoirs et ses droits, soit sauvegardée ! Il n'y a pas de compromis possible avec la logique de l'exclusion et de l'ostracisme dans un domaine où les enjeux sont à la fois institutionnels, politiques et identitaires. Il nous paraît plus qu'urgent d'agir et de décider pour débloquer et déminer la situation. Ce n'est pas une question d'état d'âme. Les problèmes qui se posent ne sont pas fondamentalement d'ordre technique ou logistique, mais n'ont de solution que politique et nationale, avec l'expression d'une volonté politique forte.
En définitive, un sursaut politique et juridique avec les implications politiques qu'il impose, n'est-il pas une urgence ? Et l'urgence est de s'y atteler tous ensemble et sans perdre encore de temps. Car, après tant de retard pris, tant d'incertitudes, d'irrésolutions, de flottements et d'indolence au niveau gouvernemental, ne faut-il pas s'y résoudre d'urgence ? En d'autres termes, la nécessaire participation des citoyens MRE à la vie démocratique du pays, ne doit-elle pas être initiée et finalisée à marché forcée, quelles que soient les résistances et les blocages de certains milieux ? A notre sens, il n'y a pas d'autres termes à cette alternative.
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*Universitaire à Rabat, chercheur spécialisé en migration


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