Agriculture : les exportations de concombre explosent    Bourse : l'immobilier n'a plus la cote    Crise humanitaire en vue : le HCR alerte sur la baisse des financements    Cinéma : "Eddington", une Amérique à la dérive dans le huis clos d'une petite ville    Chambre des Représentants: Clôture mardi de la 2e session de l'actuelle année législative    Paiements numériques : Jouahri appelle à une coordination régionale en cybersécurité    Tourisme: Les EHTC dénombrent plus de 11,88 millions de nuitées à fin mai    Interview exclusive avec Mme Sanaa Merouah : « À Murcie, les Marocains s'imposent comme un atout majeur de développement »    Maroc / Afrique du Sud : Rabat fait sauter un verrou à Pretoria [INTEGRAL]    Conflit : L'Etat congolais et le M23 parviennent à un cessez-le-feu    Togo. Frontières fermées le jour des municipales    Transports publics : Tolérance zéro face aux incivilités et vandalisme    Mondial 2030 : le Maroc opte pour un financement sans dérive budgétaire    Rugby. Le Zimbabwe en route pour la Coupe du Monde après 32 ans d'absence    Après El Aynaoui La Roma vise un second Marocain    Justice : Les peines alternatives entrent en vigueur le 22 août    Des chercheurs français réalisent de nouvelles avancées contre l'Alzheimer    Saisie à Azemmour d'une importante cargaison de drogue à Azemmour    Feu de forêt à Tétouan : intervention massive avec quatre avions Canadair    Eclipse solaire totale du 2 août 2027 : le Maroc au cœur d'un phénomène astronomique d'exception    Températures prévues pour le mardi 22 juillet 2025    Maroc–Macédoine du Nord : De nouveaux accords pour renforcer la coopération    Fehd Benchemsi et Hasba Groove électrisent les Doukkala : Quand les rythmes Gnaouis rencontrent le jazz et le funk au Mazagan Concerts    El Akademia 2025 : Cultures en dialogue, musiques en fusion    Benny Adam et Stormy font vibrer le Coca-Cola Food Fest    Le Roi Mohammed VI salue l'amitié unissant le Maroc et la Belgique    Ryanair impose la carte numérique à partir du 3 novembre, mais le Maroc résiste à la dématérialisation    Ouahbigate : le Parti marocain libéral pourfend l'impunité fiscale, politique et institutionnelle sous Aziz Akhannouch    «Le Monde» accusé de collusion rédactionnelle avec Mehdi Hijaouy, impliqué dans de graves délits    Sahara marocain: La République de Macédoine du Nord    Tanger Med : 25 kilos de cocaïne interceptés dans un conteneur frigorifique    Agriculture: La BAD approuve un financement de 100 millions d'euros au Maroc    Des cyberattaques visent un service de Microsoft, le FBI sur le coup    Gaza : troisième phase de la campagne marocaine d'aide humanitaire    Revue de presse de ce lundi 21 juillet 2025    Officiel : Neil El Aynaoui rejoint l'AS Roma    Espagne : Arrestation d'un Marocain recherché par Interpol    Argentine : Une mission commerciale attendue au Maroc    Polisario : Les opposants dénoncent le véto de Brahim Ghali pour un congrès extraordinaire    Chypre: Erdogan insiste sur une solution à deux Etats pour l'île divisée    Basket/Division Excellence hommes : L'AS Salé rejoint le FUS Rabat en finale    Superman de nouveau en tête du box-office nord-américain    C'est officiel : Neil El Aynaoui rejoint l'AS Roma avec un contrat jusqu'en 2030    Basket / DEX(h) : Le FUS surclasse le MAS pour une place en finale des play-offs    MAGAZINE - Souheil Ben Barka : fluide planséquence    CAN de rugby à XV (Ouganda-2025) : le Maroc termine à la 6è place    Cinéma : Voici les projets admis à l'avance sur recettes au titre de la 2e session de 2025    Cinéma: La Commission d'aide dévoile sa liste    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



PLF 2023 : « une curieuse architecture à la dérive du volontarisme royal»
Publié dans Maroc Diplomatique le 15 - 11 - 2022

Réformer le système fiscal du Maroc, tel est l'objectif majeur du PLF 2023. Un projet de loi de finances dont les dispositions soulèvent un large débat public et suscitent bon nombre de contestations qui dénoncent le caractère « injuste » des mesures proposées.
L'occasion pour Abdelghani Youmni, économiste et spécialiste des politiques publiques, de dresser, dans cet entretien, une analyse du PLF tout en portant un regard critique sur les prélèvements à la source de l'IR et de l'IS, deux dispositions qui constituent l'équation insoluble entre exécutif et professions libérales.
Ce PLF 2023 sépare plus qu'il ne rassemble avec sa « curieuse architecture », qui conduit un socle social à la dérive du volontarisme royal avec un favoritisme des superprofits, il n'est indéniable de revenir aux fondamentaux de base d'une économie moins néolibérale.

Maroc diplomatique : Comment analysez-vous le PLF 2023 dans un contexte de réforme, de relance économique et de hausse de l'inflation ? Est-ce que les principes directeurs d'une politique sociale sont pris en compte ?
Abdelghani Youmni : C'est une curieuse architecture ce PLF2023, on y trouve un penchant néolibéral dans la réduction de 11 points de l'impôt sur les bénéfices des grandes entreprises alors la plupart des pays du monde même les Etats Unis, le plus capitaliste instaure des impôts sur les superprofits de ceux qui ont profité des deux crises simultanées Covid-19 et crise énergétique. De l'autre côté de ce spectre, se dresse un socle social qui dérive du volontarisme royal de construire un Etat nation social et solidaire, cette réelle composante sociale du PLF2023 consacre les chantiers de l'éducation et de la santé avec une enveloppe budgétaire de plus de 96 milliards de dirhams soit une augmentation de 10.4% et de 19.5%. Une avancée et c'est indéniable.
Mais, rappelons que pour maintenir le déficit budgétaire à moins de 5% et ne pas aggraver la dette publique, l'exécutif s'attend à une augmentation des recettes fiscales de 19% soit un volume de 312 milliards de dirhams, il sera financé en partie avec les recettes habituelles en plus de produits des nouvelles modifications du PLF2023 qui touchent les professions libérales et surtout les recettes fiscales issues de la hausse des prix du carburant qui devront avoisiner les 20 milliards de dirhams en décembre 2022 soit une augmentation de 19.7%.
Dans ce contexte inédit et à double tranchant, la question essentielle est de savoir comment pourra-t-on soutenir les réformes sociales et défendre la réduction des inégalités sans prendre en compte les ravages de l'inflation sur toutes les catégories sociales du Maroc et en particulier la classe moyenne. Cette locomotive de la consommation et principal contributeur à la création de la valeur ajoutée et à l'impôt est de plus en plus sous l'effet de l'érosion de leur patrimoine et de leur exposition élevée à l'inflation à cause de leur mobilité et leur mode de consommation. Pour reprendre la célèbre citation de Mazarin quand il dit à Colbert : « Il y a quantité de gens qui sont entre les deux, ni pauvres ni riches, rêvant d'être riches et redoutant d'être pauvres. C'est ceux-là que nous devons taxer, toujours plus. Plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser... C'est un réservoir inépuisable".
La classe moyenne risque-t-elle le déclassement ? On ne peut répondre que par l'affirmatif, face aux coûts de l'éducation privée, de la santé, du transport, aujourd'hui un plein d'essence est l'équivalent de 30% d'un SMIG, il en faut trois par mois et des dépenses de logement.
De crise en crise, covid-19, sécheresse, inflation et cherté de vie, une récente étude du HCP indique que l'inflation a atteint 8%, indice de confiance des ménages (ICM) qui s'est établi à 47,4 points au lieu de 50,1 points enregistrés le trimestre précédent et 65,5 une année auparavant. Le pouvoir d'achat n'est plus une obsession mais une réalité, le choix de l'option de la relance par l'offre risque d'être confrontée à une vraie carence de la demande résultant de l'inflation et du risque de stagflation. Si Wali Bank Al Maghrib a bataillé pour maintenir le taux directeur à un niveau bas pour ne pas pénaliser l'investissement, l'emploi et la croissance, le coût à la pompe de la mobilité pourrait conduire à la récession et à une inflation à deux chiffres, elle serait irréversible.
La loi de finance fait soulever un nombre important de contestations des professions libérales, notamment les médecins, les assureurs, les avocats, les pharmaciens, les comptables... Comment et pourquoi le PLF a créé autant de contestations ?
Le PLF a créé autant de contestations car certains y lisent un deux poids deux mesures, pourtant le Maroc a grand besoin de réformer sa fiscalité et de construire l'équité sociale sur la base de l'équité fiscale. Le PLF 2023 ne se résume pas à une série de modification technique de paramètres mais il ressemble à une forme condensée d'une réforme fiscale qui vise la réduction de la surface du désert fiscal plus au moins violente qui ne s'est pas faite par palier, n'offrant pas de contrepartie comme le foyer fiscal ou la réduction des barèmes pour certaines tranches d'impôts pour certains revenus, le crédit d'impôt pour les dépenses d'éducation.
Malgré le large consensus en faveur de la résilience et la solidarité que les marocains ont manifesté depuis trois ans, il est clair que les différentes mesures prises dans ce projet de loi ne sont pas « conformes » au contexte économique international marqué par l'inflation, l'explosion des prix des matières premières, les changements climatiques devenus réalité, le retour de la pauvreté monétaire et surtout les incertitudes face à l'avenir.
Le PLF crée des contestations car les marocains s'attendaient à des mesures sociales réparatrices et fédératrices des différentes composantes de la nation, ruraux, urbains, cadres, ouvriers, riches et pauvres et c'est l'impression d'un PLF plutôt comptable que fiscal et sans empreinte de colmatage des fissures subies par les crises consécutives. A y regarder de très près, le Maroc vu de l'étranger est prospère attractif et dynamique, les prouesses dans les infrastructures et les réalisations sont innombrables mais au même temps, il y a un Maroc des oubliés qui sont soit laminés par la misère soit par le coût de la vie.
Les marocains attendaient du gouvernement en plus du relèvement du SMIC, des 37 milliards de dirhams pour la caisse de compensation, la subvention des transporteurs et du plafonnement du prix du kilowattheure à un niveau des plus bas en Afrique à des gestes plus visibles sur leur fiche de paie. Tangibles dans leur quotidien et porte-monnaie, plus particulièrement au niveau du prix de l'essence et du gasoil à la pompe, le seul adoucisseur de l'inflation devenue endogène alors qu'elle était en amont de nature importée. Instaurer des prix plancher à la pompe des carburants ou des taxes flottantes est le seul signe d'une volonté d'éviter l'hyperinflation et la dépréciation du dirham, préserver la paix sociale et de sauver la classe moyenne de l'effondrement.
Le prélèvement à la source de l'IR et de l'IS reste l'équation insoluble entre le gouvernement et les professions libérales, quelle devrait être la solution entre les deux parties pour arriver à un consensus ?
C'est plus qu'insoluble car il s'agit de demander aux clients parfois particuliers de pratiquer la retenue à la source pour des entreprises de petites tailles exerçant dans le secteur du conseil et des services. Ce dispositif est très lourd à gérer pour les comptables et les experts-comptables et pour les services des impôts sauf si on procède à des paiements électroniques directement connectés au fisc comme c'est le cas des services de santé prépayés en Europe.
Quant aux demandes de restitution prévues par le PLF, c'est une autre problématique et de taille, les professions libérales vont devoir payer 20% sur les chiffres d'affaires puis payer des impôts sur leurs résultats qui pourraient les soumettre à un impôt final de 40 à 50% et à la difficulté de bénéficier de la restitution à la fin d'exercice du trop payé par les services des impôts.
L'ambiguïté dans ce nouveau dispositif est que les contribuables personnes morales et physiques risquent de se transformer en collecteurs d'impôt, ce qui pourrait affaiblir le consentement à l'impôt et produire l'effet inverse avec l'attrait aux transactions en espèces. Mécaniquement, l'utilisation de la retenue à la source par le client sur les prestations de service comme pour l'impôt sur le revenu du travail revient à prélever sur une facture 20% de TVA et 20% d'impôt sur le revenu pour ne payer que 60% et ce type d'arithmétique ne prend pas en compte les charges directes et indirectes du fournisseur. Au final, il y a une inversion des rôles, le collecteur n'est plus l'entreprise prestataire mais le client donneur d'ordre.
Si la traçabilité , la transparence et la lutte contre la fraude fiscale sont les leviers de cette révolution fiscale, ce sont les relais de confiance qu'il faudra construire entre les professions libérales et l'administration fiscale. Il est vrai aussi qu'avec 40 milliards de dirhams d'impôts sur le revenu, les professions libérales ne génèrent que 2 milliards de dirhams soit moins de 5%.
Pourtant, il n'est pas anodin de dire que suivant les régions, la densité de la population et le type d'activités, les revenus sont très hétérogènes et c'est pour cette raison que sans changer de paradigme sur les pratiques fiscales à savoir, ne pas contraindre les personnes soumises à une comptabilité à l'impôt sur le revenu mais évaluer les revenus sur des éléments de traçabilité en temps réel du train de vie, d'accès à la propriété mobilière et immobilière.
Propos recueillis par Mouhamet Ndiongue


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.