Un nouvel épisode abrasif vient ternir l'image internationale de l'Algérie. Cette fois, c'est contre les Emirats arabes unis que la machine propagandiste du régime de Tebboune s'est emballée. Dans un dérapage télévisuel d'une rare violence, diffusé en clair sur la télévision d'Etat algérienne, Abou Dhabi a été qualifié de « petit Etat artificiel », de « nains » et de « lèche-bottes sans honneur, dignité ou pudeur ». Une attaque d'une virulence inédite dans les annales diplomatiques récentes du Maghreb. Sous couvert d'un éditorial aux relents nationalistes outranciers, le média d'Etat a accusé les Emirats de se transformer en « usine à diffusion de toxines idéologiques », avant de lancer cette sentence glaçante : « L'Algérie ne pleurera pas ce petit Etat artificiel, mais plutôt, comme le font les fiers, elle répondra de la même manière. » Ces mots, au-delà de l'excès de langage, trahissent une hostilité profonde et assumée envers un partenaire autrefois perçu comme stratégique dans le monde arabe. Dans un style qu'on croirait calqué sur les discours de la guerre froide, la chaîne algérienne a même ressorti des archives datant des années 1950, tentant de ridiculiser les débuts modestes des Emirats. Le tout agrémenté de menaces d'une brutalité symbolique : « couper la main tendue, amputer le pied et tirer la langue lâche […] des nains qui dirigent l'Etat artificiel des Emirats ». Des paroles dont la violence sidère autant qu'elles interrogent. Si ces propos ne reflètent pas encore une déclaration officielle du ministère algérien des Affaires étrangères, leur diffusion sur une chaîne publique leur confère une dimension quasi-gouvernementale. Ce mode opératoire n'est pas nouveau : depuis plusieurs mois, la diplomatie algérienne semble se jouer davantage sur les plateaux de télévision que dans les canaux institutionnels. Après la France, le Maroc, l'Espagne, l'Union européenne, la Tunisie, et même l'Union africaine, c'est donc au tour des Emirats de faire les frais d'une diplomatie algérienne en roue libre. Derrière ces invectives se profile un isolement diplomatique grandissant. Car si les mots ont un poids, ils ont aussi un prix. En insultant frontalement un acteur-clé du Golfe, Alger prend le risque de rompre un peu plus les derniers ponts qui la reliaient encore à certaines capitales arabes influentes. L'attitude du pouvoir algérien évoque celle d'un régime replié sur lui-même, incapable de construire des alliances durables, préférant les postures victimaire et agressive à la diplomatie de compromis. Pour nombre d'analystes, cette radicalisation verbale trahit en réalité une fébrilité intérieure. Acculé par les défis économiques, miné par la défiance populaire et affaibli sur la scène sahélienne, le régime de Tebboune chercherait des dérivatifs externes à sa propre impuissance. En désignant des ennemis extérieurs, il espère ressouder une opinion nationale fragmentée et faire diversion face à l'échec de ses politiques internes. Mais à force de multiplier les bras de fer sans issue, le risque est grand de transformer l'Algérie en un paria diplomatique. Si la rhétorique du pouvoir continue sur cette pente belliqueuse, c'est la crédibilité même de l'Etat algérien qui s'efface peu à peu du concert des nations. Une chose est désormais certaine : à l'heure où le monde arabe se reconfigure à grande vitesse, Alger semble choisir l'invective au lieu de l'influence.