Le pari gazier de Sound Energy au Maroc tourne à la correction brutale. Le groupe britannique, en quête d'un nouveau souffle après des années d'investissements infructueux en Afrique du Nord, vient de dévoiler des résultats 2024 lourdement dégradés. Une perte nette abyssale de 122 millions de livres sterling plombe le bilan, malgré une opération de cession majeure au profit du conglomérat marocain Managem, qui reprend la main sur la concession gazière de Tendrara. Présenté comme une relance stratégique, le désengagement de Sound Energy de ses actifs les plus avancés au Maroc n'a pas suffi à redresser une structure financière fragilisée. En cédant à Managem sa filiale Sound Energy Morocco East Ltd – opératrice des permis d'Anoual, du Grand Tendrara et surtout de Tendrara – le groupe britannique a certes restauré ses liquidités. Les flux financiers engrangés couvrent les dépenses engagées depuis 2022, et Sound Energy conserve une présence résiduelle, sous forme d'intérêts minoritaires assortis d'un accès gratuit aux prochaines campagnes de forage. Mais le répit n'est qu'optique. Cette transaction n'a pas empêché une dépréciation massive des actifs restants, notamment ceux de la région de Sidi Moktar. La réévaluation imposée par les normes comptables a conduit à une perte record, marquant un tournant critique dans la stratégie du groupe. La faiblesse structurelle reste palpable : bien que le crédit-pont accordé par 2i Partners ait été remboursé en fin d'année, Sound Energy continue de traîner une dette nette supérieure à 500 000 livres sterling. L'avenir immédiat du groupe se joue désormais en grande partie entre les mains de Managem, qui a hérité de la responsabilité opérationnelle de Tendrara. La mise en service tant attendue du projet de liquéfaction de gaz naturel, pierre angulaire du repositionnement industriel de Sound Energy, accuse de sérieux retards. Fin 2024, seule la cuve de stockage avait été installée. Les composants essentiels du système de liquéfaction étaient encore en transit ou en cours de réception sur le site. Le calendrier est repoussé à 2025, et le doute plane sur la capacité à tenir ce nouveau délai. En parallèle, la phase 2 du projet, visant à raccorder Tendrara au réseau gazier national via un pipeline stratégique, reste suspendue à une mise à jour technique indispensable pour ajuster les coûts aux réalités de 2025. Si un accord de financement par portage a été conclu avec Managem, son déploiement reste conditionné à la levée de clauses suspensives, notamment vis-à-vis de l'Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE) et de la banque partenaire Attijariwafa bank. Exploration gelée et gouvernance en transition Côté exploration, l'agenda reste flou. Les permis d'Anoual et du Grand Tendrara attendent toujours l'aval définitif des autorités marocaines pour prorogation. Aucun forage ne pourra débuter sans ce feu vert. Managem s'est engagé à financer les deux premières campagnes, auxquelles Sound Energy participera à titre minoritaire. À Sidi Moktar, autre relais d'espoir, les ambitions sont elles aussi ralenties par les lourdeurs administratives. Une campagne sismique reste programmée pour 2025 ou 2026, sans calendrier ferme. Le repli stratégique du groupe s'est accompagné d'un remaniement en profondeur de sa gouvernance. Le départ du président Simon Ashby-Rudd, puis celui du directeur exécutif Mohammed Seghiri, désormais intégré à Managem, laissent une direction réduite à trois membres, dont un seul à temps plein. Dans un contexte de ressources sous tension, Sound Energy tente de valoriser ses engagements en matière de sécurité et de responsabilité environnementale. Le groupe signale un seul accident de travail et un incident routier en 2024, ainsi qu'une limitation des émissions à 936 tonnes de CO2 équivalent, principalement liées aux travaux à Tendrara. Une étude de captation de carbone est en cours, tandis qu'un partenariat avec Getech sur le potentiel d'hydrogène naturel et d'hélium au Maroc se poursuit, avec des résultats attendus courant 2025. En réalité, Sound Energy semble avoir cédé à Managem les clés d'un projet qui a longtemps nourri ses ambitions africaines. L'entreprise britannique se replie sur un rôle technique marginal, tentant de limiter les dégâts financiers tout en gardant un pied dans l'aventure gazière marocaine. Mais la dépréciation massive de ses actifs et la réduction drastique de ses capacités d'investissement laissent entrevoir un avenir plus contraint qu'espéré. Le groupe devra convaincre les marchés qu'il peut encore peser dans la recomposition énergétique au Maroc et au-delà. Une équation complexe, à l'heure où les majors de l'énergie et les conglomérats miniers marocains prennent définitivement le contrôle du jeu.