Une étape décisive vient d'être franchie en République démocratique du Congo. La Commission spéciale du Sénat a recommandé, à l'unanimité, la levée de l'immunité parlementaire de Joseph Kabila, ancien président de la République et sénateur à vie. La décision, rendue publique jeudi 22 mai, pourrait ouvrir la voie à des poursuites judiciaires contre l'ex-chef de l'Etat, près de quatre ans après son retrait du pouvoir. La recommandation de la Commission spéciale intervient à la suite d'un réquisitoire de l'auditeur général des Forces armées de la RDC (FARDC), transmis au parquet militaire. Ce dernier accuse Joseph Kabila d'une implication présumée dans les conflits armés qui déchirent depuis des années l'Est du pays. Le dossier, qualifié de « sensible » par plusieurs observateurs, suscite déjà de vives réactions au sein de la classe politique et dans les cercles de la société civile. Les faits reprochés à l'ancien président n'ont pas été détaillés officiellement, mais le contexte sécuritaire de l'Est – marqué par la présence de multiples groupes armés, des déplacements massifs de population et des violations graves des droits humains – confère une dimension hautement politique à l'affaire. La recommandation de la Commission ne constitue pas encore une décision définitive. Il revient désormais à la plénière du Sénat de se prononcer sur la levée de l'immunité de M. Kabila. Aucun calendrier officiel n'a encore été fixé, mais le vote à venir est d'ores et déjà présenté comme un moment clé dans l'histoire institutionnelle congolaise. Lire aussi : Rachid Talbi Alami s'entretient avec les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de la Slovaquie La possibilité qu'un ancien président en fonction de sénateur à vie soit justiciable comme tout autre citoyen constitue un précédent inédit en RDC. En cas de vote favorable, le pays s'engagerait dans une séquence politique et judiciaire sans précédent, avec de potentielles répercussions sur l'équilibre des institutions et les dynamiques partisanes. Unanimité rare et climat de redevabilité La décision unanime des 40 membres de la Commission spéciale a été largement commentée. Cette convergence, inhabituelle dans un paysage politique souvent polarisé, est interprétée par certains analystes comme le signe d'un tournant dans la culture de gouvernance. Elle reflèterait un désir croissant de transparence, de justice et de redevabilité au sein des institutions, dans un pays en quête de refondation démocratique. Pour d'autres, cette décision s'inscrit dans un contexte politique plus large, marqué par la montée des attentes populaires envers les élites dirigeantes et une volonté du pouvoir actuel d'affirmer son autorité. Au-delà du vote sénatorial, de nombreuses questions restent en suspens. La nature exacte des accusations, la solidité des éléments à charge, les garanties de procès équitable et les conséquences politiques d'une telle initiative sont au cœur des interrogations. L'issue du processus pourrait redessiner les rapports entre justice et pouvoir politique en RDC, tout en relançant le débat sur le statut juridique des anciens chefs d'Etat. Alors que le pays se prépare à des échéances électorales cruciales, l'affaire Kabila pourrait devenir un test majeur pour la consolidation de l'Etat de droit en République démocratique du Congo.