Le Royaume s'est hissé au sixième rang des destinations mondiales pour les jantes automobiles en alliage d'aluminium exportées depuis la Chine, témoignant d'une reconfiguration des flux logistiques et d'un ancrage croissant du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales. C'est un indicateur à première vue technique, presque anodin, mais qui en dit long sur la recomposition discrète en cours des chaînes d'approvisionnement mondiales dans le secteur automobile. Pour la première fois, le Maroc figure parmi les dix premières destinations des exportations chinoises de jantes en alliage d'aluminium, et plus précisément à la sixième position, selon les données du Shanghai Metals Market (SMM) consultées en mai 2025. En avril, le volume expédié vers le Royaume a atteint 5 300 tonnes, représentant 6,5 % du total des exportations chinoises sur ce segment. Ce classement propulse le Maroc devant des marchés bien établis comme le Canada, la Russie, la Malaisie ou encore l'Australie, et juste derrière les Etats-Unis, le Japon, le Mexique, la Corée du Sud et la Thaïlande. Un bond qui ne relève ni du hasard ni d'un simple effet conjoncturel, mais bien d'un redéploiement stratégique des circuits industriels, dont le Royaume semble désormais être l'un des pivots émergents. Outre le volume, le prix unitaire des exportations chinoises vers le Maroc offre un indice supplémentaire de la nature de cette insertion dans le commerce mondial. Affichant un tarif moyen de 5 217 dollars par tonne — soit près de 52 500 dirhams —, le Royaume se positionne parmi les marchés à forte valeur ajoutée, devançant notamment la Corée (4 134 dollars/tonne) et s'alignant presque sur les niveaux nord-américains. Lire aussi : Batteries électriques : le Maroc capte un projet industriel britannique à haute valeur ajoutée Ce positionnement tarifaire laisse supposer que les jantes destinées au marché marocain — ou, plus probablement, à son hinterland logistique — ne sont pas destinées à une consommation locale uniquement, mais s'inscrivent dans des flux de réexportation ou d'assemblage à destination de tiers, notamment européens ou africains. Une hypothèse qui renforce la lecture géo-industrielle du phénomène. Cette percée s'inscrit en effet dans une dynamique plus large, marquée par la montée en puissance du port de Tanger Med, devenu l'un des hubs logistiques les plus performants de la Méditerranée, ainsi que par l'émergence de zones industrielles intégrées comme celles de Kénitra ou de Casablanca. Grâce à des régimes douaniers incitatifs et à une politique industrielle tournée vers l'attraction d'investissements étrangers, le Maroc a su se positionner comme une alternative fiable dans la redéfinition des chaînes de valeur globales, en particulier depuis les perturbations post-Covid et la guerre commerciale sino-occidentale. Les données de SMM révèlent d'ailleurs un rééquilibrage géographique en cours. Alors que les Etats-Unis voient leurs importations de jantes chinoises reculer de 18,3 % sur un mois — à peine 2,32 millions de tonnes désormais —, des marchés dits « secondaires » comme le Mexique, le Maroc ou la Thaïlande enregistrent des hausses marquées. Le Mexique, par exemple, a franchi pour la première fois le seuil des 10 000 tonnes en avril, avec une croissance mensuelle de 22,7 % et une hausse annuelle spectaculaire de 44 %. L'Afrique du Nord, nouvelle frontière industrielle ? L'entrée du Maroc dans le radar des statistiques chinoises témoigne ainsi d'une tendance plus structurelle : l'intégration progressive de l'Afrique du Nord — et du Maroc en particulier — dans les trajectoires de relocalisation partielle d'industries à forte intensité capitalistique. La proximité géographique avec l'Europe, combinée à une stabilité politique relative, à des accords commerciaux avantageux (ALE avec l'UE, Etats-Unis, Turquie) et à une main-d'œuvre qualifiée à coût maîtrisé, positionne le Royaume comme un point d'ancrage stratégique entre les deux rives. Les entreprises chinoises ne s'y trompent pas. Plusieurs d'entre elles ont déjà implanté des unités d'assemblage ou de transformation dans des zones franches marocaines, anticipant la montée des barrières protectionnistes européennes et le durcissement des standards environnementaux. Le Maroc, qui mise sur la montée en gamme de son industrie automobile, voit ainsi se renforcer son rôle dans la fabrication de composants exportables, comme les jantes, batteries ou faisceaux électriques. Au niveau global, le marché des jantes automobiles d'origine chinoise demeure stable en volume, avec 81 400 tonnes exportées en avril contre 82 000 en mars. La croissance annuelle se maintient autour de 13 %, mais c'est bien la recomposition des débouchés qui interpelle. Les Etats-Unis, longtemps premiers importateurs, voient leur part de marché s'éroder au profit de pays plus dynamiques ou plus accessibles logistiquement. Le différentiel de prix entre les destinations corrobore cette tendance : entre les 4 243 dollars appliqués à la Corée et les 6 033 dollars vers l'Australie, le Maroc (5 217 dollars) apparaît comme une destination à la fois compétitive et rentable pour les exportateurs chinois.