Le Syndicat national de l'enseignement supérieur appelle à une grève nationale et dénonce un texte jugé menaçant pour l'autonomie et l'identité des établissements publics. Une initiative qui fait suite à des revendications multiples et anciennes. Le projet de loi 59.24 sur l'enseignement supérieur, actuellement porté par le gouvernement, provoque une levée de boucliers dans le monde académique marocain. Le Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNE-Sup) a annoncé une grève d'avertissement de vingt-quatre heures, mercredi 17 septembre, inaugurant une série d'actions de contestation qu'il qualifie d'« escalade nécessaire » pour contrer un texte perçu comme attentatoire à l'autonomie des universités et annonciateur d'une privatisation rampante. Réuni dimanche 14 septembre à la Faculté des sciences de Rabat, le comité administratif du syndicat a rejeté fermement la version actuelle du projet, qu'il accuse de fragiliser l'essence même du service public universitaire. « Ce texte constitue une étape dangereuse qui légitime la privatisation au sein du système universitaire, affaiblit son indépendance et sa démocratie et transforme les conseils universitaires en instances purement consultatives », indique un communiqué adopté à l'issue des débats. Lire aussi: Maroc : Les hôpitaux publics au bord de l'asphyxie Au cœur des critiques figure l'absence de concertation. Le SNE-Sup reproche au ministère de l'enseignement supérieur d'avoir « renoncé à ses engagements antérieurs » en écartant les instances élues de tout dialogue structuré. La réforme, selon les professeurs, s'inscrit dans une logique « verticale » où l'Etat impose ses choix sans tenir compte des réalités des campus. Ce procédé, affirment-ils, met à mal le cadre participatif qui a longtemps constitué un garde-fou face aux dérives autoritaires. Le syndicat appelle ainsi à un gel immédiat du processus d'approbation et à une reprise des discussions sur « une réforme globale et concertée », fondée sur des principes de démocratie, de libre accès et de bonne gouvernance. Au-delà du rejet du projet de loi, la mobilisation recouvre des revendications structurelles restées en suspens. Le SNE-Sup demande la résolution des dossiers de promotion 2023 et l'accélération des procédures pour 2024 et 2025, ainsi que la reconnaissance de l'ancienneté acquise dans la fonction publique. Il réclame également une révision des grilles salariales, une exonération fiscale des rémunérations liées à la recherche scientifique et une réduction des délais de changement de grade. La question budgétaire occupe une place centrale. Le syndicat insiste sur l'augmentation substantielle des financements consacrés à la recherche scientifique, rappelant que le Maroc reste loin des standards internationaux. L'amélioration des infrastructures, la mise en place de laboratoires modernes et l'attraction de chercheurs de haut niveau constituent, selon lui, des conditions indispensables pour hisser les universités marocaines au rang d'acteurs crédibles sur la scène académique mondiale. Les universitaires voient dans le projet de loi 59.24 un basculement qui risque d'affaiblir durablement la mission sociale de l'enseignement supérieur. En insistant sur l'« identité des universités publiques », ils dénoncent une logique qui, sous couvert de modernisation, favoriserait la fragmentation institutionnelle et l'intrusion d'intérêts privés au détriment du principe de gratuité. Pour donner plus de poids à leur mobilisation, les enseignants appellent à la formation d'un « large front national » associant syndicats, forces politiques et acteurs de la société civile afin de défendre la place de l'université publique comme pilier du développement national. Une conférence de presse est prévue le jour de la grève pour détailler les griefs et expliciter les scénarios d'action envisagés. L'issue de ce bras de fer dépendra de la capacité du gouvernement à renouer avec le dialogue. À défaut, le risque est grand de voir s'installer un climat de confrontation durable, à un moment où les universités marocaines sont appelées à jouer un rôle accru dans l'économie de la connaissance et dans la préparation du pays aux défis internationaux.