Alors que les tensions militaires entre Israël et l'Iran atteignent un seuil critique, l'analyste Martin Armstrong tire la sonnette d'alarme sur les répercussions économiques majeures d'un embrasement régional. Inflation des matières premières, crise monétaire globale, effondrement des monnaies fiduciaires : le spectre d'un chaos financier plane. Dans un climat international déjà fracturé par les conséquences prolongées de la guerre en Ukraine, le brasier qui s'allume au Moyen-Orient pourrait bien précipiter le monde dans une crise économique systémique. C'est en tout cas l'analyse de Martin Armstrong, spécialiste des cycles économiques et consultant pour des institutions financières internationales. Selon lui, l'intensification des hostilités entre Israël et l'Iran risque de produire une onde de choc bien au-delà des frontières de la région. Armstrong ne s'attarde pas sur les considérations militaires ou diplomatiques. Son regard, exclusivement tourné vers les conséquences économiques, alerte sur une dynamique déjà enclenchée : « Le conflit qui se dessine n'est pas une simple escalade. Il met en péril les fondements du système monétaire international », estime-t-il dans une note publiée récemment. Au premier rang des indicateurs de cette instabilité : les matières premières. Armstrong prévoit un envol spectaculaire du prix du pétrole, dopé par la fermeture potentielle du détroit d'Ormuz – une artère stratégique par laquelle transite près de 30 % du pétrole mondial. « Le baril pourrait atteindre 115 dollars, voire davantage, dès juillet », avertit-il. Une telle hausse, dans un contexte inflationniste déjà tendu, menacerait directement la reprise économique en Europe et en Asie. Lire aussi : Iran-Israël : Frappes croisées pour le cinquième jour consécutif L'or, valeur refuge par excellence en période d'incertitude, devrait également connaître une flambée historique. Armstrong anticipe un cours à 5 000 dollars l'once, soit plus du double de son record actuel. Quant à l'argent, autre actif tangible prisé en temps de crise, il pourrait dépasser le seuil symbolique de 50 dollars. Autrement dit, les marchés semblent se préparer non seulement à un conflit militaire, mais aussi à une perte de confiance généralisée dans les devises traditionnelles. Au-delà de la volatilité des matières premières, Armstrong pointe surtout un risque de nature systémique : l'effondrement du système monétaire fondé sur les monnaies fiduciaires. « Le dollar, comme les autres monnaies fiat, repose sur la stabilité géopolitique. Or celle-ci est en train de voler en éclats », analyse-t-il. Pour lui, les politiques monétaires expansionnistes menées depuis la crise financière de 2008 ont fragilisé l'édifice monétaire mondial. La guerre pourrait en précipiter l'implosion. Dans cette optique, l'inflation deviendrait structurelle, et non plus conjoncturelle. La remontée des taux d'intérêt par les banques centrales ne suffirait plus à contenir la défiance des investisseurs. L'Europe, en particulier, risquerait un double choc : énergétique d'une part, monétaire de l'autre. L'Allemagne, encore largement dépendante des importations d'énergie fossile, verrait sa compétitivité sévèrement entamée. Un engrenage incontrôlable pour les marchés Au-delà des chiffres, Armstrong décrit un engrenage géopolitico-économique d'une ampleur inédite. « Ce n'est pas une simple crise. C'est un cycle long, une contagion globale », affirme-t-il. Selon lui, l'interconnexion croissante entre les blocs géopolitiques – Chine, Russie, Iran d'un côté ; Etats-Unis et alliés de l'autre – rend toute escalade militaire économiquement insoutenable. La Chine, principal importateur de pétrole iranien, pourrait se retrouver entraînée dans un conflit qu'elle ne souhaite pas mais qu'elle ne peut ignorer. De même, la Russie, déjà engagée en Ukraine, verrait dans un embrasement au Moyen-Orient un moyen de déstabiliser davantage les équilibres occidentaux. En filigrane de l'analyse d'Armstrong se dessine une crise plus pernicieuse encore : celle de la confiance. Confiance dans la stabilité des grandes puissances. Confiance dans la solidité des monnaies. Confiance dans la capacité des institutions internationales à prévenir l'engrenage. Une fois cette confiance érodée, les marchés pourraient basculer vers une économie de la peur, où les actifs tangibles – terres, métaux précieux, énergie – supplanteraient les instruments financiers traditionnels. Cette perspective inquiète de nombreux investisseurs institutionnels, qui commencent à revoir leurs allocations d'actifs en prévision d'un scénario extrême. L'or, naguère considéré comme une couverture accessoire, revient au centre des stratégies patrimoniales. Certains fonds souverains asiatiques ont déjà entamé une réorientation de leurs réserves, au détriment du dollar américain.