Sous le coup de lourdes accusations et menacé de prison, l'ancien président brésilien Jair Bolsonaro s'est montré combatif dimanche lors d'un rassemblement à Sao Paulo, où il a encore clamé son innocence tout en esquissant les contours de sa stratégie pour les élections générales de 2026. Face à quelque 12.400 partisans réunis sur l'emblématique avenue Paulista, l'ex-chef de l'Etat (2019-2022) a rejeté les accusations de tentative de coup d'Etat portées contre lui et appelé à un large soutien pour peser sur l'avenir du Brésil avec ou sans écharpe présidentielle. « Donnez-moi 50 % des députés et des sénateurs, et je change le destin du Brésil. Je n'ai même pas besoin d'être président », a-t-il lancé dans un discours ponctué de références à Dieu et à la patrie, persuadé que le salut du pays passe désormais par le Parlement. Bolsonaro (70 ans) est poursuivi pour avoir, selon l'accusation, dirigé un réseau ayant conspiré pour le maintenir au pouvoir après sa défaite face à Luiz Inácio Lula da Silva en 2022. Lui et sept proches collaborateurs sont renvoyés devant la Cour suprême pour organisation criminelle armée, tentative de renversement de l'Etat de droit et autres chefs passibles de plus de 40 ans de prison. La procédure est entrée vendredi dans sa phase finale, avec l'ouverture du délai pour les ultimes plaidoiries. Lire aussi : « Le monde n'est pas prêt à vivre sans pétrole » : Lula justifie l'exploration en Amazonie brésilienne Le 10 juin, lors d'un interrogatoire très attendu devant l'influent juge Alexandre de Moraes, figure honnie du camp bolsonariste, l'ancien président avait nié toute implication dans un complot putschiste. « On me poursuit, mais pas pour corruption, ni pour avoir détourné l'argent de Petrobras, pillé le fonds de pension de la Banque du Brésil ou la Poste. On ne me poursuit pas pour avoir trouvé de l'argent dans l'un de mes appartements, ou possédé une propriété quelque part, ou un appartement en bord de mer (…) On me poursuit pour une simple fumée de coup d'Etat », a-t-il dit dimanche. « Si c'était vraiment un coup d'Etat, vous ne seriez pas là aujourd'hui », a-t-il rassuré ses partisans, dénonçant une « persécution politique » orchestrée, selon lui, pour l'exclure du jeu électoral. Déjà déclaré inéligible jusqu'en 2030 par la justice électorale pour ses attaques infondées contre les urnes électroniques, Bolsonaro a même laissé entendre que les violences du 8 janvier 2023, qui avaient vu des milliers de manifestants envahir et vandaliser la place des Trois-pouvoirs à Brasilia, seraient en réalité « un mouvement orchestré par la gauche ». À ses côtés, plusieurs poids lourds de la droite brésilienne, dont le gouverneur de Sao Paulo, Tarcisio de Freitas, n'ont pas ménagé leurs critiques contre le gouvernement Lula et la Cour suprême. « Nous sommes ici pour demander justice, amnistie et pacification. En deux ans et sept mois, ils ont tout détruit. Le Brésil n'en peut plus du Parti des travailleurs, de la corruption et des taux d'intérêt élevés », a tonné M. Tarcisio, pressenti comme possible candidat conservateur à la présidentielle si Bolsonaro restait écarté. Le rassemblement, organisé sous le slogan « Justice maintenant », visait aussi à réclamer l'amnistie des condamnés pour les violences du 8 janvier. Politiquement, la stratégie de Bolsonaro est claire : faute de pouvoir briguer à nouveau la présidence, il compte faire des législatives de 2026 un test de force pour asseoir la domination du Parti Libéral (PL) au Parlement. Ce dernier, déjà première force à la Chambre, ambitionne de renforcer son poids au Sénat afin de contrer la Cour suprême et peser dans les commissions clés. « Je ne suis pas obsédé par le pouvoir. Je suis amoureux de ma patrie. Même si je ne redeviens pas président, tant que je resterai président d'honneur du PL, nous ferons ce que vous attendez », a martelé Bolsonaro, alors qu'en coulisses ses alliés débattent d'un éventuel dauphin, qu'il s'agisse de l'un de ses fils ou de la populaire ex-première dame Michelle Bolsonaro. Malgré ces discours galvanisants, la mobilisation accuse un net repli. Depuis février, les manifestations pro-Bolsonaro n'ont cessé de perdre en affluence : de 185.000 personnes en février à 45.000 en avril, pour tomber à 12.400 dimanche, selon les calculs de l'Université de Sao Paulo.