Le Maroc redéfinit discrètement sa stratégie d'approvisionnement en blé, en élargissant ses horizons vers la mer Noire et les Amériques. Un repositionnement qui traduit une volonté de réduire sa dépendance vis-à-vis de ses fournisseurs traditionnels, tout en s'adaptant aux nouvelles dynamiques du marché mondial. Sous l'effet conjugué de la baisse des importations européennes et de conditions climatiques défavorables, le Maroc adapte progressivement sa stratégie céréalière. Il renforce ses stocks de sécurité et élargit son réseau de fournisseurs, porté par la montée en puissance des exportateurs de la mer Noire et une percée américaine remarquée. Une transition révélatrice des nouveaux équilibres agricoles dans la région. Selon les médias, le rapport du Département américain de l'Agriculture (USDA) publié le 11 juillet 2025, affirme que l'Afrique du Nord représente à elle seule 15 % des importations mondiales de blé. Malgré une contraction de 10 % des échanges mondiaux, les importations de la région ont progressé de 1 % sur l'année 2024-2025. Cette dynamique a transformé la région en un véritable champ de concurrence entre les exportateurs. La Russie en profite pour renforcer sa présence, atteignant près de 50 % de parts de marché, dépassant ainsi l'Union européenne, affaiblie par une faible récolte, notamment en France. L'Ukraine, de son côté, profite de sa proximité géographique pour consolider ses positions. Le Maroc recompose sa carte des importations de blé Dans ce contexte, le Maroc illustre à lui seul cette nouvelle orientation. D'après les données de l'USDA de juin 2025, les importations marocaines de blé en provenance de l'Union européenne ont reculé de 38 % sur un an, passant de 2,47 à 1,47 million de tonnes. En parallèle, la Russie a triplé ses exportations vers le Royaume, atteignant 1,08 million de tonnes. L'Ukraine a également renforcé sa présence avec une hausse de 54 % de ses livraisons. Ce réalignement des flux s'inscrit dans une tendance régionale plus large, comme en témoigne l'éviction de la France des appels d'offres en Algérie depuis juillet 2024, ou encore la hausse des exportations ukrainiennes vers la Tunisie. Lire aussi : Filière arboricole : Les pluies tardives sans effet durable sur la sécheresse Dans une publication relayée par les médias, la Fédération nationale de la minoterie (FNM), a affirmé que cette évolution est appelée à durer. Elle estime que le Maroc, qui dépendait à 50 % de la France pour ses besoins en blé, pourrait à court ou moyen terme se tourner vers les Etats-Unis pour couvrir jusqu'à 20 % de sa demande. En dépit d'une récolte nationale en hausse, les importations restent nécessaires. La production 2025-2026 de blé et d'orge est estimée à 4,4 millions de tonnes, en augmentation de 40 % par rapport à l'année dernière grâce aux pluies du printemps, selon un rapport du Foreign Agricultural Service (FAS) du Département américain de l'agriculture publié le 31 mars 2025. Cependant, ce niveau reste en dessous de la moyenne historique, ce qui oblige le pays à maintenir ses importations annuelles entre 5 et 6 millions de tonnes. Les sécheresses fréquentes rendent la sécurité alimentaire plus vulnérable, poussant à repenser les approvisionnements. Une diversification transatlantique inédite C'est dans ce cadre que le gouvernement marocain a lancé une stratégie de renforcement des stocks de sécurité. Selon les médias, un nouveau mécanisme permet de constituer une réserve couvrant six mois de consommation, contre deux à trois mois auparavant. L'Etat prend en charge les frais de stockage, tandis que les opérateurs financent l'achat de 8 millions de quintaux supplémentaires, équivalant à deux mois de consommation. Ce dispositif est accompagné d'une diversification transatlantique. Selon la FNM, le Maroc a ainsi importé pour la première fois 100 000 tonnes de blé tendre américain, motivé par des prix inférieurs de 50 dollars par tonne par rapport à ceux proposés par la Russie ou l'Union européenne en 2025. Le blé américain présente aussi des avantages techniques, notamment un taux d'humidité inférieur à celui du blé canadien. Malgré la distance, l'approvisionnement depuis les Etats-Unis devient compétitif, notamment grâce à la baisse des cours mondiaux (–30 % par rapport à 2024) et à la bonne performance logistique des ports marocains. Cette orientation vers les Etats-Unis n'annule pas les liens avec la mer Noire, mais vient les compléter dans une logique de sécurisation et d'optimisation. À l'échelle régionale, cette transformation des flux s'accélère. Selon l'USDA, la concurrence s'intensifiera en Afrique du Nord en 2025-2026. L'Union européenne devrait restreindre les exportations ukrainiennes, poussant Kiev à cibler davantage les marchés tiers. La Russie prévoit une hausse de ses exportations de 1 million de tonnes, les Etats-Unis de 500 000 tonnes. Ces évolutions placent le Maroc au centre d'une nouvelle carte céréalière. En outre, la proximité logistique de la mer Noire, avec des trajets de 3 à 5 jours vers les ports marocains, constitue un avantage pour la Russie et l'Ukraine. Néanmoins, le Royaume parvient à compenser ce facteur avec des prix américains plus bas et une logistique nationale efficace, rendant viable cette diversification.