Le Maroc façonne actuellement une stratégie d'influence inédite en Amérique latine, articulée autour de la consolidation de sa souveraineté, la diversification de ses alliances et le renforcement de son soft power sur le continent. Entre juin et début juillet 2025, cette stratégie s'est matérialisée par une série d'initiatives politiques, diplomatiques et institutionnelles destinées à inscrire le Plan d'autonomie pour le Sahara dans l'agenda régional et à y asseoir des partenariats durables. Le Maroc oriente sa diplomatie dans une direction volontariste, fondée sur une combinaison rare de diplomatie d'Etat, de diplomatie parlementaire et de relations partisanes. Cette synergie permet de tisser des relations avec des acteurs multiples – ministres, parlementaires, leaders d'opinion – dans des pays latino-américains aux configurations institutionnelles complexes. Résultat : une projection diplomatique à la fois flexible, réactive et profondément ancrée. C'est précisément cette volonté qui a présidé aux succès diplomatiques enregistrés en juin et juillet 2025. Le 4 juillet 2025, l'Equateur a franchi un jalon diplomatique significatif en inaugurant sa première ambassade en Afrique du Nord, installée à Rabat. À l'issue d'un entretien à huis clos avec le ministre M. Nasser Bourita, la ministre équatorienne des Relations extérieures, Gabriela Sommerfeld, a affirmé que Quito et Rabat « partagent les mêmes aspirations de souveraineté, d'intégration et de dialogue structuré ». En parallèle, elle a annoncé un mémorandum d'entente destiné à renforcer la coordination politique, économique et sécuritaire, selon les termes employés par M. Nasser Bourita. Le diplomate marocain a jugé cette rencontre de « tournant majeur », soulignant l'introduction prochaine de l'Equateur dans le dispositif d'e‐visa marocain et la réciproque possible d'un consulat à Quito. Dans sa déclaration, M. Bourita a insisté sur la pertinence de ces gestes dans « une approche Sud‐Sud structurée », en ajoutant : « le Sud peut s'ériger en espace d'influence et de rapprochement politique, loin des politiques attisant la division ». Lire aussi : Maroc–Guatemala : Cap sur un partenariat renforcé Le Guatemala, soutien franc et ouvert Le même jour, le Guatemala a réitéré solennellement son appui à la marocanité du Sahara. Le ministre guatémaltèque M. Carlos Ramiro Martinez Alvarado a désigné l'initiative d'autonomie comme « l'unique base sérieuse, crédible et réaliste » pour un règlement pérenne du différend, tout en rappelant l'ouverture du consulat général à Dakhla en décembre 2022. Lors d'un point presse joint avec M. Nasser Bourita, M. Martinez Alvarado a également loué l'engagement du Maroc et salué sa pertinence dans le maintien des principes de souveraineté nationale. Plus encore, il a indiqué que « l'appui total » de son pays vise à construire une solution « ». M. Nasser Bourita s'est, quant à lui, félicité de la robustesse des relations centrées sur le respect mutuel, la coopération continue, la sécurité alimentaire, les énergies renouvelables, la migration et la lutte contre la criminalité transnationale. Profitant de la dynamique créée, des délégations marocaines appartenant à la diplomatie parlementaire, notamment la Chambre des représentants, ont entrepris des visites dans plusieurs assemblées latino-américaines. Ces échanges, centrés sur des controverses telles que la reconnaissance de la « RASD », visent à obtenir des résolutions favorables au plan marocain d'autonomie. Toutefois, les détails sur les pays ciblés au demeurant n'ont pas été rendus publics. Les témoignages disponibles suggèrent un ancrage croissant au sein du Parlement andin, sans qu'aucune date précise ne soit mentionnée dans les sources. Parallèlement, le Maroc intensifie son action dans les domaines universitaire et culturel. Un séminaire mené à Lima (Pérou), dans le cadre du réseau Eurolat, a offert une tribune d'influence diplomatique et culturelle. Ces échanges, couplés à des expositions, des forums économiques et des accords universitaires, multiplient le soft power du Royaume dans une région attentive à la coopération Sud‐Sud. Une doctrine diplomatique articulée La diplomatie marocaine en Amérique latine repose sur une doctrine claire et structurée. Elle s'emploie avant tout à diversifier ses partenariats, en s'affranchissant du cadre euro-méditerranéen traditionnel pour bâtir un réseau d'alliances Sud‐Sud fondé sur des logiques de complémentarité et de solidarité. Cette réorientation stratégique élargit le spectre des relations internationales du Royaume. Par ailleurs, une attention particulière est portée à la défense de la souveraineté nationale, à travers la mise en avant de la question du Sahara sur la scène diplomatique régionale. Plusieurs Etats de la région ont d'ores et déjà exprimé un soutien explicite à la position marocaine, contribuant à renforcer la portée de cette démarche. Dans le même esprit, Rabat mise sur une approche complémentaire qui combine l'action des institutions étatiques à celle de la diplomatie parlementaire et des initiatives issues des milieux académiques, culturels et associatifs. Cette mobilisation plurielle permet d'élargir les canaux d'influence tout en consolidant l'image du Maroc comme acteur ouvert et pluriel. Cependant, le Royaume s'appuie sur un soft power structurant, fondé sur la multiplication des échanges universitaires, des collaborations artistiques et des partenariats économiques. Ce levier d'influence vise à installer une présence crédible, respectée et durable dans l'espace latino-américain. Face à l'hostilité, une réponse masquant la provocation algérienne À l'inverse de cette stratégie constructive, l'Algérie déploie une diplomatie réactive, centrée sur le blocage idéologique de l'influence marocaine. Fondée sur un discours agressif, appuyé par des campagnes médiatiques et des manœuvres militaires au Sahel, cette approche contraste avec la stratégie persuasive de Rabat. Elle paraît de moins en moins pertinente à mesure que les positions pro-marocaines se multiplient en Amérique latine. Le Maroc capitalise sur son identité hybride, africaine, arabe, amazighe, méditerranéenne et atlantique, pour s'adresser à une Afrique latine en quête de partenaires culturels et géopolitiques diversifiés. Cette posture séduit les élites régionales, notamment dans un contexte mondial où le Sud s'affirme face aux disparités géopolitiques traditionnelles. Forum économique Guatemala–Maroc Annoncé dans le cadre des 55 ans de relations diplomatiques, ce forum promet de stimuler les investissements, notamment dans l'agroalimentaire, les énergies propres et la sécurité alimentaire. L'élaboration d'une feuille de route bilatérale (2025–2027) entre Rabat et Guatemala City vise à structurer les dialogues politiques, les partenariats universitaires et les échanges culturels. Un mémorandum de coopération académique entre l'Institut diplomatique marocain et son homologue guatémaltèque en est l'un des jalons. Dans ce sens, le Maroc et le Guatemala envisagent un dialogue stratégique autour de la gestion migratoire, des réseaux criminels transnationaux, de la sécurité aux frontières et de l'organisation des flux humains. En plus, l'inclusion de l'Equateur dans le dispositif marocain d'e‐visa simplifiera la mobilité et renforcera le partenariat. Grâce à une approche multiforme – diplomatie étatique, parlementaire, universitaire et culturelle -, le Maroc inscrit son projet d'autonomie pour le Sahara sur le terrain international latino-américain. Le soutien explicite de l'Equateur et du Guatemala, la signature de mémoranda, l'ouverture d'ambassades et la diversification des coopérations concrètes témoignent de la solidité de cette stratégie. Face à une Algérie en posture antagoniste, Rabat avance avec sérénité : il ne revendique pas, il propose ; il ne structure pas sa diplomatie sur la fracture, mais sur l'union des intérêts et des convictions. Ce repositionnement n'est ni passager ni opportuniste. Il est le signe d'un Maroc qui se pense « acteur global », dans un monde redessiné par le Sud. Construction d'un nouvel axe diplomatique Avec rigueur et constance, le Maroc trace une voie diplomatique ambitieuse au cœur de l'Amérique latine, fondée sur la diversification stratégique et la cohérence politique. Le soutien affirmé de l'Equateur et du Guatemala, l'engagement croissant d'institutions législatives, universitaires et culturelles, illustrent une stratégie holistique et solide. Face aux manœuvres hostiles d'Etats comme l'Algérie, la réponse marocaine n'est pas polémique : elle est persuasive, structurée, patiente. Les succès actuels — amitiés renouvelées, établissements de missions diplomatiques, forums économiques — ne relèvent pas du hasard : ils sont le fruit d'une diplomatie patiente, attentive aux acteurs multiples, bâtie sur la proximité culturelle et l'appui institutionnel. En misant sur des alliances horizontales, le Royaume se donne les moyens de promouvoir une gouvernance mondiale fondée sur le codéveloppement et le respect mutuel. Ce choix assoit la position du Maroc comme acteur global, consciencieux et affirmé, déterminé à valoriser sa particularité géographique et culturelle au service d'une diplomatie réinventée.