Pour la première fois depuis la reconnaissance de l'Etat d'Israël en 1950, le Royaume-Uni a annoncé, dimanche 21 septembre, la reconnaissance officielle de l'Etat de Palestine. Une décision qualifiée d'« historique », prise de concert avec le Canada et l'Australie, et présentée par le gouvernement de Rishi Sunak comme une tentative de sauver la perspective de la solution à deux Etats, menacée par l'enlisement du conflit à Gaza et l'expansion continue des colonies israéliennes en Cisjordanie. Depuis plusieurs décennies, Londres s'était engagée, au nom du droit des Palestiniens à l'autodétermination, à soutenir le principe d'un Etat palestinien viable aux côtés d'Israël. Mais la reconnaissance formelle avait toujours été repoussée, considérée comme un instrument de négociation à activer dans le cadre d'un accord final de paix. Le Premier ministre britannique justifie aujourd'hui ce revirement par « la dégradation sans précédent de la situation sur le terrain », évoquant à la fois les destructions massives dans la bande de Gaza, l'extension des colonies illégales en C isjordanie et la détention d'otages par le Hamas. Lire aussi : ONU : Près des trois quarts des Etats membres reconnaissent l'Etat de Palestine « Le Royaume-Uni a une responsabilité morale d'agir pour préserver la perspective d'une paix durable », a déclaré Rishi Sunak, rappelant que « la reconnaissance de l'Etat palestinien ne saurait en aucun cas profiter au Hamas », organisation qualifiée de « brutale et terroriste » par le gouvernement. La reconnaissance de la Palestine vise autant à répondre aux aspirations palestiniennes qu'à adresser un message clair à Israël. Londres insiste sur le caractère « inaliénable » du droit des Palestiniens à un Etat souverain, mais conditionne ce processus à une réforme en profondeur de l'Autorité palestinienne, notamment la tenue d'élections dans l'année suivant un cessez-le-feu. En parallèle, le gouvernement britannique a rappelé son soutien à « la sécurité d'Israël et de son peuple », tout en exigeant un changement de cap de la part de Tel-Aviv : arrêt des opérations militaires à Gaza, autorisation de l'acheminement de l'aide humanitaire et suspension immédiate de l'expansion coloniale en Cisjordanie. Le Foreign Office a annoncé la préparation de nouvelles sanctions visant les dirigeants du Hamas dans les semaines à venir. « La reconnaissance de la Palestine n'est pas une fin en soi », a insisté la ministre des affaires étrangères, Yvette Cooper, qui doit porter cette initiative au Conseil de sécurité des Nations unies. « Elle s'inscrit dans une stratégie diplomatique plus large pour obtenir un cessez-le-feu, libérer les otages et bâtir les fondations d'une paix durable. » Londres a pris soin d'annoncer ce geste conjointement avec deux partenaires de poids, le Canada et l'Australie, afin de donner une dimension internationale à cette initiative. Les trois pays affirment vouloir entraîner une dynamique diplomatique qui dépasse les clivages traditionnels, alors que plusieurs Etats membres de l'Union européenne se montrent divisés sur la question. La reconnaissance constitue la première étape d'un « cadre pour la paix » que le Royaume-Uni souhaite mettre en place avec ses alliés, combinant mesures de gouvernance, garanties sécuritaires, accès humanitaire et mécanismes de suivi du cessez-le-feu. Ce geste britannique intervient dans un contexte où la solution à deux Etats semble de plus en plus hypothétique. Les violences qui se sont multipliées depuis deux ans, la radicalisation d'une partie de la société israélienne et l'affaiblissement de l'Autorité palestinienne réduisent considérablement l'espace de négociation. Les observateurs s'interrogent dès lors sur la portée réelle de cette reconnaissance. « C'est un signal politique fort, mais sans effet immédiat sur le terrain », souligne un diplomate européen, qui insiste sur la nécessité d'un consensus international pour en faire un levier de pression sur les parties. Londres parie que ce geste, en rompant avec une longue prudence, redonne crédibilité et urgence au scénario de deux Etats voisins et souverains. Londres avait reconnu l'Etat d'Israël en 1950. Soixante-quinze ans plus tard, la reconnaissance de l'Etat de Palestine entend rééquilibrer une diplomatie jugée jusqu'ici asymétrique. Elle s'inscrit dans une tendance plus large, plusieurs pays européens ayant déjà franchi ce pas ces dernières années.