Chaque mois de septembre, New York se transforme en théâtre de la diplomatie mondiale avec l'ouverture de l'Assemblée générale des Nations unies. La 80e session, qui s'ouvre ce mardi, verra se succéder à la tribune plus de 140 chefs d'Etat et de gouvernement venus défendre leurs priorités et livrer leur vision des équilibres internationaux. La tradition veut que le Brésil inaugure toujours les débats, un privilège hérité des premières années de l'organisation où le pays acceptait de s'exprimer lorsque les autres membres rechignaient à le faire. En tant que pays hôte du siège onusien, les Etats-Unis interviennent immédiatement après. L'ordre des discours est ensuite établi selon une hiérarchie bien rodée : d'abord les chefs d'Etat, puis les vice-présidents, les princes héritiers, les chefs de gouvernement et, plus tard, les ministres ou représentants de rang inférieur. Les observateurs permanents, tels que le Saint-Siège, l'Etat de Palestine ou l'Union européenne, disposent eux aussi d'un droit de parole. Si les dirigeants sont invités à limiter leurs interventions à une quinzaine de minutes, ce cadre reste largement indicatif. L'histoire de l'ONU a retenu les envolées marathon de certains orateurs, comme Fidel Castro qui, en 1960, avait tenu la salle en haleine plus de quatre heures, ou Mouammar Kadhafi qui, en 2009, avait prolongé son allocution pendant près d'une heure et demie. Le thème retenu cette année, « Mieux ensemble : 80 ans et plus pour la paix, le développement et les droits humains », devrait donner une tonalité consensuelle à l'ouverture des débats. Pourtant, conformément à l'usage, la plupart des chefs d'Etat et de gouvernement ne s'attarderont que brièvement sur cette devise avant de recentrer leur discours sur les urgences diplomatiques de l'heure. Parmi les crises les plus brûlantes figure le conflit entre Israël et le Hamas, qui entre dans sa deuxième année. La situation humanitaire à Gaza, marquée par le spectre d'une famine imminente, ne manquera pas d'alimenter les interventions. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, placé sous mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre présumés, doit s'exprimer en fin de semaine prochaine, tandis que le président palestinien, Mahmoud Abbas, interviendra par visioconférence après que les autorités américaines lui ont refusé un visa. L'Ukraine occupera également une place de premier plan. Le président Volodymyr Zelensky prendra la parole mercredi pour tenter de maintenir la mobilisation internationale autour de son pays, alors que Washington, sous l'impulsion de Donald Trump, explore les voies d'une négociation avec Moscou. La Russie sera représentée par son ministre des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, attendu à la tribune samedi, tandis qu'une réunion spéciale du Conseil de sécurité se penchera sur l'évolution du conflit. Les débats devraient aussi être marqués par la question iranienne, alors que Téhéran tente d'éviter le rétablissement automatique des sanctions du Conseil de sécurité prévu le 28 septembre. La présence à New York du président Massoud Pezeshkian et de son ministre des affaires étrangères, Abbas Araqchi, illustre l'importance d'une bataille diplomatique menée dans un contexte tendu. L'actualité syrienne suscite par ailleurs une attention singulière. L'apparition d'Ahmed al-Charra, nouveau président issu du mouvement Hay'at Tahrir al-Cham, constituera un moment inédit. Le renversement de Bachar al-Assad en décembre dernier et la fin d'une guerre civile de treize années confèrent une portée symbolique à cette prise de parole, même si elle demeure controversée en raison du passé djihadiste du groupe HTS. Au-delà des conflits armés, des enjeux globaux s'imposeront également dans l'hémicycle. Le réchauffement climatique, qui met en péril de nombreux pays insulaires et fragilise les économies les plus vulnérables, sera une nouvelle fois au centre des appels à l'action. De même, la défense des droits des femmes bénéficiera d'un temps fort lundi, à l'occasion du trentième anniversaire de la conférence de Pékin. Les participants devront alors constater le décalage persistant entre les engagements solennels pris en 1995 et les réalités actuelles marquées par des reculs inquiétants. Le dossier soudanais devrait également trouver écho dans les discours. La guerre qui oppose depuis deux ans et demi l'armée nationale aux Forces de soutien rapide a provoqué ce que les Nations unies qualifient de pire crise humanitaire au monde. Plusieurs pays, dont les Etats-Unis, l'Egypte, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, plaident pour une trêve de trois mois comme prélude à un cessez-le-feu durable. Les tensions croissantes entre le Venezuela et les Etats-Unis viendront compléter ce tableau chargé. Caracas dénonce la présence militaire américaine dans les Caraïbes et les récentes frappes contre des embarcations suspectées de trafic de drogue. Le ministre des affaires étrangères, Yvan Gil, défendra la position de son pays samedi, dans un climat de confrontation verbale attendu. Enfin, derrière les discours officiels, une autre discussion s'invite en coulisses : celle de la succession d'António Guterres, dont le mandat de secrétaire général s'achèvera fin 2026. Les spéculations sur les noms de ses successeurs potentiels animent déjà les diplomates, alors que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité s'apprêtent à jouer un rôle décisif dans ce processus. Au total, cette 80e session illustre à la fois la permanence des fractures géopolitiques et la vitalité du multilatéralisme. Gaza, l'Ukraine et l'Iran devraient capter l'essentiel de l'attention médiatique, tandis que les débats sur le climat, les droits humains et la gouvernance mondiale rappelleront l'importance de préparer un avenir commun dans un contexte de tensions accrues.