La nouvelle édition du festival d'Asilah s'ouvre cette année dans une atmosphère singulière marquée par l'absence de son fondateur Mohammed Benaïssa, ancien ministre marocain des affaires étrangères, disparu en février et qui a laissé une empreinte indélébile dans l'imaginaire culturel du royaume. Le quotidien égyptien Al-Ahram écrit que «le festival d'Asilah intervient cette année alors que la mort a fauché son fondateur et inspirateur, Mohammed Benaïssa». La petite ville atlantique, auréolée de ses murailles blanches et de la quiétude marine, «ne se mentionne guère sans que son nom soit associé à ce rendez-vous culturel fascinant et au visage de son fils dévoué, né entre ses murs immaculés, parti jeune au Caire pour y étudier le journalisme, avant que la diplomatie ne l'entraîne dans le monde entier sans jamais étouffer sa passion pour la culture». Selon le journal, la naissance du festival a été comparable à «un miracle culturel». L'article rappelle que «cette idée infime, surgie dans une ville des confins atlantiques, s'est muée, en plus de quatre décennies de persévérance, en un flambeau éclatant sur la carte culturelle arabe». Le festival a transformé Asilah «d'un forum passager en un centre culturel et touristique durable, offrant ses ruelles méditerranéennes en autant de fresques vivantes, et se présentant comme le plus vaste musée à ciel ouvert des rives atlantiques». Chaque saison, poursuit Al-Ahram, «Asilah a démontré qu'elle battait au rythme même de la culture arabe». Les écrivains, penseurs et artistes venus des quatre horizons ont fait de la cité «un espace de dialogue incandescent, propice aux débats de l'heure et aux préoccupations de la nation d'où jaillissent des perspectives intellectuelles capables d'éclairer les esprits et de stimuler l'élan créatif de la jeunesse arabe». Bien que Mohammed Benaïssa ait quitté ce monde, «son esprit habite toujours la pierre et les fresques murales, son empreinte gravée dans la mémoire arabe comme symbole de fidélité à la culture et de lucidité quant à l'appartenance». Le Maroc, modèle d'équilibre entre diversité, identité et développement territorial Au-delà d'Asilah, Al-Ahram affirme que «le Maroc tout entier inspire par ses profondes métamorphoses». Le royaume «abrite près de soixante-dix festivals culturels et artistiques chaque année, voire davantage, à tel point qu'aucune ville n'échappe à une célébration des arts, du cinéma ou de la littérature». Ce foisonnement ne traduit pas un simple luxe festif, mais «un dessein enraciné qui a fait de la culture un signe d'identité, une passerelle d'ouverture et un aiguillon de dialogue entre civilisations». Deux expériences majeures sont relevées par le quotidien. La première est celle du «vivre-ensemble, où la diversité ethnique, religieuse et culturelle ne provoque pas la division mais engendre reconnaissance et respect». Dans les cités et villages, «les sourires, les langues mêlées, les appels à la prière et les chants populaires s'entrelacent dans une symphonie quotidienne». La seconde concerne «la décentralisation, à travers douze régions dotées de conseils élus, qui a permis au pays de se libérer de l'étroitesse centralisatrice pour offrir à chaque territoire la faculté de façonner ses infrastructures, sa culture et ses arts selon sa physionomie et son identité». De Tanger à Lagouira, les Marocains apparaissent «fidèles à leur identité commune, tout en chérissant leur localité et leur nation, fiers d'avoir atteint l'équilibre entre enracinement local et appartenance nationale». Dès lors, poursuit le journal, «la diversité ne constitue plus un facteur de dispersion, mais devient une énergie de renaissance et de création». Les villes rivalisent par «leurs architectures et leurs productions culturelles», au point que leurs festivals «sont devenus des repères lumineux de la vie culturelle». Ce qui distingue l'expérience marocaine, selon Al-Ahram, c'est que «la culture n'a pas été reléguée à un ornement périphérique de la politique, mais s'est imposée à elle pour lui conférer un souffle plus vaste et l'associer à la construction d'un avenir sûr et durable». De Tanger enfin, le quotidien témoigne du sentiment d'être «au carrefour de l'Atlantique et de la Méditerranée, à portée de l'Europe et à quelques pas de l'Afrique, dans la cité d'Ibn Battouta, où les dialogues arabes s'entrecroisent au fil des colloques et où les interrogations affluent comme des vagues inlassables». À l'extrémité occidentale du monde arabe, conclut Al-Ahram, «on ne se découvre pas en marge, mais au centre même de la langue, de l'art et de l'appartenance arabe, toujours ardente et inextinguible».