À l'occasion de la Journée internationale des personnes âgées, célébrée chaque 1er octobre, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a présenté, à Rabat, les conclusions de son rapport annuel 2024. L'instance insiste sur l'urgence d'accélérer la mise en œuvre du Plan d'action national pour le vieillissement actif et plaide pour l'adoption d'une loi-cadre, destinée à inscrire durablement l'intégration socio-économique des seniors au cœur des politiques publiques du Royaume. Le Maroc est engagé dans une transition démographique majeure. L'allongement de l'espérance de vie et la transformation progressive de la pyramide des âges posent de nouveaux défis aux politiques sociales, économiques et sanitaires. C'est dans ce contexte que le CESE a organisé, mercredi 1er octobre 2025, un atelier de restitution de son rapport annuel. Intitulé « Intégration socio-économique des personnes âgées : pour mieux se préparer au vieillissement démographique rapide », ce document place la question des seniors au cœur de la réflexion nationale. Dans son allocution d'ouverture, le président du CESE, Dr Abdelkader Amara, a souligné la portée stratégique de cette thématique. Selon lui, le vieillissement de la population ne doit pas être appréhendé uniquement sous l'angle des besoins en soins ou en protection sociale. Il s'agit de changer de paradigme en considérant les personnes âgées comme un capital humain productif, riche d'expériences et de savoirs, capables de contribuer activement au développement économique, social et culturel du pays. Il a aussi insisté sur le fait qu'il est nécessaire de valoriser les compétences et l'expérience de nos aînés, de favoriser le transfert intergénérationnel des savoirs et de consolider la cohésion sociale, rappelant que la société marocaine a tout à gagner à mieux intégrer cette population en pleine expansion. Accélérer le Plan d'action 2023-2030 Dans le prolongement de cette vision, Abdelmaksoud Rachdi, membre du CESE et rapporteur du thème, a insisté sur l'importance d'accélérer la mise en œuvre du Plan d'action national pour la promotion du vieillissement actif 2023-2030. Ce plan, déjà adopté par les pouvoirs publics, doit gagner en cohérence et en efficacité à travers une meilleure articulation entre ses mesures et ses programmes. Le CESE recommande également l'adoption d'une loi-cadre consacrée aux personnes âgées, qui définirait les objectifs fondamentaux, les orientations stratégiques et les engagements de l'action publique. Un texte législatif de ce type offrirait une assise juridique forte pour inscrire durablement la question du vieillissement actif dans l'agenda national. Lire aussi : Le CESE présente son avis sur l'impact du mécanisme carbone européen au Maroc Le Conseil ne se limite pas aux recommandations stratégiques. Il propose aussi des mesures concrètes, destinées à améliorer rapidement la qualité de vie des seniors. Parmi elles, la revalorisation des pensions de retraite pour faire face à l'augmentation du coût de la vie, l'adaptation de l'Assurance maladie obligatoire (AMO) aux besoins spécifiques liés à l'âge, notamment par le développement des soins à domicile, et la mise à disposition d'aides-soignants qualifiés pour l'accompagnement quotidien. Le CESE insiste également sur la nécessité de renforcer la gouvernance institutionnelle de l'écosystème dédié aux personnes âgées. Cela implique une meilleure coordination entre les différents acteurs publics, privés et associatifs, afin de garantir l'effectivité des droits fondamentaux. Intégrer les seniors dans le marché du travail L'un des axes centraux du rapport concerne l'inclusion économique. Le Conseil propose d'adapter le Code du travail et le statut général de la fonction publique pour permettre aux seniors de rester actifs, avec des modalités souples : travail à temps partiel, horaires flexibles, cumul partiel ou total entre revenu d'activité et pension de retraite. Parallèlement, des incitations fiscales pourraient être mises en place pour encourager les entreprises à recruter ou maintenir en poste des travailleurs seniors. Le CESE suggère aussi de promouvoir l'entrepreneuriat auprès des personnes âgées, en facilitant l'accès au financement et à l'accompagnement personnalisé. Un accent particulier a été mis sur la valorisation des compétences des Marocains résidant à l'étranger (MRE). Une plateforme nationale de réseautage professionnel pourrait permettre de mobiliser leur expertise au service du développement économique et social du pays, tout en favorisant des synergies intergénérationnelles. Vers une « silver economy » marocaine Au-delà de ces mesures, le CESE propose une vision de long terme : le développement d'une véritable « silver economy ». Inspirée des meilleures pratiques internationales, cette approche vise à transformer le vieillissement démographique en levier de création de valeur économique et sociale. Concrètement, il s'agirait de structurer une offre de biens et de services adaptés aux besoins des personnes âgées – santé, logement, mobilité, loisirs, assistance – tout en stimulant de nouvelles activités économiques durables et créatrices d'emplois. Cette économie du vieillissement permettrait également de renforcer la cohésion territoriale, en développant des services de proximité adaptés aux réalités locales. À travers ses recommandations, le CESE insiste sur la nécessité de dépasser une vision centrée uniquement sur les vulnérabilités. L'inclusion socio-économique des personnes âgées n'est pas seulement une question de justice sociale : elle constitue aussi une opportunité stratégique pour consolider le développement durable du Royaume. En valorisant les compétences et en renforçant la participation citoyenne des seniors, le Maroc se donne les moyens de transformer un défi démographique en un atout pour l'avenir. La mise en œuvre rapide et ambitieuse de ces recommandations apparaît donc comme une condition essentielle pour préparer le pays aux mutations profondes de sa société.