Parfois, pour comprendre la portée d'une diplomatie, il faut l'écouter à travers les mots d'un ami, d'un frère. Lors d'une intervention au Forum MD Sahara, organisé du 13 au 16 novembre 2025 à Dakhla, M. Mamadou Tangara, Chef de Mission de l'Union Africaine pour le Mali et le Sahel (MISAHEL) et ancien ministre des Affaires étrangères de Gambie, a offert bien plus qu'une analyse géopolitique. Il a livré un témoignage vibrant, une ode à l'amitié et à la constance d'un Maroc qui, même lorsqu'il était en dehors de l'Union africaine, n'a jamais quitté l'Afrique. Avant même d'aborder le fond, M. Tangara a tenu à rendre un hommage personnel et appuyé aux artisans de la diplomatie marocaine. Il a salué le « travail extraordinaire » du ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger, M. Nasser Bourita et de son équipe. Il a aussi qualifié l'ambassadeur M. Omar Hilale de « l'un des plus grands ambassadeurs au niveau des Nations unies, très respecté ». Il a partagé une anecdote, racontant comment M. Omar Hilale, attaqué violemment lors d'une commission à l'ONU, a « démonté pièce par pièce » les arguments de son adversaire, au point que ce dernier, désemparé, a fini par reconnaître la marocanité du Sahara. Ce récit a immédiatement planté le décor : la diplomatie marocaine est une diplomatie de rigueur, d'argumentation et de conviction. Sur la position de son pays, la Gambie, M. Tangara a été d'une clarté absolue. « Nous avons reconnu l'intégrité territoriale du Maroc, la souveraineté sur son Sahara ». Il a rappelé avec fierté que la Gambie a été le premier pays à ouvrir un consulat à Dakhla, une décision qui a ouvert la voie à de nombreux autres pays. « Aujourd'hui, nous sommes confortés dans notre position », a-t-il affirmé, saluant le courage et la vision qui ont présidé à ce choix historique. Lire aussi : Khalid Safir : « Investir pour transformer, c'est aussi investir pour unir » Mais c'est sur la question du Sahel que le témoignage de M. Tangara a pris toute sa dimension stratégique et humaine. En tant que Chef de Mission de l'UA pour le Mali et le Sahel, il a identifié le problème fondamental : « l'incapacité des gens à comprendre la situation dans ces zones et à vouloir imposer des solutions ». On ne peut pas, a-t-il martelé, venir avec des « lunettes occidentales » et vouloir imposer des modèles à des peuples « très fiers de leur culture ». Citant un proverbe nigérian plein de sagesse, il a ajouté : « On a beau aimer la personne, on ne peut pas lui faire une belle coupe en son absence ». En d'autres termes, toute solution doit impliquer les principaux concernés. C'est précisément là, selon lui, que réside le génie de l'approche marocaine, incarnée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Le Souverain a compris qu'il fallait avant tout « écouter les principaux concernés ». En recevant les ministres des Affaires étrangères du Mali, du Niger et du Burkina Faso, le Maroc a offert une écoute respectueuse et a créé un « climat de confiance » essentiel. Alors que ces pays se sont retrouvés « pratiquement isolés » après leur suspension de la CEDEAO et de l'UA, le Maroc a maintenu le dialogue, a continué à les accompagner. Cette constance est une marque de fabrique. M. Tangara a rappelé que lors de l'épidémie d'Ebola, alors que presque toutes les compagnies aériennes avaient cessé leurs vols, Royal Air Maroc a continué à desservir les pays touchés. « Ça, il ne faut pas l'oublier », a-t-il insisté. Cette approche solidaire n'est pas seulement humanitaire, elle est stratégique. M. Tangara a expliqué que la pauvreté est le principal terreau du recrutement des groupes terroristes. En offrant un appui institutionnel, en formant des cadres – « Moi-même, je suis un produit de l'Université du Maroc », a-t-il confié avec gratitude –, en maintenant des liens économiques et diplomatiques, le Maroc contribue directement à la stabilité de la région. L'Initiative Royale pour l'accès des pays du Sahel à l'Atlantique est, dans ce contexte, une opportunité majeure saisie par ces Etats pour désenclaver leurs économies et créer un « espace de prospérité ». Le plaidoyer de M. Mamadou Tangara est finalement un appel à une prise de conscience. « Si un de ces pays tombe, toute la zone sera déstabilisée. Personne ne sera à l'abri ». Face à ce péril, le Maroc se positionne comme une ancre de stabilité, un partenaire fiable et un médiateur crédible. Son intervention, empreinte d'une profonde amitié et d'une grande lucidité, a démontré que la solidarité, telle que la pratique le Maroc, n'est pas un acte de charité, mais l'expression la plus élevée de l'intelligence stratégique et de la fraternité africaine.