Droit d'accès à l'information : Le CCME adhère au Portail national    La CNDP clarifie ses prérogatives et dément toute ingérence dans la gestion du secteur de la presse    La DGSN adopte un dispositif global et intégré pour sécuriser la CAN Maroc-2025    Talbi Alami : Le gouvernement a opéré une transformation majeure dans le secteur social    Conseil de gouvernement : trois projets de décrets au menu de la réunion prévue mardi    BAM met en circulation un billet de 100 DH avec inscriptions en tifinagh    Plateformes de trading frauduleuses : L'AMMC appelle à la vigilance    Banque mondiale : 4 millions de dollars pour renforcer l'agriculture résiliente    Stratégie bancaire : BMCI affine son modèle économique    CDG Invest Management et le groupe Samta signent un protocole d'investissement    Vers un partenariat économique structuré entre le Maroc et l'Azerbaïdjan    Mercosur–UE : un accord suspendu, des tensions révélées    Classement FIFA : Le Maroc toujours 11e au monde    CAN Maroc-2025 : Nous allons continuer à progresser, le Maroc est favori pour le titre (sélectionneur des Comores)    New York : Zohran Mamdani surprend les supporters des Lions de l'Atlas dans un restaurant marocain    CAN Maroc-2025: Le Maroc ouvre l'Afrique au monde    CAN 2025: le Maroc bat les Comores en match d'ouverture    Thérapie personnalisée : Oncorad s'appuie sur l'expertise de l'UM6P pour généraliser les tests génétiques    Alerte météo : Chutes de neige, fortes pluies et rafales de vent les deux prochains jours    Grand Froid : La Fondation Mohammed V pour la Solidarité distribue des aides à plus de 14.000 familles de la région Fès-Meknès    La numérisation du patrimoine culturel marocain au coeur d'un colloque organisé par l'Université Al Akhawayn    Clarification de l'Ambassade du Japon au Maroc sur les Questions Régionales et la Position du Japon    La RAM lance un espace dédié aux supporters à Anfa Park pour suivre les matchs de la CAN    M. Baraka : Le ministère s'emploie à renforcer l'anticipation et à accélérer la réalisation des projets de protection contre les inondations    ISCAE Group achieves dual international recognition with BGA and AMBA accreditations    South Africa triumphs over Angola 2-1 in AFCON 2025 opener in Marrakech    Cold wave : Nearly 833,000 people affected by national plan    Province de Midelt : mobilisation sur le terrain des autorités pour secourir cinq familles nomades encerclées par la neige dans la commune d'Aït Yahya    Espagne : le PSOE de Pedro Sanchez vacille, Vox progresse, quels impacts pour le Maroc et les MRE ?    Regragui après Maroc - Comores : « Une victoire amplement méritée »    Patrice Motsepe : « La CAN se tiendra tous les quatre ans à partir de 2028 »    La première mosquée marocaine d'Amsterdam a vu le jour dans le sous-sol d'une église    Gabon : Internet bientôt disponible à bord des trains    Donald Trump élargit l'interdiction d'entrée à quatre nouveaux pays    Maroc : Le Groupe ISCAE intègre les Business Schools accréditées BGA    Tangier Mobility lance un site pour faciliter l'accès au Grand Stade de Tanger pendant la CAN 2025    Merci, Sa Majesté le Roi Mohammed VI    Après le PJD, le MUR rejette l'indépendance de la Kabylie en Algérie    Forum Russie-UA : L'avenir de la MINURSO au menu des entretiens entre Lavrov et Attaf    Lancement de la première équipe marocaine à la FIRST Robotics Competition à Casablanca    2ème édition des Concerts de Poche : Les instruments à cordes à l'honneur    CAN 2025 : AFRICALLEZ, l'hymne de l'unité    Casablanca : "Winter Africa" propose un mois d'événements multidisciplinaires    Cinéma : « Everybody Loves Touda » distingué à Thessalonique    Cinéma : « Calle Málaga » écarté des shortlists des Oscars 2026    Italie: Accès payant à la fontaine de Trevi à Rome pour lutter contre le surtourisme    « Rabat Patrimoine » : La nouvelle application qui réinvente la découverte du patrimoine de la capitale    Musique, ferveur et cohésion : Timitar clôture son édition anniversaire    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'expulsion des Marocains d'Algérie en 1975 : une tragédie occultée
Publié dans Maroc Diplomatique le 22 - 12 - 2025

L'Histoire ne pardonne pas, elle n'oublie pas non plus. Cinquante ans après l'expulsion en décembre 1975, en plein Aïd al-Adha, de milliers de Marocains installés en Algérie, la mémoire reste écorchée toujours. Et le débat sur cette injustice du gouvernement Boumediene reste vif, inachevé. Chaque année, au même mois de décembre, la mémoire opère son retour, marquée au sceau du sentiment tragique d'injustice jamais réparée.
Une rencontre s'est tenue récemment au siège du CCME animée par Mohamed Cherfaoui, président de la CIMEA, ( Collectif international de soutien aux familles marocaines expulsées d'Algérie en 1975), par le vice président Abderazak Hannouchi, acteur associatif et défenseur des droits de l'Homme et Driss Yazami président du CCME. Elle avait pour objet l'examen de l'avancement des revendications – jamais disparues – des expulsés marocains en décembre 1975 par l'Etat algérien ou de leurs descendants.
À cette occasion, Mohamed Cherfaoui, nous a accordé un entretien dans lequel il évoqué les conditions de cette mesure répressive du pouvoir algérien, ses conséquences et son impact.

Maroc diplomatique : Mohamed Cherfaoui, vous êtes président de la CIMEA et vous avez présenté au CCME récemment un rapport inédit avec des données précises sur l'expulsion collective et arbitraire comme vous l'avez souligné. Quelle est la genèse de ce rapport et comment et avec qui l'avez-vous élaboré ?
Mohamed Cherfaoui : Un drame occulté depuis un demi-siècle. Effectivement notre Collectif International de soutien aux familles d'origine marocaine expulsées d'Algérie en décembre 1975 (CIMEA 75), avec le soutien du Conseil de la Communauté Marocaine à l'Etranger (CCME), rend public une étude inédite intitulée « Mémoire contre l'oubli et pour une reconnaissance des expulsions des familles marocaines en 1975 ».
Rappelons qu'en décembre 1975, le gouvernement algérien dirigé par le colonel Houari Boumediene a procédé, sans aucune information officielle, à l'expulsion massive de dizaines de milliers de Marocains, établis, en Algérie depuis plusieurs générations. Et cela à la veille de la fête sacrée de l'Aïd El Kébir.
Ces expulsions caractérisées de collectives et arbitraires, en violation du droit international ont frappé indistinctement des familles entières, y compris des couples algéro-marocains. Les victimes furent regroupées dans des centres, dépouillées de leurs biens, expulsées vers le Maroc.
Quels sont les objectifs de ce rapport ?
Cette étude est une enquête rigoureuse objectivée par des archives inédites. Conscient que la reconnaissance des injustices commence par l'établissement rigoureux des faits, le Collectif CIMEA 75 a entrepris un travail d'investigation (piloté par Madame Saïdi, ex-sénatrice belge) sur des sources inédites, celles collectées à Genève auprès de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (LICROSS).
Ces archives ont été complétées par une revue de presse marocaine et internationale (1975-1978), par l'ouvrage de Mohamed Lebjaoui (à l'époque responsable de la Fédération FLN de France), ainsi que par les publications de Mohamed Boudiaf (président algérien assassiné en juin 1992 à Annaba ) et d'autres cités dans le rapport.
À partir de ces sources croisées, le rapport met en lumière plusieurs constats majeurs : D'abord le déclenchement brutal des expulsions dès le 8 décembre 1975, environ 45.000 personnes furent recensées, principalement concentrées à Oujda, Nador et Figuig. L'ampleur de la mobilisation internationale de plus de 20 Sociétés nationales de la Croix-Rouge parmi lesquelles la Suisse, les Pays-Bas, l'Allemagne, le Canada, la France, l'Egypte, l'Espagne et la Turquie … Ensuite, la mise en lumière du drame humain de cette tragédie. En effet, parmi ces familles se trouvaient également d'anciens résistants marocains qui avaient contribué à la libération de l'Algérie du joug colonial, engagement qui ne les protégea point.
Lire aussi : Maroc-Algérie : du lourd conflit des frontières à la guerre par les archives et des preuves
Cinquante ans après, cette tragédie reste méconnue par les jeunes générations au Maroc et volontairement occultée par l'Etat algérien. Qu'espérez-vous obtenir avec la publication de ce rapport ?
Effectivement, aucune reconnaissance officielle de cet acte n'est intervenue de la part des autorités algériennes. Le silence prolongé est porteur d'oubli, d'injustice et de récits inachevés. C'est contre ce silence que se construit l'engagement du CIMEA 75.
Dans un premier temps, le CIMEA 75 a remis, en décembre 2023, à l'Institution Archives du Maroc, un Fonds documentaire inédit comprenant près de 2.000 dossiers individuels de victimes expulsées en 1975.
Aujourd'hui, avec ce rapport on entre dans une nouvelle étape du plaidoyer international : l'analyse juridique et la qualification des violations de la tragédie de 1975. Il s'agit d'une analyse juridique. Au regard du droit algérien, l'ordonnance n° 66-211 du 21 juillet 1966 relative à la situation des étrangers en Algérie a été bafouée. En effet, il ressort de l'analyse des circonstances que l'expulsion fut collective et massive alors que la loi impose un traitement individualisé des cas d'expulsion. Ensuite, aucun des ressortissants expulsés n'a été notifié d'un arrêté motivé d'expulsion. L'expulsion des ressortissants marocains du territoire algérien fut immédiate, expéditive et massive.
En outre, la Constitution algérienne de 1963 (article 11) proclamait que « La République donne son adhésion à la Déclaration universelle des droits de l'Homme ». Ladite déclaration a été violée (articles 13 et 17) .
L'opération d'expulsion, telle que menée par les autorités algériennes, est donc intervenue en violation de la loi algérienne interne et par conséquent entachée d'illégalité.
Le rapport souligne également les violations des engagements conventionnels bilatéraux entre le Royaume du Maroc et la République algérienne signée à Alger le 15 mars 1963, et le protocole signé à Ifrane le 15 janvier 1969 à l'occasion du Sommet entre Feu Sa Majesté le Roi Hassan II et le président Boumediene.
Qu'en est-il de la qualification au regard du droit international ?
La spoliation par l'Etat algérien des biens des ressortissants marocains expulsés constitue un acte illicite au regard du droit international, et ce à plusieurs égards, également détaillé dans le rapport. A titre d'exemple, les ressortissants marocains expulsés et spoliés se trouvent privés de leurs biens par un acte législatif pris par l'Etat algérien, par l'article 42 la loi de finances de 2010 en Algérie.
Il convient de rappeler qu'en 2010 et 2018, le Comité des Nations unies pour la protection des droits des travailleurs migrants, a recommandé à l'Algérie de « prendre toutes les mesures nécessaires pour restituer les biens légitimes marocains expulsés par le passé ... ». La démarche de l'Etat algérien, consistant à donner un simulacre de légitimité, avec effet rétroactif, à la spoliation des biens des Marocains expulsés démontre le caractère continu de cet acte illicite.
Que peuvent espérer les expulsés marocains ou leurs ayants droit ? Quelles sont les voies de recours et les perspectives de réparation ?
L'établissement de la responsabilité de l'Etat algérien au regard du droit international soulève la question des voies de recours. En effet, deux voies peuvent être explorées par les ressortissants marocains expulsés d'Algérie en leur qualité de victimes :
1) L'introduction devant le Comité onusien des droits de l'Homme de plaintes individuelles, dans le cadre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
2) L'introduction de communications individuelles dans le cadre de la procédure de plainte du Conseil des droits de l'Homme pour examiner leurs violations flagrantes par l'Etat algérien.
Les réparations à envisager, devraient combiner la restitution – rétablissement du droit de retour, récupération ou indemnisation des biens, la reconnaissance officielle, les mesures de mémoire et les garanties de non-répétition. Par conséquent, sans rancune, ni haine, mais avec fermeté, nous revendiquons une reconnaissance des violations dont seul l'Etat algérien est responsable, nous exigeons des excuses formelles, une réparation des préjudices et la réhabilitation des victimes. Pour nous, le seul responsable est l'Etat algérien et rappelons que les familles algériennes avaient exprimé leur solidarité. C'est grâce à la pression des cellules « FLN » où les Marocains étaient très actifs que les expulsions ont été stoppées (voir article de Paul Balta dans le monde mars 1976).
Pour l'Histoire, sait-on ce que sont devenus les expulsés d'Algérie dispersés dans le monde ?
Oui, cette réalité de vies brisées, de dignités bafouées, et d'un déracinement imposé, ont dispersé les familles aux quatre coins du Royaume du Maroc et du monde. Ils marquèrent durablement plusieurs générations et nourrissent encore aujourd'hui un sentiment d'injustice. Des questions parlementaires récentes au Maroc viennent souligner la persistance de cette mémoire douloureuse et son actualité dans le débat public.
Dans ce cadre, depuis 2005, plusieurs associations de victimes ont vu le jour et que nous soutenons bien entendu. Elles font un travail utile dans l'accompagnement des familles marocaines expulsées d'Algérie. Ce volet qui n'est pas celui du Collectif, nécessite des actions sociales et également des études universitaires comme celles démarrées avec l'Université de Meknès et d'Oujda.
Dans votre ouvrage « La Marche noire expulsion des Marocains d'Algérie en 1975 » vous terminez sur une note d'espérance à savoir les réactions de solidarité du peuple algérien face à cette tragédie. Un mot sur ces réactions ?
Comme dit dans mon ouvrage la marche noire : Le combat des familles marocaines expulsées d'Algérie doit être poursuivi avec sérénité et des faits bien établis, afin que la dignité et la justice triomphent. Les intellectuels doivent prendre leur part, et comme dit Rachid Mimouni, : « Je crois à l'intellectuel comme éveilleur de conscience, comme dépositaire des impératifs humains». Et encore Abdellah Laroui qui dit :« Pour que le Maghrébin se réconcilie avec son temps et son terroir, il faut d'abord qu'il se réconcilie avec lui-même et surtout avec son frère... ».
Nous espérons que le rapprochement des deux Etats marocain et algérien permettra un jour de solder cette tragédie et de construire une ère nouvelle, afin qu'un tel drame ne se reproduise plus jamais .


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.