S'il finit par livrer le militant ouïghour à la Chine, le Maroc le condamnerait à une mort certaine, tout en enfreignant ses engagements internationaux. On peut comprendre que le Maroc tienne à sa relation avec la Chine, dont la puissance le dispute aujourd'hui à celle du géant américain. Mais de là à aller jusqu'à lui courber l'échine et lui extrader un homme, en l'occurrence le militant ouïghour Idris Hasan, dont il est presque acquis qu'au moment même où il atterrira dans l'Empire du Milieu il sera victime de torture? C'est pourtant le pas malheureusement franchi ce mercredi 15 décembre 2021 par la cour de cassation de la ville de Rabat. Le tribunal a, ainsi, favorablement répondu à une demande des autorités chinoises, qui, depuis juillet 2014, poursuivent le concerné pour prétendument "diriger ou participer activement à des organisations terroristes", et en l'occurrence son activisme en faveur de son peuple, les Ouïghours, dont on sait que Pékin souhaite effacer l'identité turcique musulmane en faveur de l'allégeance à son crédo communiste athée. Selon l'organisation internationale non gouvernementale (OING) Amnesty, qui suit de près son cas depuis son arrestation le 19 juillet 2021 alors qu'il faisait escale au Maroc en direction de la France et qui a vivement réagi au jugement, le "refoulement" de M. Hasan constituera une entrave à la Convention relative au statut des réfugiés, que le Royaume a ratifiée en avril 1971. "Depuis 2017, le gouvernement chinois a commis des exactions massives et systématiques contre les musulmans vivant dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Les abus du gouvernement se poursuivent. Un grand nombre de personnes sont toujours détenues arbitrairement au Xinjiang," a rappelé, sur le réseau social Twitter, la même source. En outre, il faut souligner que la notice rouge d'Interpol, l'Organisation internationale de police criminelle, sur la base de laquelle M. Hasan a été à la base interpellé avait été annulée le 24 août 2021. Exactions massives De son vrai nom Yidiresi Aishan, l'activiste résidait depuis 2012 en Turquie, où il s'était réfugié après qu'il s'est avéré qu'il courait un véritable danger en demeurant en Chine. Mais ayant eu peur de se retrouver mis à l'arrêt en vertu du rapprochement en cours entre Ankara et Pékin, il avait pris sur lui de se rendre en Europe de l'Ouest, avant donc de finir en prison au Maroc. Sa petite famille demeure toutefois toujours pour l'heure en Turquie. Dans un témoignage relayé le 2 septembre 2021, sa femme, Zaynura, racontait comment "depuis qu'il n'est plus là, [s]a fille se réveille chaque jour en disant qu'elle a rêvé de son père et elle éclate souvent en sanglots sans raison" -M. Hasan est père de trois enfants. Le Maroc fera-t-il un geste et privilégiera-t-il l'humain sur la politique?.