Presque au même moment, deux rappeurs marocains diffusent sur le net deux chansons politiques. Elles traduisent les contradictions de plus en plus criantes entre conservateurs et modernistes. Le rap marocain au service de l'agenda politique. Deux chanteurs de la nouvelle scène, Cheikh Sar et Don Big, mettent leurs talents, respectivement, au profit de la majorité et de l'opposition. Le premier, connu pour sa proximité avec le PJD, vient de lancer sur le web, une nouvelle chanson totalement acquise à Abdelilah Benkirane. Les paroles sont un hymne à l'action du chef du gouvernement. Puisant dans la prose des leaders de la formation islamiste, il demande de donner du temps au secrétaire général de la Lampe pour mener à bien son programme politique. Si Cheikh Sar défend le PJD, il s'attaque, en revanche, aux autres formations de la coalition gouvernementale (PPS, Istiqlal et MP) qui, selon lui, ne font rien. Quant au second, le très médiatisé Bon Big, il a flirté un moment avec le PAM du temps de Fouad Ali El Himma, il passe en revue, à sa manière, les mois du PJDsite à la tête du gouvernement. A aucun moment il ne cite nommément Benkirane mais tout converge vers lui. Dès le début, il parle du phénomène des «blagues au parlement» et «de la flambée des prix des produits de consommation sauf pour les bananes», une allusion plus que transparente aux propos de Benkirane lors de son fameux passage sur passage sur les deux médias officiels (2M et Al Oula), en juin pour expliquer la hausse des prix des carburants. En dépit des objectifs diamétralement opposées des deux rappeurs, ils se sont mis d'accord sur un seul point : ils ont fait de la si célèbre phrase de Benkirane, «vous m'avez compris oui ou non» (Fhamtouni oula la), leur principal refrain et le titre de leur chanson. C'est d'ailleurs la même expression qu'utilise le guignol de Benkirane sur la chaine tunisienne Nessma TV. Le rap et la politique, un mariage de raison Cette incursion des rappeurs dans la politique n'est pas un fait nouveau au Maroc. Depuis l'émergence du phénomène «Naida», les acteurs de la nouvelle scène ont vite été cooptés pour servir un agenda bien particulier, devant les nouveaux oracles d'une vision de la politique qui se veut être «nouvelle». En fait, c'est un retour aux années 70 et 80 seuls les accessoires changent. A la place des costumes, chemises, cravates et des cheveux bien lisses des chanteurs de l'époque entonnant des paroles à la gloire de feu Hassan II, il s'agit aujourd'hui de jeunes portant des jeans, baskets et cheveux mal coiffés engagés, par exemple, dans des campagnes électorales subventionnées par le ministère de l'Intérieur. Pour mémoire, l'Association Daba 2007 de Noureddine Ayouch avait misé sur le rap pour amener les jeunes à participer au scrutin des législatives de 2007. Un pari raté. Le taux de participation à ce scrutin n'a pas dépassé les 37%. Avant de réserver une chanson exclusivement à la critique de Benkirane, Don Big s'en est pris, en 2011, au Mouvement du 20 février qui selon lui n'est pas le porte-parole du peuple. Vidéo de Don Big Vidéo de Sheikh Sar