Gouvernance des données : Pilier négligé de notre stratégie digitale ? [INTEGRAL]    L'intelligence artificielle, catalyseur de réinvention de l'action publique au Maroc    Algerian Referee Sparks Controversy at Women's Africa Cup of Nations After Removing "RAM" Logo    CAN (f) Maroc 24 / Groupe C (J2) : La Tanzanie accroche l'Afrique du Sud    CAN (f) 24 / J3 : Ce soir, Maroc-Sénégal, le suspense à son comble !    Euro féminin 2025 : Hier, l'Espagne et l'Italie qualifiées, ce soir duel pour la première place entre l'Allemagne et la Suède    Les Gardiens du Patrimoine : bande-annonce    Oulad Youssef : Intervention réussie des forces de sécurité pour neutraliser un individu ayant agressé un agent de la protection civile et s'étant retranché dans un château d'eau    Les prévisions du samedi 12 juillet    Israël nomme Avihai Levin, expert des échanges avec le monde arabe, à la tête de sa première représentation économique au Maroc    La Fondation RES4Africa, l'Enel Foundation et l'UM6P couronnent deux cycles d'excellence dédiés à l'énergie renouvelable    Le Maroc lance un appel d'offres pour déployer la 5G    Tanger : Le vice-président de Mghogha placé en détention pour des affaires immobilières suspectes    CAN Féminine : L'Afrique du Sud évite le piège tanzanien et préserve ses chances    Chambre des représentants : adoption en commission du PL portant création de la "Fondation Maroc 2030"    Londres : un homme poignardé à mort par un agresseur cagoulé à Knightsbridge    Rissani : Plus de 245 MDH pour sauvegarder le site archéologique de Sijilmassa    Mémorandum d'entente entre l'OMPIC et son homologue émirati    Rabat-Salé-Kénitra : Huit centres de santé réhabilités    Justice transitionnelle : Amina Bouayach expose l'expérience marocaine à Beyrouth    Grand Agadir : Le barrage Tamri réalisé à 69%    Jazzablanca 2025 : Parcels, le groove parcel-lement parfait !    Ghana. Mahama inaugure la Task Force du Gold Board    Le Conseil de gouvernement adopte le projet de loi portant création de la « Fondation Maroc 2030 »    Cinéma : "13 jours, 13 nuits", Roshdy Zem rejoue l'évacuation de Kaboul    Donald Trump menace d'imposer des droits de douane de 35% sur les produits canadiens    Chine: Des universités lancent un programme de licence en économie de basse altitude    Maroc : l'OIM au chevet de 10 000 migrants, dont des enfants livrés à eux-mêmes    Le ministère de l'Equipement et de l'Eau se dote d'un vaste pôle technologique    Saâd Abid : «Le secteur privé peut, lui aussi, soutenir ces initiatives dans le cadre d'une stratégie RSE.»    Fécondité : Procréer, pas vraiment le choix ! (Rapport)    BKGR recommande de souscrire à l'augmentation de capital de TGCC    Conseil en stratégie : OCP acquiert PwC Business Services    Mohamed Benalilou s'entretient à Rabat avec le président de l'Autorité des Emirats Arabes Unis de reddition des comptes    MOGA Essaouira est de retour du 1 au 5 octobre 2025    Droits d'auteur: Attestation de Diffusion, s'abstenir !    Maroc Digital 2030: Lancement d'appel à concurrence pour des licences de 5G    Un récidiviste vole deux véhicules à Salé sous la menace, la police récupère les voitures et identifie un complice    La Chine à mes yeux: un concours ouvert aux Marocains pour découvrir et raconter la Chine    Casablanca-Settat : la région se positionne comme un laboratoire de la régionalisation avancée    USA : Trump lance la diplomatie du commerce    HCP: La croissance économique devrait se maintenir en hausse au troisième trimestre 2025    Al-Haouz: 46.650 familles ont pu achever les travaux de construction et de réhabilitation de leurs habitations    Lionceaux de l'Atlas : Othmane Maamma rejoint officiellement Watford    Jazzablanca : une soirée sous le signe du rap et du jazz avec TIF et Alfa Mist    72 % des Français veulent mettre fin aux privilèges accordés aux Algériens en France    Climat : chaleurs record au mois de juin    Mort brutale de Bun Hay Mean à Paris : Le "Chinois marrant" laisse un vide dans le stand-up    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



France : L'entrisme islamiste passe-t-il vraiment par les Frères musulmans ?
Publié dans Yabiladi le 22 - 05 - 2025

Examiné hier en conseil de défense et de sécurité nationale, le rapport «Frères musulmans et islamisme politique en France» est considéré par l'Elysée comme le troisième volet de la lutte contre l'islam radical, après la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, en 2017, puis celle contre le «séparatisme», en 2021. Seulement, la lecture de certains spécialistes pointe des imprécisions, des confusions, voire un manque de rigueur méthodologique.
Après la loi pour le renforcement de la sécurité intérieure et celle contre le séparatisme en France, vient le temps de la lutte contre «l'entrisme islamiste», dans la suite des actions voulues en réponse à l'islam radical. C'est ainsi que le rapport «Frères musulmans et islamisme politique en France» a été débattu, mercredi en conseil de défense et de sécurité nationale. Fuité dans la presse, le document fortement défendu par le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau pointe le frérisme comme moyen de «conquérir les instances de pouvoir» dans l'Hexagone «par le bas».
Selon le rapport, il s'agirait de «dissimulation» consistant à intégrer la société civile et la participation à la vie publique, entre associations et instances décisionnelles, afin d'imposer à la France des règles issues de la loi islamique, en porte-à-faux avec les principes laïcs et républicains. Le document de 75 pages viserait ainsi à proposer des clés d'analyse et de compréhension à même de contrecarrer le projet frériste, dans un contexte où les échéances électorales présidentielles de 2026 approchent à grand pas.
Dans l'un de ses chapitres, le rapport consulté par Yabiladi évoque ainsi une «pensée frériste» de la relation «entre fidèle musulman en contexte minoritaire et l'agnostique, voire l'athée», qui serait «encore plus limitée malgré les postures d'ouverture citoyenne». Sont évoquées également «l'infériorisation de la femme» et «la valorisation de la femme voilée», selon une idéologie «fondée sur une détermination» sexuée qui érigerait «la non-mixité en règle et instrumentalise le port du voile».
Cette idée fait bien écho à l'exclusion du port du voile, dont Bruno Retailleau a fait son cheval de bataille, notamment dans le milieu du sport par le vote d'une loi en la matière, en février dernier. Dans ses récentes déclarations, il a réaffirmé sa volonté d'interdire le voile également à l'université.
France : Le port du voile dans le sport, «un étendard» selon Bruno Retailleau
Une confusion entre islamophobie et évolutions idéologiques
Plus loin, le rapport ancre son analyse dans des faits liés à l'actualité internationale plus que dans le temps long de l'approche socio-politique et juridique. Ainsi, il note que «le conflit israélo-palestinien» reste un «éternel ressort de l'antisionisme, voire d'un antisémitisme de plus en plus manifeste». Dans ce sens, il fait un rapprochement entre «le Hamas et l'Organisation internationale des Frères musulmans» en remontant au contexte de la Seconde guerre mondiale, ainsi que l'émergence du frérisme en Egypte et l'évolution de ce discours au cours des années 1950.
L'aperçu historique bifurque rapidement vers une reprise de déclarations plus récentes sur la question palestinienne, notamment celles de l'imam marocain expulsé de France, Hassan Iquioussen. Il mentionne ensuite une «montée des activités antisionistes au sein d'un certain nombre de mosquées françaises» depuis octobre 2023, «à la faveur de la colère suscitée par le bilan humain» des opérations de l'occupation israélienne dans la bande de Gaza.
Dans la suite de ce raisonnement, le rapport fait état d'une «stratégie d'implantation alliant dissimulation, quête de légitimation et dénonciation de l'islamophobie». Evoquant un concept «piégeux» et un moyen d'action «de circonstance», le document souligne que la lutte contre cette discrimination antimusulmane serait «l'un des leitmotiv des Frères musulmans». Ce derniers s'y emploieraient «pour discréditer les mesures inspirées par le principe de laïcité, présentés comme relevant d'un 'racisme d'Etat' visant les musulmans et dénoncer les politiques de lutte contre la radicalisation violente et le séparatisme islamiste».
Pour autant, de précédentes analyses, études sociologiques et historiques ancrent l'islamophobie dans un concept décrit par l'anthropologie durant le XIXe siècle, bien avant la naissance des Frères musulmans au cours des années 1920 en Egypte. Dans son analyse, le rapport cite notamment les cas du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), objet d'un décret de dissolution le 2 décembre, ou encore l'émergence du CCIE peu avant, en évoquant «une capacité de nuisance persistante».
Islamophobie en France : Entre préjugés fréristes et discriminations spécifiques
Dans ce sens, le document estime à près de 280 les associations qui seraient rattachées aux mouvances islamistes et fréristes dans le pays. En prolongement, le rapport souligne même une «porosité» entre militants contre l'islamophobie et ceux «décoloniaux».
En chiffres, la mouvance serait très minoritaire
Dans ses autres chiffres, le rapport estime que 139 lieux de culte auraient des ramifications aux Frères musulmans sur le territoire français, s'ajoutant à 68 autres «considérés comme proches de la fédération» des Musulmans de France. Réparti «sur 55 départements» ils ne représenteraient pour autant que «7% des 2 800 lieux de cultes» musulmans.
A ces chiffres montrant une tendance minoritaire qui n'échapperait pas au contrôle des autorités, s'ajoutent les observations de spécialistes faisant état de confusions et d'imprécisions méthodologiques dans le rapport, voire d'éléments répétitifs par rapport à des analyses précédemment proposées, ces dernières années. Ancien rapporteur général de l'Observatoire de la laïcité, le juriste Nicolas Cadène a évoqué notamment «des évidences, des amalgames, du simplisme, des paraphrases d'idées anciennes (…) parfois justes, parfois pas du tout».
Sur la plateforme X, l'expert en laïcité et en solidarités souligne également un manque en ressources bibliographiques, des biais politiques, des approximations ou encore des problèmes de structure. «Il reste néanmoins des appréciations classiques et peu problématiques, sur l'organisation en question ou sur certaines ingérences ou influences. Et, à l'inverse de ce qu'on lit ou entend, rien n'est surprenant, sauf à n'avoir jamais rien suivi à ce sujet», a tranché le spécialiste, dans une série de tweets. Par ailleurs, celui-ci pointe quelques «appréciations totalement farfelues et surtout absolument pas sourcées, ce qui est très problématique pour un rapport officiel».
Sur ce rapport sur "les frères musulmans", il y a beaucoup à dire
Une méthodologie peu rigoureuse,des évidences, des amalgames, du simplisme, des paraphrases d'idées anciennes (dont certaines de l'@ObservLaicite...) parfois justes, parfois pas du tout
Thread?#Islamisme #Laïcité pic.twitter.com/zHRlZVGaG6
— Nicolas Cadène ? (@ncadene) May 21, 2025
Renvoyant vers la source originale qu'est la synthèse du rapport 2019-2020 de l'Observatoire de la laïcité, Nicolas Cadène illustre les reprises d'idées sur la facilitation des inhumations en France pour les musulmans, le renforcement de l'islamologie, de l'aumônerie, ou encore des formations en laïcité. Certaines reprises relèvent mêmes d'«évidences», pour l'ancien rapporteur, à l'image du renforcement du «dialogue inter-religieux et inter-convictionnel, l'action financière internationale dans le contrôle de flux financiers étrangers, les précisions sur les ingérences étrangères via les renseignements territoriaux».
Auteur de l'ouvrage «En finir avec les idées fausses sur la laïcité» (éd. Atelier), le juriste souligne surtout que dans le contexte actuel, marqué par le meurtre islamophobe d'Aboubacar Cissé dans la mosquée de la Grand-Combe le 25 avril dernier, on aimerait plus de retenue de la part de certains responsables et médias, plutôt que de tout caricaturer et laisser entendre que l'islam tout court serait un danger».
Aller au-delà du lien aux Frères musulmans «pour mieux comprendre»
Dans ses tweets, Nicolas Cadène note surtout que «l'entrisme affirmé dans différents secteurs, point majeur du rapport n'est pas documenté» et «s'oppose assez largement au rapport 2024 du ministère de l'Intérieur, qui, lui, était sourcé». Dans ce sens, il déplore «une instrumentalisation assez stupéfiante» pour «satisfaire un agenda politicien, avec une complicité regrettable de trop de médias (n'ayant visiblement pas lu le rapport ni des documents antérieurs plus sérieux)».
France : «Islamogauchisme», l'arme d'un nouveau combat idéologique dans les universités ?
Par ailleurs, le spécialiste note «l'absence de nombreuses actions à mener pour véritablement agir contre tout rigorisme ou islamisme politique» au-delà de la question des Frères musulmans en elle-même. En effet, il explique ce manquement dans le rapport par un «non traitement des racines, des causes du recours au religieux» en tant que «valeur refuge» chez nombre de citoyens, soit en situation de fragilité, en réaction à la sécularisation, à «l'échec d'idéologies séculières (capitalisme, communisme, socialisme, etc.)», ou encore «en quête d'identité quand certains se sentent rejetés».
Dans ce sens, le juriste explique les fortes tensions particulièrement portées sur l'islam et accentuées dans certains médias, notamment du fait du «contexte des attentats (mais honteusement confondus avec la pratique générale de l'islam)», «l'importation de conflits, l'insuffisante mixité sociale/culturelle conduisant à des replis et préjugés, le passé colonial, le culte peu structuré», ou encore «l'exacerbation religieuse sous influences».
Au-delà du constat, Nicolas Cadène a proposé des pistes de réflexions sur une diplomatie qui serait plus «offensive face à des ingérences idéologiques extérieures», une «mobilisation des renseignements, eux-mêmes à mieux former sur l'islam, les faits religieux, la laïcité», en plus du «renforcement du sentiment d'appartenance à la citoyenneté commune par la prise en compte de toutes les cultures présentes sur le territoire de la République, dans leur contribution à celle-ci», entre autres clés pratiques.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.