L'Agence marocaine du médicament et des produits de santé (AMMPS) a dernièrement autorisé la mise sur le marché national d'Ozempic, pour le traitement du diabète de type 2. Actuellement, seul le princeps coûteux de ce médicament injectable à base de sémaglutide est disponible. L'Association pour l'accès au traitement (ITPC-MENA) a saisi l'instance, pour la mise en disponibilité de génériques abordables, dont l'usage ne doit pas être détourné. L'Agence marocaine du médicament et des produits de santé (AMMPS) a autorisé, plus tôt en ce mois de novembre, la mise sur le marché national d'Ozempic. Jusque-là disponible à l'étranger, ce médicament injectable à sémaglutide sert au traitement du diabète type 2, en complément d'un régime alimentaire adéquat et d'une activité physique. Son utilisation appropriée par les patients concernés permettrait une meilleure qualité de vie, dans un pays où la prévalence du diabète est estimée à 10,6% chez les adultes de 18 ans et plus, soit près de 2,7 millions de personnes. Cités par le ministère de la Santé et de la protection sociale, à l'occasion de la Journée mondiale du diabète et du lancement d'une campagne nationale qui s'étend du 14 novembre au 15 décembre 2025, les résultats de l'enquête nationale sur les facteurs de risque communs des maladies non transmissibles montrent que 10,4% de la population «se trouve à un stade prédiabétique, dont la moitié ignore sa condition, ce qui retarde leur prise en charge». Dans ce contexte, le département confirme que le coût économique reste conséquent. En 2022 seulement, les dépenses annuelles associées au diabète ont d'ailleurs dépassé les 1,5 milliard de dirhams, selon l'Agence nationale de l'assurance maladie (ANAM). L'annonce de la disponibilité de l'Ozempic serait ainsi de bon augure pour les patients concernés. En effet, l'Association pour l'accès au traitement (ITPC-MENA) a rappelé, mercredi, qu'«administré une fois par semaine, ce traitement est présenté comme une avancée thérapeutique importante pour les personnes vivant avec le diabète, une maladie chronique en forte progression». Seulement, «derrière cette bonne nouvelle se cache un problème majeur de politique du médicament : la manière dont le Maroc applique aujourd'hui la clause d'exclusivité des données cliniques risque de bloquer l'arrivée de versions génériques beaucoup plus abordables – et donc de réserver Ozempic à une minorité de patients qui peuvent payer, ou à quelques assurés privilégiés», souligne l'ONG. Une exclusivité qui fait obstacle aux génériques À ce titre, l'association pointe «une clause d'exclusivité des données cliniques mal conçue». Citant l'article 4 du décret relatif à l'autorisation de mise sur le marché (AMM), elle explique que «tout médicament innovant bénéficie d'une protection de cinq ans des données cliniques fournies par le titulaire de l'AMM». Durant cette période, «aucune demande de générique ne peut s'appuyer sur ces données pour obtenir une autorisation», ce qui limite ainsi l'accès à l'Ozempic, y compris pour les personnes diabétiques elles-mêmes. Contacté par Yabiladi à ce sujet, Othmane Marrakchi, responsable de plaidoyer pour l'ITPC-MENA, affirme que «le problème ici est la loi contraignante sur l'exclusivité des données cliniques», qui ne permet ni l'importation de génériques, ni leur développement par des laboratoires locaux sur plusieurs années. «Nous avons alerté l'AMMPS sur ce point-là. L'Agence nous a assuré être en train de revoir le décret en la matière», a ajouté l'associatif auprès de notre rédaction. Dans ce sens, il exprime l'espoir que les remarques de l'ONG soient prises en compte, «si ce n'est pour l'Ozempic, que ce soit pour d'autres médicaments tout aussi nécessaires au traitement de maladies aux soins coûteux». A cette occasion, l'ONG explique que «même si le brevet d'invention est contesté, expiré ou même absent, l'administration marocaine ne pourra pas le mettre sur le marché avant la fin de ces 5 ans, sauf à demander au fabricant générique de refaire des essais cliniques coûteux et éthiquement discutables». «Tel qu'il est rédigé, ce dispositif va au-delà des exigences internationales et neutralise les marges de manœuvre que le Maroc possède en vertu des règles de l'OMC pour favoriser l'accès aux génériques», pointe l'association. Depuis sa mise sur le marché ailleurs, l'Ozempic a été souvent détourné de son usage premier, chez les non-diabétiques désireux de perdre du poids. Ceci a précédemment donné lieu à des pénuries ou à des falsifications du médicament, outre les effets secondaires d'une utilisation sans indication appropriée. Sur fond d'un large débat scientifique et médical à ce sujet, certains pays ont strictement encadré l'administration de cette injection, comme c'est le cas en France. Dans l'Hexagone, le stylo coûte 76,58 euros, soit plus de 300 euros pour quatre prises par mois. Eviter les détournements des usages autrement Selon Othmane Marrakchi, la solution à ces dérives au Maroc réside dans la réglementation qui doit permettre un accès abordable à l'Ozempic et au médicament générique pour les patients, et non pas les en exclure par des prix exorbitants, sous couvert de prévention contre tout détournement de l'utilisation par les personnes non diabétiques. «Je pense que notre pays a tous les outils en matière d'administration, de législation, de ressources humaines et d'infrastructure pour cela. En plus d'alléger les diabétiques et la sécurité sociale du coût du princeps, notre capacité à développer un générique local renforcera notre souveraineté sanitaire et je pense que nos laboratoires nationaux peuvent le faire», nous affirme Othmane Marrakchi. Dans ce contexte, l'ITPC-MENA plaide pour que l'AMMPS et le ministère de tutelle «corrigent la clause d'exclusivité des données». L'ONG préconise ainsi de «limiter la protection des données lorsque le médicament est déjà commercialisé depuis plus de 18 mois dans d'autres pays ou autorités de référence», en plus d'«exclure de la protection les cas où il existe déjà des génériques enregistrés dans des systèmes de régulation reconnus ou des médicaments dont le brevet est expiré ou inexistant». Enfin, l'association appelle à «garantir la primauté de l'intérêt de santé publique, en permettant explicitement à l'Agence de déroger à l'exclusivité des données en cas de besoin de santé publique, de tension budgétaire majeure ou pour soutenir la production locale de génériques».