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Maroc : Les délicates relations entre le ministère des Habous et les imams (Partie 1)
Publié dans Yabiladi le 19 - 04 - 2015

Le 13 mai 2012, descendant du train à Rabat-ville en provenance de Meknès, j'ai observé des hommes d'un certain âge en train de courir en tous sens, vêtus de djellabas blanches, de tuniques, de bonnets et de babouches de couleur blanche et jaune. La plupart d'entre eux portaient la barbe, tenaient le Coran à main et scandaient «nous sommes victimes de la nouvelle politique religieuse». En fait, il s'agissait d'une manifestation d'imams et préposés religieux qui avaient lieu devant le parlement marocain ce jour-là, les forces de l'ordre venaient d'intervenir pour disperser les imams violemment. Récit ethnographique. (Partie 1)
La diversité culturelle et religieuse qui marque la société marocaine conduit à s'interroger sur les formes de religiosités des Marocains (islam officiel, islam populaire, soufisme, maraboutisme, islam politique, islam de proximité,...). La monarchie marocaine, se saisissant de la question de la reconstitution du champ religieux, vise à lui donner une identité étatique. En somme, il s'agit d'une volonté de réorganiser le champ religieux au Maroc sur deux grands axes : institutionnel par la création d'instances, et éducatif par la requalification des acteurs religieux. A ce premier objectif, s'ajoutent d'autres plus médiatiques (chaînes de télévision, radios, journaux...) et idéologiques telle que la propagande officielle de l'universalité du modèle de l' «islam marocain».
Il s'agit d'une réorganisation, politiquement motivée, pour assurer le contrôle de la religiosité, de sauvegarder l'homogénéité religieuse de la société marocaine et de s'armer contre l'influence des doctrines concurrentes, à savoir le wahhabisme et d'autres composantes rigoristes de la Salafiya. Dans le même cadre de concurrence, la place capitale accordée au soufisme et au culte des saints en témoigne. En effet, depuis le début des années 2000, la nouvelle politique de consolidation du champ religieux vise d'une part à renforcer une unité doctrinale tripartite basée sur un rite malikite, une doctrine ach'arite et un soufisme composite [1], et d'autre part à contrecarrer l'influence des doctrines politico-religieuses concurrentes, notamment celle du wahhabisme et de différentes composantes de ce que l'on nomme «islam politique». Dans ces nouvelles reformulations du politico-religieux, le soufisme, sous différentes expressions, surtout confrériques et «maraboutiques», prend une place centrale. Une vision qu'exprime, de manière intellectuelle et officielle, le ministre Ahmed Toufiq (2009) :
«Nous assistons aujourd'hui, auprès du grand public et même chez des intellectuels à une demande de savoir, curiosité positive à l'égard du soufisme comme alternative au rigorisme religieux réductionniste et aux lectures trop sèches des textes fondamentaux. Car le soufisme est la dimension la plus profonde d'une religion, l'islam, et il est bien autre chose qu'un mysticisme aspirant à un universalisme syncrétique [2]. »
Rôle décisif du soufisme
Outre la désignation, en 2002, de cet adepte de la confrérie Bouchichiya en tant que ministre des Habous et des affaires islamiques, la première édition de la rencontre mondiale du soufisme, tenue en 2004 au mausolée de Sidi Chikr, a réaffirmé le rôle important que jouent les croyances et les pratiques soufies dans cette nouvelle restructuration du champ religieux. Se référant à l'ancrage historique et culturel de telles croyances, le message royal adressé, pour l'occasion, aux conférenciers et aux participants, a rappelé le rôle décisif du soufisme dans l'histoire du pays et de son avenir, pour ainsi dire domestiquer les tentations mondaines et politiques des citoyens. Donc, les pratiques et les croyances soufies sont appelées à délivrer «les esprits des velléités de quêtes indues du pouvoir» et pour renforcer, en même temps, les bases culturelles de la légitimité politico-religieuse de la monarchie [3] (Rhani et Hlaoua, 2014) [4].
Tozy, en réaction à l'établissement de cette nouvelle politique religieuse affirme que :
«C'est, en effet, cet islam historique. C'est ce que les marocains ont pris de cet islam. Ils ont pris le soufisme et le maraboutisme qui est aussi l'un des patrimoines importants, un islam de médiation ; ils ont aussi un islam gai, un islam de gaieté et de musique (samâ) et beaucoup de choses. Maintenant, ce que l'Etat peut en faire, ce n'est pas l'institutionaliser. Si vous l'institutionalisez, il est mort. L'islam marocain ne peut être institutionalisé. »[5]
Il s'agit d'une rationalité étatique qui se confronte à d'autres enjeux à travers la présence de différents acteurs. Parmi ces acteurs, les imams et préposés religieux réagissent à cette politique étatique généralisée. Au cours des années 2012 et 2013, des conflits ont vus le jour entre le ministère des Habous et des Affaires islamiques et les imams et préposés religieux [6]. Les causes de ce conflit ont un caractère économique et social, les préposés religieux se plaignent de l'indifférence du ministère à leurs égard et de l'injustice qu'ils subissent quotidiennement, alors que le ministère rappelle la mise en place d'un arsenal de mesures pour améliorer le statut social et la situation économique de cette catégorie des acteurs religieux. Des manifestations et des sit-in sont apparus sur l'ensemble du territoire marocain, une centralisation de manifestations appelée par la coordination de osrat almasajid (groupe des imams non reconnus par le ministère des Habous et des affaires islamiques) devant le parlement marocain à Rabat en 2012.
Les imams de l'esplanade
Le présent texte est issu d'une observation ethnographique de courte durée. Le 13 mai 2012, descendant du train à Rabat-ville en provenance de Meknès, j'ai observé des hommes d'un certain âge en train de courir en tous sens, vêtus de djellabas blanches, de tuniques, de bonnets et de babouches de couleur blanche et jaune. La plupart d'entre eux portaient la barbe, tenaient le Coran à la main et scandaient «nous sommes victimes de la nouvelle politique religieuse». En fait, il s'agissait d'une manifestation d'imams et préposés religieux qui avaient lieu devant le parlement marocain ce jour-là, les forces de l'ordre venaient d'intervenir pour disperser les imams violemment. De premières manifestations avaient eu lieu le 24 avril et le 21 juin 2011, à Rabat, devant le parlement, manifestations aux slogans et pancartes portant sur les droits des imams.
Ces manifestations répétitives des religieux sont jugées inédites par l'opinion public. L'occupation de l'esplanade du parlement par les imams est un nouveau mouvement au Maroc. Les Rbatis ont l'habitude d'y croiser les contestations des diplômés chômeurs, des syndicats, des partis politiques et des associations de la société civile.
L'esplanade en face du parlement est un lieu de promenade, de passage quotidien, le soir des familles s'y installent pour profiter de la vue offerte sur le Boulevard Mohamed V et de la médina. Le caractère ouvert de ce lieu et son statut symbolique et politique, institution «représentative de la nation», en fait un lieu privilégié de contestation, mais aussi de soutien des causes nationales, régionales ou locales. Spatialement, la place dite «place du parlement» n'est pas réellement une place urbaine, elle permet une certaine liberté de mobilisation et de rassemblement simples et visibles. La délimitation de l'espace me paraît importante, la localisation des actions des acteurs et le rapport de force décisif représenté par l'occupation de l'espace. Peu familiers du lieu, les imams après avoir été dispersés par les forces de l'ordre, se sont désolidarisés. Ils couraient difficilement dans leurs djellabas et leurs babouches et ne savaient manifestement pas où se réfugier. Plus tard, ils ont, tout de même, réussi à se regrouper en scandant leurs revendications à l'aide de mégaphones.
Lire la suite... (Partie 2)
[1] Voir, par exemple, l'interview de Mohamed Yassef, secrétaire général du Haut Conseil Scientifique des Ouléma du Maroc, dans le journal El Watan, n° 503, 24 janvier 2013.
[2] Il exprime cette opinion dans sa préface du livre de Zouanat (2009:9), 2009. Soufisme : quête de lumière. Editions Koutoubia.
[3] La monarchie, donc, a entamé une sorte de reconstitution du champ religieux et politique dans le pays et a réservé une partie considérable pour le renouvellement et l'intégration du soufisme contemporain dans sa politique globale de gestion du champ politico-religieux. On peut lire dans le message royal : «Les marocains ont bien intériorisé depuis l'avènement de l'islam, que l'essence de la religion consiste à purifier l'âme humaine de l'égoïsme, de la haine et de l'extrémisme, en se conformant aux bonnes mœurs et en s'élevant au-dessus des tentations qui avilissent le cœur et l'intelligence à travers la retenue et le contrôle de soi, dans une quête du couronnement spirituel connu sous le terme de soufisme». Dans le même discours, le monarque réitère les trois actions normatives menées par les soufis marocains qui méritent d'être réactivées : le soutien au pouvoir politico-religieux, la délivrance des esprits des velléités de quête indue du pouvoir, la formation d'une élite de pionniers. Lettre Royale datée du 03 septembre 2004.
[4] Z. Rhani et A. Hlaoua, «Soufisme et culte des saints au Maroc», in B. Maréchal et F. Dassetto (coordonné par), Hamadcha du Maroc. Rituels musicaux mystiques et de possession, Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de Louvain, 2014: 17-30 / Le n. ISBN du volume est: 978-2-87558-270-6
[5] Tozy.M, interview accordée au Magazine, Sezame, le 16/01/2007
[6] Préposé religieux est celui qui s'occupe de la préparation de la mosquée pour la prière, il peut être le muezzin dans quelques cas.


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