Au lendemain de son agression présumée, Loubna Abidar s'est réfugiée en France et avait choisi de ne pas s'exprimer dans la presse. Aujourd'hui elle prend la parole dans les colonnes du journal Le Monde où elle publie une tribune pour revenir sur comment le public a reçu le film «Much Loved» et sur les circonstances de son agression présumée. Elle a également tenu à lancer un message politique. Détails. Crédit Photo: Telerama Crédit Photo: Telerama Alors que ses proches lui ont conseillé de ne pas parler aux journalistes, Loubna Abidar a choisi de publier une tribune dans le quotidien français Le Monde pour briser le silence dans lequel elle s'était murée depuis son agression présumée. L'actrice principale du film controversé «Much Loved» revient ainsi sur les raisons de son choix d'endosser ce rôle. Elle y dénonce aussi la «campagne de haine» qui a accompagné la sortie du film. « Dans ce film, j'ai mis toute mon âme et toute ma force de travail, portée par Nabil Ayouch et mes partenaires de jeu. Le film a été sélectionné à Cannes. J'y étais, c'était magique. Mais dès le lendemain de sa présentation, un mouvement de haine a démarré au Maroc. Un ministre qui n'avait pas vu le film a décidé de l'interdire avant même que la production ne demande l'autorisation de le diffuser. Much Loved dérangeait, parce qu'il parlait de la prostitution, officiellement interdite au Maroc, parce qu'il donnait la parole à ces femmes qui ne l'ont jamais. Les autorités ont déclaré que le film donnait une image dégradante de la femme marocaine, alors que ses héroïnes débordent de vie, de combativité, d'amitié l'une pour l'autre, de rage d'exister », écrit-elle. Malgré les soutiens de quelques proches au Maroc ou à l'étranger, Loubna Abidar dénonce également les dénigrements et les insultes dont elle est la cible sur les réseaux sociaux. «[...]Quand une fille se comporte mal, on lui dit ''tu finiras comme Abidar''. Tous les jours, je lis que je suis la honte des femmes marocaines. Chaque semaine, je reçois des menaces de mort. J'ai encore des amis et des proches pour me soutenir, mais beaucoup se sont détournés de moi. Pendant des semaines, je ne suis pas sortie de chez moi, ou alors uniquement pour des courses rapides, cachée sous une burqa (quel paradoxe, me sentir protégée grâce à une burqa…).» Un message politique face à la campagne de «haine» Dans sa tribune, celle qui interprète le premier rôle dans «Much Loved» revient sur les circonstances de son agression. Elle explique que 3 jeunes hommes saouls l'ont fait montée dans leur voiture avant de la rouer de coups qui lui ont causé les blessures qu'elle a montrées dans la vidéo diffusée juste après son agression supposée. Loubna Abidar confirme ses accusations contre les policiers et les médecins sans donner toutefois plus de précisions. «Les médecins à qui je me suis adressée pour les secours et les policiers au commissariat se sont ri de moi, sous mes yeux. Je me suis sentie incroyablement seule…», peut-on lire dans sa tribune. Elle ajoute qu'un «chirurgien esthétique a quand même accepté de sauver mon visage. Ma hantise était justement d'avoir été défigurée, de garder les traces de cette agression sur mon visage, de ne plus pouvoir faire mon métier». La tribune de Loubna Abidar cache également un message plus politique. «J'ai fait des déclarations de colère que je regrette. Je ne savais plus où j'étais. Alors j'ai décidé de quitter le Maroc. C'est mon pays, je l'aime, j'y ai ma vie et ma fille, j'ai foi en ses forces vives, mais je ne veux plus vivre dans la peur. On s'attaque à moi pour un rôle que j'ai joué dans un film que les gens n'ont même pas vu. Une campagne de dénigrement légitimée par une interdiction de diffusion du film, alimentée par les conservateurs, nourrie par les réseaux sociaux si présents aujourd'hui… et qui continue de tourner en rond et dans la violence. Au fond, on m'insulte parce que je suis une femme libre. Et il y a une partie de la population, au Maroc, que les femmes libres dérangent, que les homosexuels dérangent, que les désirs de changement dérangent. Ce sont eux que je veux dénoncer aujourd'hui, et pas seulement les trois jeunes qui m'ont agressée…», conclut-elle.