La question devient incontournable au Maroc : Après l'Egypte, le battement d'aile du papillon révolutionnaire tunisien changera-t-il la face du Maroc ? Ou y aura-t-il une exception marocaine ? Nous avons demandé l'avis d'experts. Pourtant, plutôt que de répondre par un «oui» ou un «non» catégorique, le politologue Mohamed Tozy, l'historien Souleïmane Bencheikh, ou encore l'ancien opposant à Hassan II, Brahim Ouchelh ont nuancé leurs propos. Sans trancher avant l'heure, ils nous ont livré leurs analyses et témoignages, à lire dans le dossier du nouveau numéro de Yabiladi Mag. Des disputes autour du Sahara au Forum social mondial, le judo au Maroc, Jessica Biel et sa prédilection pour l'huile d'argan sont d'autres sujets découvrir. Mais l'éditorial ne pouvait passer à côté de la situation politique actuelle, il traite de l'hypocrisie regnante dans l'Hexagone à l'égard du monde arabe. France, l'infidélité érigée en valeur En tant que Franco-marocain, enfant de l'école de la République, j'ai été nourri aux valeurs héritées de la philosophie des Lumières. Le problème c'est que l'enfant plein de naïveté a une foi totale dans la théorie. Adolescent ou jeune adulte, on se rend compte que la pratique est très éloignée du monde des bisounours. A chaque pas vers la citoyenneté française, on érige devant nous de nouvelles conditions pour être un Français comme les autres. Français de seconde zone, nous sommes obligés de toujours en faire plus, prouver que Mohamed mérite d'être français. On nous demande de nous intégrer, mais nous intégrer à quoi puisque nous sommes nés ici ? Nous avons les mêmes réflexes, les mêmes habitudes, le même béret et la même baguette. La France se trahit quand elle n'applique pas les valeurs qui ont fait sa force. C'est cette même impression de trahison que j'ai ressentie dans la position de la France sur les évènements dans le monde arabe. On crie à la démocratisation des pays arabes devant les caméras et en coulisses on intime l'ordre de serrer la vis aux populations. Aucun membre du gouvernement n'a soutenu les populations qui, enfin, ont pris leur destin en main. Au contraire, on a tout fait pour assurer le maintien de ces dictateurs si intimes. La grosse ficelle utilisée sera encore une fois la peur de l'Islam. Certains utiliseront la lecture huntingtonienne du monde avec le fameux choc des civilisations : un message subliminal pour faire croire aux occidentaux (d'inspiration judéo-chrétienne) de l'urgence d'une guerre contre l'Islam. Cette théorie vole aujourd'hui en éclats suite à deux observations. Premier constat : le soutien indéfectible de la France (et des autres pays occidentaux) à des pays où une vision rétrograde de l'islam est utilisée pour maintenir les peuples sous domination. L'Arabie Saoudite n'a, par exemple, jamais été inquiétée par Nicolas Sarkozy. Deuxième réalité : l'absence de revendications religieuses lors des manifestations qui ont eu lieu en Tunisie et en Egypte. On peut même parler d'un cri pour plus de démocratie, plus d'égalité, plus de liberté. Le message est direct et fort, comme un uppercut au menton de Michèle Alliot-Marie. On observe aujourd'hui que ces peuples, infantilisés depuis le temps des colonies, aspirent aux mêmes valeurs universelles que les Européens, les Sud-américains, les Asiatiques... Un joli pied de nez à Samuel Huntington. Pourtant ce vent de liberté ne plaît pas aux pays occidentaux et notamment à la France qui a soutenu Ben Ali, jusqu'au dernier souffle de vie du régime. Ce n'est donc pas l'Islam qui fait peur, mais la démocratie, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, la fin de la tutelle de ces excolons, recyclés dans l'impérialisme. Ce fil conducteur régit les rapports de la France avec les populations originaires des ex-colonies. Qu'elles soient en France ou dans les pays d'origines, elles restent des indigènes, des Français pas tout à fait français, des humains pas tout à fait humains. Les libertés et la démocratie ne sont pas des valeurs à partager avec n'importe qui, semble-t-il. La France est le pays qui a inventé les valeurs universelles qui ne peuvent être octroyées de manière universelle. Splendide ! Il est temps que la France se réveille. Le monde a changé, les Français ont changé. Si ceux qui gouvernent ce pays ont oublié les valeurs qui ont construit son identité, les Français de toutes origines pourront lui rappeler qu'un peuple n'est pas un paillasson. Découvrez le numéro quatre de Yabiladi Mag, à lire et télécharger gratuitement sur notre site.