Entretien téléphonique entre Nasser Bourita et le ministre sud-coréen des Affaires étrangères    Libre circulation entre le Sénégal et le Kenya    Maroc–Algérie : l'heure d'un nouveau réalisme    Sahara : L'ONU somme le Polisario de cesser ses violations répétées du cessez-le-feu    Le Maroc s'apprête à recevoir 1000 autobus de nouvelle génération    CAN Maroc 2025 : le calendrier complet et les horaires des matchs dévoilés    Limogeage de la directrice régionale de la Santé de Rabat-Salé-Kénitra (Source ministérielle)    Le Zimbabwe fait face à une montée inquiétante du crime    « Croissance » : un voyage gospel entre ciel et terre    Tiflet accueille le Festival "NAFAS", un espace de dialogue et de créativité pour la jeunesse    Le Conseil supérieur des oulémas publie sa fatwa sur la zakat    Conseil de sécurité : Washington pour l'autonomie au Sahara, le Polisario menace de retrait politique    From Europe and the Gulf to Morocco : Transfers reshaping local clubs    Yassine Bounou considera a Lamine Yamal como marroquí a pesar de su elección por España    Maroc : 49 nouveaux centres de santé pour réduire les disparités territoriales    Manifestations GenZ au Maroc : 2 068 détenus et 330 mineurs devant la justice, selon l'AMDH    Football : De l'Europe et du Golfe au Maroc, des transferts qui remodèlent les clubs ?    Football : 50 ONG appellent Fouzi Lekjaa à intégrer l'amazigh    Le FC Séville relance son intérêt pour Amir Richardson    Mondial 2030 : Rafael Louzan estime "inexplicable" que la finale n'ait pas lieu en Espagne    Newrest prolonge son accord avec Ryanair, incluant le Maroc et six pays européens dans un réseau de vingt-quatre aéroports    À Madrid, des ingénieurs marocains et espagnols approfondissent les études du tunnel sous-marin Tarifa–Tanger    La Bourse de Casablanca ouvre en territoire négatif    Revue de presse de ce vendredi 24 octobre 2025    Téhéran étend méthodiquement son influence politique, économique et religieuse en Tunisie pour garantir un ancrage en Afrique du Nord alerte un rapport israélien    Quand l'opposition se réinvente sous le regard de la majorité    Maroc Telecom améliore son CA et compte plus de 81 millions de clients    "Il a choisi l'Espagne, mais il reste des nôtres" : le message de Bounou à Lamine Yamal    Le Maroc, "pays à l'honneur" du prochain EFM de Berlin    Driss El Hilali elected vice president of World Taekwondo Federation in Wuxi    Jeux de la Solidarité Islamique : le Maroc hérite d'un groupe relevé en futsal    CDM (f) U17 (f) : le Maroc joue sa survie face au Costa Rica ce soir    Le Maroc vise à éliminer le charbon de son mix-energétique d'ici 2040    France : Le Maroc s'invite à l'Olympia pour les 50 ans de la Marche verte    Un documentaire néerlandais suit un étudiant marocain bloqué après avoir fui l'Ukraine    Services de santé : L'accès à la plateforme "MARFI9I" ouvert aux usagers du "Pass Jeunes" à partir de ce vendredi    Edito. Le défi du remplacement    L'acteur Mohamed Razin n'est plus    Mohammed VI exprime ses condoléances à la famille d'Abdelkader Moutaa    Royal Air Maroc déploie un vaste programme de liaisons domestiques vers les provinces du Sud    Météorologie : Le Maroc et la Finlande signent à Genève un mémorandum d'entente    Autorisation d'Avastin : le syndicat se mobilise pour les maladies rétiniennes    Droits de l'enfant : Signature à Skhirat d'une convention de partenariat entre l'ONDE et l'IBCR    Rubio affirme que les projets d'annexion d'Israël en Cisjordanie "menacent" la trêve à Gaza    Un rabbin orthodoxe avertit que l'élection de Mamdani pourrait mettre en danger les Juifs de New York    Présidentielle en Côte d'Ivoire. L'UA et la CEDEAO à l'écoute des urnes    Etude Meta : Instagram met en danger la santé des adolescents    Taïwan : Pékin célèbre 80 ans de retour à la mère patrie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Chronique du Dr Lahna : Les conditions de travail dans une maternité publique au Maroc
Publié dans Yabiladi le 19 - 12 - 2017

«Quand le bébé a pu respirer, est devenu rose et a commencé à bouger ses membres, j'ai vu un beau sourire se dessiner sur le visage de la plus jeune des sages-femmes, un sourire qui a effacé pour un temps les traits tirés occasionnés par les conditions de travail. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elles sont inhumaines.»
Elles sont deux sages-femmes de garde, l'une aux admissions et l'autre en salle de naissance. Devant l'afflux des familles de la ville et des autres petites maternités avoisinantes, l'hôpital n'a pas recruté de nouvelles sages-femmes pour renforcer les équipes, mais des agents de sécurité d'une société privée pour mettre au pas les familles désemparées.
Je suis arrivé en milieu de matinée et j'ai trouvé le gynécologue de garde au bloc opératoire en train de faire une intervention pour des hémorragies. On est ensuite passé en salle de naissance, les cris des femmes parviennent de plusieurs box. Il faut dire que l'hôpital est neuf, avec des normes récentes, ce qui diffère de ce qui peut encore exister dans certains endroits où les femmes sont alignées les unes après les autres pour mettre au monde de nouveaux venus.
Ceci présente l'avantage d'une certaine préservation de l'intimité et la possession d'un espace vital, mais l'inconvénient est que la sage-femme doit laisser toutes les portes ouvertes et courir d'un box à un autre parce qu'elle est seule et n'a aucune aide-soignante pour l'assister pour les multitudes d'accouchements qui se succèdent.
J'ai suivi le gynécologue en salle de pré-travail pour qu'il puisse voir toutes les femmes qui sont arrivées et qui ne sont pas tout à fait sur le point d'accoucher. Une salle où les gémissements se mélangent aux plaintes, les unes couchées sur des lits d'autres courbées par terre par la douleur et le manque de place. Le médecin demande à la sage-femme des admissions, qui a dû quitter le bureau des entrées, des informations sur chacune des femmes pour qu'il décide ce qu'on doit faire pour les unes et les autres. Il a réexaminé certaines et demandé à d'autres de passer en salle d'échographie. Il sort ensuite dans la salle d'attente pour jeter un coup d'œil furtif sur la trentaine de femmes qui l'attendent en consultation d'urgence.
- Ne t'inquiète pas, ça va aller vite, me dit-il voyant mon air étonné en me regardant dans les yeux.
- Je ne suis pas inquiet, ai-je répondu en souriant.
- Alors prépare-toi à passer la journée avec nous. Ici, quand on entre, on ne sait jamais quand on repart. J'ai six césariennes de prévu et il y en a qui vont se rajouter rapidement.
Il a commencé à faire un tri rapide pour voir les vraies urgences d'abord. Ensuite, on est allé en salle d'échographie pour faire les consultations. Et je ne parle pas de tous ceux qui arrivent avec un passe-droit. Il les repère, les rassure qu'il va voir la femme pour qu'ils partent et le laissent travailler. C'est que je suis en compagnie d'un chef de service, craint et respecté parce que reconnu pour être incorruptible et compétent. Pour cela, on lui passe ses sauts d'humeur. Et comment peut-on ne pas en avoir avec une telle charge de travail ?
Après les consultations, il s'est dirigé au bloc opératoire pour entamer la série de césariennes. J'en ai profité pour aller voir comment des sages-femmes peuvent bien se débrouiller avec ce flux de patientes. Karima, en salle de travail, a la cinquantaine. Quand elle se déplace de salle en salle, on entend sa respiration et on voit le balancement de sa poitrine.
- Comment ça se passe ?
- Comme vous voyez, il est 14 heures, j'ai déjà fait 12 accouchements depuis le matin. Il faut que je m'occupe de ce nouveau-né et je n'ai pas fini de recoudre une épisiotomie, je dois pallier le plus urgent. C'est comme cela tout le temps.
De temps en temps, la deuxième sage-femme laisse la consultation des admissions et part donner un coup de main à sa collègue, plus jeune mais les traits tirés. Je l'accompagne alors dans sa salle pour m'enquérir de son travail.
- Oh ! Docteur, non seulement on a les femmes de la ville, mais énormément de transfert de toutes les maternités des alentours, parfois justifiées, parfois pas vraiment.
- Les sages-femmes ont peur désormais avec les audits sur la mortalité maternelle... J'ai dit ça pour expliquer les transferts.
- Certainement, parce que les sages-femmes envoient les femmes au moindre doute.
- Je sais, c'est par sécurité, mais ceci requiert que l'hôpital provincial ait plus de moyens humains et matériels, ce qui n'est pas votre cas, comme je vois.
- Vous voyez dans quelles conditions on travaille, dit-elle en posant sur moi un regard triste et fatigué.
En sortant de son bureau, j'ai vu l'autre sage-femme qui court avec un petit qui vient de naître par césarienne vers une table chauffante et de réanimation qui se trouve à l'autre bout de la salle, parce qu'il ne respire pas. La deuxième accourt également dans un vent de panique. Comme j'étais habillé en pyjama, j'ai pu mettre la main à la pâte et montrer à mes deux collègues les gestes de réanimation néonatale. Quand le bébé a pu respirer, est devenu rose et a commencé à bouger ses membres, j'ai vu un beau sourire se dessiner sur le visage de la plus jeune des sages-femmes, un sourire qui a effacé pour un temps les traits tirés occasionnés par les conditions de travail. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elles sont inhumaines.
Il existe pourtant des solutions urgentes et rapides à mettre en œuvre pour humaniser cette grosse maternité : recruter des sages-femmes payées par une association ou le conseil provincial et mises à la disposition du ministère de la Santé, puisque ce dernier ne recrute plus, ou redéployer les sages-femmes qui travaillent en périphérie dans des petits centres de santé ou hôpitaux et qui peuvent renforcer les équipes et travailler pour ne pas perdre la main. Ceci requiert une conscience de ce qui se passe dans la maternité et une volonté politique. Sinon, on continuera à observer une destruction du personnel et une mauvaise prise en charge des mamans et de leurs nouveau-nés.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.