Beaucoup d'étudiants marocains font le choix de s'établir un temps à l'étranger pour un échange ou quelques années d'études afin de dépasser leurs limites ou vivre une expérience de dépaysement total. C'est le cas de Nabila, Zineb et Rim, trois jeunes marocaines qui ont choisi de s'établir au Japon pendant quelques mois. Une expérience au sein de la culture nipponne qui les a marquées. Immersion. Dans notre série mensuelle «Campus», nous partons à la rencontre de trois étudiants marocains qui ont choisi de s'établir pendant un temps dans des pays «atypiques», pour donner un aperçu de leur vie, des difficultés qu'ils ont rencontrées et de l'expérience qu'ils en ont retenue. Ce mois-ci, Nabila, Zineb et Rim racontent leur expérience au Japon. Les trois jeunes femmes ont des parcours différents, se sont installées dans des villes loin des circuits touristiques et gardent des étoiles plein les yeux de leur échange dans le pays du Soleil levant. Rim a 22 ans et suit actuellement un cursus au sein de l'université de Rikkyo à Tokyo. C'est pendant ses études de commerce à la Neoma Business School, en France, que la jeune Rbatie a l'opportunité de faire son Master 2 dans ce pays de 127 millions d'habitants. Elle a quitté l'Hexagone en septembre dernier pour effectuer la deuxième partie de son master en commerce international pendant un an. Nabila, pour sa part, a fait son échange à l'université internationale d'Akita (à 600 km au nord de la capitale). Cette jeune femme de 24 ans a pu explorer la culture nipponne en 2012 pendant un an. Celle qui est passée par Al Akhawayn University à Ifrane est, depuis, revenue au Maroc après avoir obtenu un diplôme en communication et management des ressources humaines. Enfin, Zineb a également effectué un échange d'un an entre août 2016 et août 2017 à l'université de commerce et de business de Nagoya (à environ 300 km au sud-ouest de Tokyo). La jeune Rbatie de 24 ans étudiait à l'université internationale de Rabat (UIR) et avait choisi le pays du Soleil levant pour un MBA. Si ces trois étudiantes se sont retrouvées un peu par hasard au Japon, toutes ont voulu «découvrir une nouvelle culture» et dépasser leurs limites. «J'avais 19, 20 ans quand je suis partie. J'avais coché plusieurs options par hasard. Je me suis dit pourquoi pas… Je voulais vivre une expérience unique et partir quelque part en Asie pendant une année entière. C'est une opportunité qui ne se présente qu'une fois dans la vie», confie Nabila. La petite ville où elle s'installe, la culture et le quotidien qui rythme peu à peu sa vie enchantent la Fassie. «C'était un choix bienvenu, je n'aurais jamais pensé que je partirais un jour au Japon. J'avais une bourse de mon université qui était assez généreuse, près de 80 000 yens par mois (environ 6 700 dirhams, ndlr).» Rim dans le parc de Nara. / Ph. Rim Rim, elle, était motivée par des choix de carrière et par sa passion pour la culture nipponne. L'un des masters proposés au sein de l'université de Rikkyo lui met la puce à l'oreille. «C'est un master que j'avais envie de faire. En plus, je suis fan de la culture nippone. Je veux m'immerger et découvrir le Japon ainsi que d'autres pays d'Asie», explique la Rbatie. Depuis deux mois qu'elle a atterri à Tokyo, la jeune femme est toujours en train de prendre ces marques. Quant à Zineb, c'est l'expérience du dépaysement qui la stimule. Seulement, l'UIR ne propose que peu d'échanges de plus de six mois. «J'ai finalement choisi le Japon parce que l'université en question proposait un double diplôme. C'est également l'une des écoles les mieux classées non seulement au Japon, mais aussi en Asie», dit-elle. Zineb voulait «s'aventurer» dans un pays «totalement inconnu», que ce soit sur le front culturel ou linguistique. L'objectif était de «vivre une expérience enrichissante et hors du commun». Zineb au sommet du mont Fuji. / Ph. Zineb Une année de thérapie Si l'expérience de chacune est unique, toutes s'accordent à dire que cette aventure les a changées. Pour Nabila, son échange a été «une année de thérapie». «C'était comme du yoga, c'est ainsi que je l'ai vécu.» L'immersion dans une culture totalement différente n'a pas été chose aisée. «S'habituer au train de vie quotidien des Japonais n'a pas été facile. Leur climat, leur mode de vie, leurs habitudes alimentaires sont complètement différents de tout ce que j'ai pu voir ou vivre auparavant. Mais on s'adapte comme on peut. Malgré ce défi, je me sentais bien au Japon. J'aimais découvrir chaque jour de nouvelles choses», se souvient Zineb. La Rbatie porte une attention aux moindres détails, «la sécurité, le respect, l'éducation, les infrastructures, la communication». Loin de se décourager, l'étudiante garde à l'esprit que «le Japon est unique» et que chaque jour a son lot de surprises et d'apprentissages. Nabila fait face rapidement à un trait de caractère communément répandu chez les Japonais d'après elle, qui la surprend au premier abord, mais qu'elle assimile pour mieux l'appliquer dans sa vie quotidienne. «Quand je suis arrivée, je me plaignais beaucoup. J'avais une colocataire japonaise et je me confiais à elle. Elle ne réagissait pas et me regardait bizarrement. La première semaine, j'ai très vite appris que lorsque tu te plains auprès de quelqu'un au Japon, la personne ne fait pas attention à toi. L'énergie négative n'a pas lieu d'être. Si tu ne peux pas amener de la joie à un événement, il vaut mieux garder la bouche fermée.» A cheval sur l'administration Rim avoue que le «choc culturel est assez important». Elle rencontre des difficultés car «tout est écrit en japonais». Quand l'étudiante va faire les magasins ou les courses, elle est régulièrement confrontée à cet aspect de la vie au pays du Soleil levant. «D'autant que les Japonais ne sont pas très bon en anglais. C'est parfois dur de communiquer avec eux.» En revanche, la jeune femme se dit agréablement surprise par la bureaucratie et la rapidité par laquelle les Japonais règlent les formalités administratives. Quand Rim arrive pour la première fois à l'aéroport, elle a besoin de faire sa carte de résidence. «Les démarches étaient extrêmement rapides. Au lieu des trois heures, tout a été bouclé en une heure», indique la Rbatie. Les Japonais sont tellement à cheval sur l'administration qu'une procédure peut devenir une vraie corvée. «Par exemple, si tu n'as pas de RIB et une adresse de logement, tu ne peux pas avoir un numéro de téléphone. Pareil si tu veux louer, il te faut absolument un RIB et un numéro de téléphone. C'est un vrai casse-tête. Si tu ne viens pas d'Europe, c'est extrêmement difficile de trouver un logement. Il faut absolument avoir un Japonais avec toi pour te guider», explique Rim. Et d'ajouter : «La première fois que j'ai dû effectuer un paiement, ça a été une vraie frustration.» Nabila, en compagnie de la famille de sa colocataire Natsumi (printemps en japonais). / Ph. Nabila Une bonté à toute épreuve Les trois Marocaines sont encore sous le charme de la serviabilité des Japonais. Nabila se souvient : «Les gens sont très modestes, ils s'intéressent à toi. Ils n'ont pas la culture de la revanche. Ça m'a beaucoup marqué et changé ma perception des choses jusqu'à présent.» «Là-bas, personne ne te regarde, ni ne fait attention à toi. Tout le monde se mêle de ses propres oignons. Sauf les personnes que tu côtoies au quotidien, très gentilles.» «Ils sont concentrés sur eux-mêmes», explique-t-elle. Cette faculté qu'ont les Japonais de se recentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire eux-mêmes, a permis à la Fassie de passer beaucoup de temps «à se retrouver» et à se focaliser sur son énergie. Pour montrer à quel point les Japonais sont serviables, Zineb raconte une anecdote qui lui est arrivée : «Une fois j'ai demandé à une vielle dame d'environ 70 ans de m'indiquer le chemin d'un cabinet d'assurance. C'est là qu'elle m'a prise par la main et a marché avec moi pendant 10 minutes pour m'emmener exactement sur le lieu que je cherchais, puis elle est rentrée avec moi jusqu'à l'intérieur du cabinet et a demandé à une personne qui travaillait là-bas de m'accueillir. J'étais sans voix et sans mots», raconte avec un grand sourire la jeune femme. Cette bonté «rare» est «très habituelle au Japon». Il y a différentes façons de dire merci en Japonais. «Ils sont très polis. Il y a tellement de manières de remercier. Tu peux dire 'Arigato' ou bien 'Kudasai', etc.», abonde Rim. Seuls bémols : le coût de la vie est en revanche plus élevé qu'au Maroc, notamment les loyers. «Mon logement m'a été fourni par l'école. Le loyer est similaire à ce qu'on trouve à Paris», poursuit Rim. C'est au niveau de la nourriture que les choses se corsent, comme le fait remarquer Zineb : «Une pomme au Japon coûte 400 yen (environ 40 dhs), donc vous imaginez à quoi ressemble le niveau de vie. Par conséquent, les salaires sont très hauts. J'ai été étonnée de voir comment chaque job est valorisé. Ils achètent tout en petites quantités.» «Je ne sais pas si les Japonais savent ce que c'est que la pauvreté, mais durant toute mon année au Japon, je crois n'avoir vu qu'un ou deux mendiants, et quand j'ai demandé aux gens comment ils faisaient pour vivre, ils m'ont répondu que l'Etat les prenait en charge et payait tous leurs frais. Voici à quoi ressemble la vie au Japon.» Article modifié le 03/12/2017 à 00h14