Découvertes au Maroc, au pied de l'Atlas Occidental, près de Tafaytour (bassin d'Argana) dans les années 1980, les empreintes des pattes de dinosaures viennent de faire l'objet d'une nouvelle étude scientifique. Elles permettent ainsi de soulever de nouvelles révélations sur comment ces dinosaures géants se déplaçaient dans la nature. Publiée cette semaine dans le Journal of Vertebrate Paleontology, l'étude signée par les chercheurs Jens N. Lallensack, Shinobu Ishigaki, Michael Buchwitz, Oliver Wings et le Marocain Abdelouahed Lagnaoui a employé des méthodes de pointes pour comparer ces empreintes à ceux des sauropodes dans le monde. L'objectif étant de déterminer comment ces géants dinosaures à long cou, qui parcouraient les montagnes de l'Atlas il y a environ 210 à 66 millions d'années, se déplaçaient dans la nature. L'étude, intitulée «Orientation des membres antérieurs et locomotion des dinosaures sauropodes : aperçus de la piste Tafaytour du Jurassique moyen (Basilique Argana, Maroc)» s'intéresse, comme son nom l'indique, à la motricité de ces animaux herbivores à partir de ce site du Jurassique moyen. Déjà en 2013, trois chercheurs marocains, en l'occurrence Abdelouahed Lagnaoui, Amal Enniouar et Adnane Habib, avaient indiqué dans un article paru dans «Proceeding of the Geologists Associations» que ledit site comprenant «les pistes de six grands dinosaures sauropodes, est considéré comme ayant une grande valeur scientifique et touristique». De nouvelles révélations sur la motricité des sauropodes Mais la nouveauté de l'étude publiée en ce mois de janvier consiste dans sa méthodologie et ses conclusions. Ainsi, elle révèle que les dinosaures à long cou, appelés sauropodes, pouvaient «orienter leurs pattes antérieures à la fois en avant et sur les côtés». A en croire le site d'information Science Daily qui relaye l'étude, cette orientation de leurs pattes, ayant fait planer le mystère depuis la découverte de ce site, «dépendait de la vitesse et du centre de gravité des animaux». L'emplacement du site de Tafaytour. «Les dinosaures au long cou (sauropodes) étaient parmi les herbivores les plus réussis de l'ère mésozoïque - l'âge des dinosaures. Les caractéristiques de ce groupe étaient un corps en forme de baril sur des jambes colonnaires ainsi qu'un cou extrêmement long, se terminant par une tête relativement petite», indique l'équipe internationale qui s'était penchée sur les empreintes découvertes à Tafaytour. Mais concernant ces sauropodes, «les animaux terrestres les plus importants de l'histoire de la Terre», le mystère planait concernant leur «façon de se déplacer», explique Jens Lallensack, paléontologue à l'Institut des géosciences et de la météorologie de l'Université de Bonn en Allemagne, cité par l'étude. Les articulations des membres de ces dinosaures étaient en partie cartilagineuses et donc non fossilisées, ne permettant que des conclusions limitées sur l'amplitude des mouvements. Les empreintes de sauropodes à Tafaytour. / Ph. DR C'est justement grâce aux empreintes fossilisées de ces géants herbivores que l'équipe internationale de chercheurs du Japon, du Maroc et d'Allemagne, dirigée par l'Université de Bonn, a exploré le site unique en son genre, au pied de l'Atlas marocain. Un site qui «consiste en une surface de 54 x 6 mètres ayant été positionnée verticalement pendant la formation de la montagne et qui montre des centaines d'empreintes individuelles, dont certaines se chevauchent». «Travailler sur des pistes individuelles à partir de ce tas d'empreintes de pas était un travail de détective et n'était possible que par l'analyse de modèles 3D à haute résolution sur ordinateur», explique Jens Lallensack. Un dinosaure avec des pattes antérieures assez flexibles Et les résultats ont surpris les chercheurs. Les voies de circulation étant extrêmement étroites, les empreintes droite et gauche sont presque alignées. Les chercheurs ont surtout constaté que «les empreintes des pattes antérieures ne sont pas dirigées vers l'avant, comme c'est le cas pour les pistes de sauropodes, mais pointent vers le côté et parfois même vers l'arrière». Ces animaux ont été ainsi en mesure de basculer entre les deux orientations selon les besoins. «Les humains peuvent tourner la paume vers le bas en traversant l'ulna et le radius», explique le Dr Michael Buchwitz du Museum für Naturkunde Magdeburg, soulignant que si ce mouvement complexe est limité aux mammifères et aux caméléons chez les vertébrés terrestres actuels, il «n'était pas possible chez d'autres animaux, comme les dinosaures». Les Sauropodes avaient donc dû trouver un autre moyen de faire avancer leurs pattes antérieures. Des dinosaures à long cou, appelés sauropodes, comparés à un éléphant et un homme. / Ph. DR Les chercheurs concluent que cette rotation des pattes chez les sauropodes résulterait d'une «grande souplesse des articulations». De plus, l'analyse statistique des traces de sauropodes du monde entier explique que «ces animaux avaient tendance à avoir les pattes antérieures dirigées vers l'extérieur lorsque la patte antérieure n'était pas utilisée pour la locomotion active, mais uniquement pour supporter le poids du corps». Ainsi, «les pattes antérieures étaient souvent tournés plus loin vers l'extérieur lorsque l'animal se déplaçait lentement et que le centre de gravité du corps était loin en arrière. Bien que cette rotation externe des pattes antérieures «était limitée aux animaux plus petits», elle semble avoir été adoptée par les sauropodes malgré leur taille gigantesque.