Plus de 400 participants de 30 pays sont réunis à Fès pour le 5e Congrès mondial du soufisme. Cet événement international positionne le Maroc comme un pôle de l'islam modéré, utilisant le soufisme en tant que levier de dialogue et de diplomatie spirituelle face aux défis mondiaux actuels. Plus de 400 participants représentant une trentaine de nationalités étaient réunis à Fès les 12 et 13 août pour la 5e édition du Congrès mondial du soufisme. Organisé par le Centre académique international d'études soufies et esthétiques (IACSAS), cet événement international rassemble des universitaires, des chercheurs et des figures du soufisme autour du thème «Science de la purification : édification de l'Homme & préservation des patries». Au-delà des échanges académiques, cette rencontre constitue une plateforme stratégique pour le Maroc. Elle lui permet de mettre en lumière son approche singulière de l'islam, un modèle fondé sur la modération, la stabilité institutionnelle et un héritage spirituel structuré, présenté comme une voie pertinente face aux défis mondiaux contemporains. Le cadre marocain, un pilier de modération et de cohésion Le congrès s'ancre dans un cadre de référence spécifiquement marocain, activement promu comme un rempart contre les courants extrémistes. Ce modèle repose sur trois piliers indissociables. Il s'agit du dogme acharite, de la jurisprudence malékite et de la voie soufie de l'Imam Jounayd. Comme l'a souligné Aziz El Kobaiti Idrissi Al Hassani, président du congrès, cette approche est consolidée sous l'égide de l'Institution de la Commanderie des croyants, qui agit comme garante de la sécurité spirituelle et de la stabilité religieuse de la nation. En présentant ce triptyque comme le fondement de son identité religieuse, le Maroc propose une vision d'un islam du juste milieu. Cette vision est institutionnalisée et transmise à travers des centres d'études et des rencontres comme celle de Fès, affirmant ainsi une cohésion doctrinale et pratique. La thématique centrale de l'événement a établi un lien direct entre la réforme intérieure de l'individu et la stabilité des sociétés. Pour les organisateurs et intervenants, les crises politiques et sociales trouvent souvent leur origine dans un déséquilibre au niveau personnel. L'approche soufie de la «purification» (tazkiya) est ainsi présentée non pas comme une simple quête spirituelle, mais comme une méthodologie active pour former des citoyens constructifs. El Kobaiti a insisté sur le fait que la moralisation de la vie publique est impossible sans une moralisation préalable de l'individu. Cette perspective a été renforcée par l'intervention de Cheikh Ahmad al-Dabbagh de Grande-Bretagne, qui a rappelé comment le modèle prophétique avait d'abord privilégié la formation individuelle avant de construire la communauté, illustrant ainsi l'universalité de ce principe. Un dialogue pluridisciplinaire au cœur des sessions Les sessions de travail du congrès sont conçues pour explorer la thématique centrale sous des angles variés et complémentaires qui lient la tradition spirituelle à des problématiques contemporaines. Des universitaires et des guides spirituels ont abordé la science de la purification non seulement comme une discipline intérieure, mais aussi comme un outil pertinent pour la société. Parmi les interventions, celle de l'imam Zayd Shakir (Etats-Unis) a porté sur le soufisme et la bataille pour l'esprit humain, offrant une perspective sur les luttes intérieures de l'individu moderne. Hakima El Hajar, professeure de psychologie clinique, a établi un pont avec les sciences humaines en explorant le soufisme à travers le prisme de la psychologie clinique, proposant une approche de «complémentarité thérapeutique culturelle». La dimension sociale et citoyenne a été également au centre des débats. Des contributions ont analysé le rôle du soufisme dans la consolidation des valeurs de la citoyenneté active et du vivre-ensemble. Enfin, le lien entre la spiritualité et la stabilité institutionnelle a été abordé, notamment par Abdellah Boussouf, secrétaire général du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger. Son intervention sur la Commanderie des croyants comme garante de la sécurité spirituelle a illustré le modèle marocain. Une diplomatie spirituelle au service d'une vision globale En accueillant des délégations venues d'Afrique, d'Asie, d'Europe et d'Amérique, les organisateurs estiment que le Maroc ne se contente pas d'organiser une conférence, mais de mener une véritable action de diplomatie spirituelle. La présence de personnalités influentes de diverses confréries et universités témoigne de l'attrait international de son modèle. L'événement devient un forum où le Maroc partage son expérience et renforce son influence en tant que pôle de savoir et de spiritualité pacifique. Le congrès permet de positionner le soufisme marocain comme une force de dialogue et un outil de «soft power» capable de rassembler au-delà des frontières. Il réaffirme ainsi le rôle du Royaume comme un acteur engagé dans la promotion d'une compréhension structurée et apaisée de l'islam sur la scène mondiale. Mehdi Idrissi / Les Inspirations ECO